Histoire « athée » du peuple d’Israël (1/3)

Le peuple d’Israël mérite comme les autres nations modernes, humanistes et démocratiques, une histoire objective, vérifiée et débarrassée de la pensée magique que constitue la croyance en dieu.
La pensée magique est la croyance au surnaturel et en psychologie elle constitue un moyen d’échapper à l’angoisse de l’inconnu et au conflit intérieur ; ceci signifie que pour les adeptes de cette pensée il vaut mieux être dans l’erreur que dans l’incertitude. Depuis le XIXe siècle, l’archéologie et les moyens sophistiqués de datation (dont le carbone 14) ont permis de faire la part des choses entre Histoire et Mythologie. La mythologie est au cœur de la Bible et reflète l’état d’esprit des scribes qui l’ont écrite à partir du Ve siècle, et qui l’ont imaginée, en dehors de considérations logiques et chronologiques, afin de parvenir à leurs fins théologiques, au prix de la réalité.
Leurs écrits visaient à convaincre les lecteurs de l’ordre du déroulement des faits et de la nécessité de facteurs magiques pour les expliquer. Le recours à un dieu pour expliquer les choses a été pratique et rassurant tout en évitant d’admettre que l’univers contient encore nombre d’aspects que le cerveau humain ne peut concevoir.
À l’inverse, la découverte et l’acceptation de nos limites encouragent la recherche et le progrès alors que la pensée magique freine l’évolution de la civilisation. Notre référence clef est le livre « La Bible dévoilée » du célèbre historien et archéologue israélien Israel Finkelstein (Institut d’archéologie de l’université de Tel Aviv) et de Neil Asher Silberman (spécialiste belge en archéologie) qui s’en tient aux faits archéologiques et historiques, particulièrement significatifs à la lumière des progrès réalisés en matière de datation à partir du XXe siècle.
Nous mentionnons de très nombreux extraits de ce livre dont nous recommandons la lecture.
Nous avons aussi pris en compte les réflexions de Sigmund Freud et de Karl Abraham sur la naissance d’une sorte de monothéisme en Égypte sous le règne du Pharaon Amenhotep IV, appelé Akhenaton, qui vécut au XIVe siècle av. JC.
Akhenaton eut un bref règne dont les prêtres égyptiens ont tenté d’effacer la trace car leurs revenus n’étaient assurés que par la multitude des dieux rejetés par ce Pharaon. La tentative d’effacement de la mémoire de ce Pharaon aura permis de protéger ses écrits et ceux de son père Aménophis III à Tell Amarna (400 tablettes écrites en Akkadien cunéiforme et datées du XIVe siècle av. JC).
L’Égypte régnait sur un immense empire de la Nubie et Libye jusqu’à l’actuel Liban et le sud-ouest de l’actuelle Syrie incluant Canaan. Les Égyptiens correspondaient avec leurs vassaux, mais aussi avec des rois étrangers comme ceux des Hittites d’Anatolie et de Babylone. La découverte de ces archives date de 1887. Il ressort de celles-ci que l’Exode de la Bible est logiquement imaginaire. À l’époque supposée de l’Exode, l’écriture hébraïque n’existait pas, et il aurait été difficile d’écrire le décalogue et le deutéronome (Devarim). De plus, fuir l’Égypte pour Canaan, étroitement contrôlé par l’Égypte, n’aurait pas eu de sens. Des traces de la présence de garnisons égyptiennes ont été retrouvées à Gaza, Bet Shean (au sud du lac de Tibériade) et à Jaffa. Sur une stèle découverte en 1896, le Pharaon Mérenptah indique qu’au XIIIe siècle le peuple d’Israël était établi à Canaan, qu’il était insignifiant et qu’il avait remporté sur eux une victoire sans difficulté.
La mythologie sur laquelle est en partie fondée la Bible ne compte pas toujours des personnages très positifs. Dieu a une personnalité très anthropomorphique, ce qui est naturel dans la mesure où il est la création des hommes ; il est notamment jaloux, vengeur et exterminateur. Abraham offrit sa femme (et demi-sœur) Sarah au Pharaon afin d’en tirer profit lorsque poussé par la famine, il se rendit en Égypte. Il tenta vainement de recommencer la même chose avec Abimelek (Roi des Philistins).
Les scribes l’ont fait naître à Ur parce que c’était une ville prestigieuse alors qu’il naquit certainement ailleurs. Il expulsa de chez lui son fils Ismaël et tenta de tuer son fils Isaac en prétextant que dieu le lui aurait demandé. Ceci en dit long sur l’état d’esprit des scribes qui écrivirent cette histoire.
Jacob obtint la bénédiction de son père due à l’aîné en se faisant passer pour son frère Esaü. Après cela les scribes imaginèrent que Jacob s’était battu toute une nuit contre Dieu ou son envoyé, et fut blessé, et depuis lors Jacob fut appelé Israël, c’est-à-dire celui qui a lutté avec Dieu. Les enfants de Jacob engendrèrent les treize tribus d’Israël, qui sont en fait douze parce que son fils joseph, « qui avait été vendu par ses frères à des caravaniers », fut à l’origine de deux tribus, et que le rôle des descendants de Lévi fut limité à la prêtrise. Le roi David, avec lequel le Messie devrait avoir un lien, fit tuer Ourie le Hittite pour lui voler sa femme Batsheva. Salomon, fils de David et de Batsheva et constructeur du Premier Temple, possédait un harem de sept cents épouses et de trois cents concubines païennes.
Le romantisme des prières d’Akhenaton rapportées par Karl Abraham révèle une sorte de monothéisme plus apaisé. De toutes façons le véritable monothéisme ne s’est véritablement imposé pour un temps chez les Israélites qu’à l’époque de Josias, roi de Judée de l’an 640 à 609 av. JC.
Le Tanakh (Bible hébraïque) a été écrit pour la plus grande partie à partir du Ve siècle, c’est-à-dire bien après les faits qu’ils relatent. L’orientation du Tanakh en ce qui concerne les royaumes d’Israël et de Judée révèle aussi un parti pris théologique.
Les récentes découvertes archéologiques conjuguées à une meilleure datation ont permis de reconstituer de nombreux faits historiques. Certaines situations considérées comme acceptables sont contraires à la morale judéenne déterminée par la suite. Ces écrits mentionnent une conception de la piété qui ne fut pas du tout appliquée avec constance dans les Royaumes d’Israël et de Judée.
Selon Albrecht Alt (historien allemand), il n’existe pas de traces d’invasion de Canaan par les Israélites dont l’installation y aurait été pacifique et de longue date. Les Hébreux étaient des pasteurs nomades qui se sont progressivement sédentarisés en défrichant des forêts à Canaan pour en faire des terres cultivables. Leur activité d’élevage de chèvres et de moutons, faciles à déplacer, leur permettait de se rendre de Canaan au delta du Nil pour y trouver des terres humides nécessaires au pâturage (transhumance). Les déplacements entre Canaan et l’Égypte étaient donc récurrents et ont peut-être inspiré aussi le thème de Bamidbar (Exode).
Selon George Mendenhall (historien américain), les Hébreux n’étaient pas des étrangers à Canaan. Ils se sont d’abord concentrés sur les hautes terres inhabitées de Canaan pour ne pas être en conflits avec les agriculteurs sédentaires à l’époque du Bronze récent.
Nous utilisons le mot « Israélites » comme traduction de l’hébreu « Bnei Israel », c’est-à-dire « les fils d’Israël » et leurs douze tribus. Les Judéens de de la tribu de Juda (incluant l’enclave de la tribu de Siméon) ont inspiré les scribes avant les multiples diasporas, et lors la grande diaspora, et se sont concentrés sur un aspect uniquement théologique d’Israël aboutissant au Judaïsme.
La généralisation de l’agriculture a fini par sédentariser les Israélites à Canaan. Deux premières vagues de sédentarisation des Hébreux portant sur quarante mille habitants se sont produites à l’âge du Bronze comprenant une centaine de cités.
Celles-ci furent suivies d’une autre vague sédentarisation sur deux cents autres sites dont les plus importants furent Hébron, Jérusalem, Béthel, Silo et Sichem (source : La Bible dévoilée). Une vague de sédentarisation additionnelle eut lieu vers 1 200 av. JC comprenant 45 000 individus répartis sur 250 sites découverts à partir de 1967. Cette croissance continua au VIIe siècle av. JC au cours duquel les Royaumes de Judée et d’Israël comprenaient cinq cents sites regroupant 160 000 personnes (chiffre très éloigné du chapitre biblique des nombres dans la Bible).
Les hautes terres de Canaan étaient favorables à la production de vin et d’huile d’olives exportée en partie en Égypte. L’expansion eut d’abord lieu vers le jourdain, puis vers la mer (Shephelah et plaine littorale). L’écoulement de la production agricole entraina l’accroissement des marchés et des relations avec les autres Cananéens qui produisaient des céréales. Leur production céréalière devint insuffisante et les Israélites durent en produire aussi en réduisant leur activité pastorale. Les Israélites d’abord Cananéens nomades devinrent des Cananéens sédentaires. Le fait que les Israélites soient des Cananéens déconstruit une partie de la Bible et explique l’absence de traces d’invasion.
Ce qui différencie les villages israélites des autres villages de Canaan, est l’absence d’os de porc, ce qui n’était pas le cas de ceux de Philistins, des Moabites et des Ammonites. Les coutumes alimentaires furent un moyen de se différencier des autres ethnies avant l’apparition des préceptes religieux. Le rejet du porc est donc la continuation d’une tradition ethnique très ancienne et révélée par l’archéologie.
Pour les Israélites, la croyance en Yahvé, parfois sous une forme surprenante, a été tardive et progressive, les déités locales et étrangères ont longtemps gardé une place importante à ses côtés. Yahvé est la prononciation d’un tétragramme issu du verbe « être » en hébreu pour désigner Dieu, qui n’a donc pas de nom, que l’on ne pourrait évoquer en vain.
Le premier Roi d’Israël a été Saül, suivi de David puis de son fils Salomon. David conquit Jérusalem, mais ne put construire le Temple, pour avoir fait tuer Ourie afin de lui prendre sa femme, comme nous l’avons mentionné. Salomon, fils de David et de Bethsabée, construisit le Temple de Jérusalem mais il eût sept cents épouses et trois cents concubines païennes comme nous l’avons mentionné, et à la fin de son règne il se tourna vers l’idolâtrie.
Son fils Roboam leva de lourds impôts et obligea les dix tribus du Nord à faire des travaux pour lui, en prétextant que les tribus de Manassé, Benjamin, Zabulon, Asher, Nephtali et Dan avaient ajouté à leur croyance en Yahvé d’autres déités cananéennes dont Baal.
Jéroboam de la tribu d’Éphraïm profita du mécontentement général parmi les dix tribus du Nord, pour provoquer une scission d’avec le Royaume de Judée (deux tribus). Le royaume d’Israël continua sous le règne de Jéroboam et la Judée continua à être un royaume avec Jérusalem pour capitale.
La Scission d’Israël en deux royaumes est donc le résultat de mesures discriminatoires et pesantes prises par Roboam, un roi tyrannique et arrogant, et non pas celui de l’impiété d’Israël. Le royaume de Judée a en effet été mis en valeur par les scribes pour sa piété alors que, comme en Israël, des rois pieux ont succédé à des rois impies, et le royaume de Juda, comme celui d’Israël, n’ont pas toujours été les royaumes d’un seul Dieu.
Le Royaume d’Israël de 930 à 720 av. JC, est celui de dix des douze tribus d’Israël, et a eu pour capitale Sichem, puis Tirça, puis enfin Samarie, alors que la Judée ne comprenait que Juda et Siméon. Les constructions monumentales dites salomoniques qui ont été trouvées à Megiddo ont été bâties bien après le règne de Salomon selon leur datation au carbone 14. Ceci remet en question les splendides constructions des règnes de David et Salomon qui auraient vécu dans de modestes bourgades.
Israël avait au contraire bénéficié de périodes de forts développements, et possédaient des richesses agricoles et un prestige que la Judée n’avait pas. Le royaume d’Israël au Nord avait une population dense où se répartissait des domaines agricoles grands, moyens et petits. La région de Judée au Sud était pauvre et fondée sur l’élevage. La population d’Israël dépassait très largement celle de Judée, et Sichem était devenu le centre principal du Nord. Les tablettes de Tell Amarna confirment l’existence de deux souverains l’un à Sichem et l’autre à Jérusalem. La terre de Judée était principalement constituée de terres rocheuses alors que celle d’Israël comprenait des vallées fertiles pouvant nourrir les habitants de la région.
Israël avait tous les atouts pour être un État peuplé et riche alors qu’au Xe et IXe siècle av. JC la Judée comptait un nombre limité de villages.
Neuf cent ans av. JC, Israël était un État pleinement constitué, réalisait de grandes constructions, bénéficiait d’une activité économique prospère et faisait des échanges commerciaux avec les régions voisines. Le territoire était gouverné par une administration dans des locaux élaborés bâtis en pierres appareillées (notamment à Megiddo, Jezréel et Samarie). Au VIIe siècle, le lien entre Israël et la Judée était constitué de légendes communes, d’une langue et un alphabet communs, et de la vénération de Yahvé en même temps que d’autres déités.
Au cours du règne de Roboam en Judée, le pharaon Sheshonq Ier marcha sur Jérusalem, se fit livrer tous les trésors du Temple, du Palais royal et dévasta 150 villages de Judée. La victoire de Sheshonq fut gravée sur une stèle à Megiddo (retrouvée récemment). Israël ne fut que peu touché et son essor économique, démographique et territorial continua.