Guerre Russie-Ukraine, pour qui sonne le glas

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimant lors d'une interview diffusée le 19 novembre 2024. (Crédit : Capture d'écran/Fox News ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d'auteur)
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'exprimant lors d'une interview diffusée le 19 novembre 2024. (Crédit : Capture d'écran/Fox News ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d'auteur)

Le glas a longtemps été sonné dès l’agonie d’une personne jusqu’à sa mort, ou alors entre sa mort et ses funérailles, et actuellement lors des obsèques. Après bientôt trois ans, l’heure de faire les comptes approche à grands pas.

Prologue

On est désormais loin du jour où il s’agissait de « mettre la Russie à genoux » pour l’un de nos ministres, ou de poursuivre jusqu’à la victoire finale de l’Ukraine, « seule issue possible ». Vladimir Poutine a accepté de recevoir le Premier ministre slovaque Robert Fico qui lui a proposé son pays comme lieu d’une éventuelle négociation. Il ne l’aurait pas reçu s’il n’était pas intéressé.

Avant-propos

L’Union Européenne, qui évoque depuis des années la création d’une défense européenne, va devoir très bientôt affronter la question. L’UE n’est pas actuellement en mesure de répondre positivement, ni dans quel délai.

L’Europe a certes connu des guerres longues. Nous avons eu la guerre de trente ans, celle de cent ans. On ne compte plus les guerres poursuivies par l’Empire des Tsars. La République Fédérative de Russie a connu cinq guerres entre 1910 et 1921.

L’URSS depuis 1917 à ce jour, a participé à dix-sept guerres. L’élection de Donald Trump va accélérer le processus, car le 47° président des États-Unis insistait déjà clairement depuis son premier mandat, pour que l’Europe (l’UE) prenne, elle-même, sa défense en charge.

On comprend aussi que cette inflexion de la politique américaine va conduire Washington à transférer sur les Européens un poids important de l’aide à l’Ukraine, aussi large que possible. Les Américains exigent que chaque État consacre au moins 3% de son budget à l’OTAN. Ce qui est loin d’être réalisé à date.

La coordination de l’aide militaire à Kiev, jusque-là basée aux États-Unis, a été transférée à l’OTAN et à ses membres en Europe. De même un nouveau centre de commandement, le Nato Security assistance & training for Ukraine (NSATU), est basé à Wiesbaden en Allemagne. Le QG américain pour l’Europe et l’Afrique s’y trouve déjà. L’implication américaine reste donc très importante.

Ces changements confirment un rôle accru pour les Européens, dont l’Allemagne, qui doit y jouer un rôle central. Germany is back, dit-on outre Atlantique.

On en est aussi à préparer les modalités d’approche d’une future et incontournable négociation. On a bien compris que l’Ukraine n’entrera pas demain dans l’OTAN. Il faut donc faire preuve autant d’imagination que de réalisme. Tout autre approche serait vouée à l’échec.

Parallèlement, Volodymyr Zelensky (avec discrétion) a également entamé des échanges avec divers responsables européens dont Emmanuel Macron, le Premier ministre polonais Donald Tusk et le secrétaire de l’OTAN Mark Rutto, pour imaginer selon quelles modalités cette démarche pourrait être engagée.

Donald Trump, lors de son passage à Paris le 7 décembre, a eu un entretien avec Zelensky et Emmanuel Macron. Il a mis la pression pour accélérer le processus qui ne se limitera pas à un cessez-le-feu uniquement, ce que Moscou rejette avant même toute rencontre.

La situation actuelle

Les forces russes poursuivent sans relâche leur progression quotidienne, tout en continuant leur matraquage aérien des infrastructures énergétiques encore intactes. On fait état de pertes importantes, on évoque la mort de centaines de militaires nord-coréens.

On peut en dire autant côté ukrainien où ces pertes sont d’autant plus douloureuses et dramatiques vu l’état de destruction du pays. On estime à près de 2 000 km2 le territoire conquis par la Russie depuis septembre sur une ligne de front de 1 130 km ! La supériorité numérique russe et son armement empêchent l’Ukraine d’avancer et de contenir cette progression.

L’infériorité numérique

Devant l’augmentation importante des morts et des blessés, l’armée ukrainienne éprouve des difficultés croissantes à remplacer ses pertes. Sous la pression, elle a abaissé l’âge d’incorporation à 25 ans et on la pousse même à l’abaisser à 18 ans. La formation des nouvelles recrues, trop courte, augmente le taux de morts au combat qui ne cesse d’augmenter. On parle aussi de plus de 200 000 déserteurs et de la fuite à l’étranger, d’autant plus les jeunes dans la tranche d’âge 18-25 ans.

Les préliminaires

Les entretiens entre responsables européens, Volodymyr Zelensky et Donald Trump, par ailleurs, auraient notamment porté sur la création d’une force d’interposition de quelque quarante mille hommes fournis par l’UE, positionnés sur la ligne de démarcation, au terme d’un cessez-le-feu, première étape du processus de négociation.

Le chancelier allemand totalement absorbé par l’éclatement de sa coalition n’a pas participé à ces entretiens, suivi par un de ses conseillers. De nouvelles élections auront lieu en février, après l’entrée de Donald Trump à la Maison Blanche. Il est néanmoins question de la participation allemande à une telle force d’interposition.

Or 55% des Allemands (droite et gauche) la rejettent. Seuls les Verts ont une majorité absolue en faveur de la participation allemande. Le choix des partis de droite et du centre pourrait sans aucun doute influencer les électeurs. Aucun sondage connu sur le même thème en France, où on peut s’attendre au même rejet.

La France, de son côté, a formé et envoyé en Ukraine 2 000 soldats de la 155ème brigade motorisée avec divers véhicules blindés, dont 18 obusiers César. Petit rappel, en Europe pratiquement chaque grand pays fabrique des obus de 135, sauf qu’ils ne sont pas interchangeables entre eux, faute d’un standard commun.

L’épilogue

N’est pas encore écrit. Pour autant, l’Ukraine est épuisée militairement, physiquement, moralement, économiquement. Ses habitants d’abord déterminés à résister, trois ans plus tard, sont au bord de l’effondrement. Les Européens sont face à de grandes difficultés domestiques et économiques, ses peuples veulent bien soutenir l’Ukraine mais pas à n’importe quel prix.

On tolère la guerre, mais loin de chez soi. Le nouveau président américain l’a déclaré à maintes reprises, il ne veut plus de guerres, qui au fond, l’empêchent de se concentrer sur son conflit avec la Chine. Il n’a eu de cesse que d’affirmer sa volonté de régler la question « sous 24H ».

Poutine semble prêt à discuter avec Trump pour qui il a une certaine admiration, et réciproquement. Tous les indicateurs sont passés à l’orange et les protagonistes devraient bientôt s’asseoir à la table des négociations, alors que son incursion à Koursk se traduit par des pertes considérables pour rester en territoire russe ; si ce n’est pas pour négocier, pour quoi faire ?

Le président ukrainien veut-il sacrifier son peuple et son pays ? Sera-t-il un héros parce qu’il sera allé au bout du chemin ou sera-t-il un traître parce qu’il aura voulu négocier, héros ou homme d’État ?

Ainsi va le monde.

à propos de l'auteur
Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles, depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.
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