Guerre en Ukraine, UE, l’impact pour les enfants

Illustration: Une salle de classe dans une école primaire en Allemagne (Crédit : Wikipedia/Martin Kraft/CC BY)
Illustration: Une salle de classe dans une école primaire en Allemagne (Crédit : Wikipedia/Martin Kraft/CC BY)

Tous aux abris, en avant les enfants !

Préambule

Selon nos dirigeants, nous sommes en guerre, sans y être vraiment mais quand même ! A Paris on est prêt à envoyer un contingent de 2.000 hommes, peut-être.

Dans le même temps on annonce l’arrivée de renforts de police polonais pour renforcer la sécurité. . Tandis qu’à Berlin on a planifié l’envoi de 5.000 hommes en Lituanie. Les bruits de bottes se font entendre dans nos deux capitales. Mais chacune les accompagne d’une musique différente.

L’Allemagne se prépare à la guerre, car elle considère être en première ligne. Elle a donc entrepris de mobiliser sa population. Pour la ministre de l’Education nationale Mme Bettina Stark-Watzinger il s’agit d’intégrer le concept de « guerre imminente » dans son domaine. Sa déclaration ne laisse aucun doute « La défense civile est extrêmement importante et a sa place dans les écoles » en référence aux mesures destinées à accroitre les chances de survie de la population civile en cas de guerre.

L’abbé Nikodemus Schnabel, à droite, et la ministre allemande de l’Éducation et de la Recherche Bettina Stark-Watzinger sur la place du mur Occidental à Jérusalem, le 19 juillet 2023. (Capture d’écran : Twitter; used in accordance with Clause 27a of the Copyright Law)

Pour bien comprendre la situation, depuis le printemps dernier, Berlin élabore des plans relatifs à des opérations sur le sol allemand. Car l’Otan considère « l’Allemagne comme sa plaque tournante d’une poussée vers l’Est » Moyennant quoi la Bundeswehr travaille depuis des années à un plan opérationnel. Il y a également une initiative commune entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Pologne, afin de construire ensemble « un corridor modèle » pour le transport des troupes vers le flanc oriental de l’Otan.

Pour toutes ces raisons et d’autres moins visibles, on assiste à un chassé-croisé et des échanges peu amènes entre la France et l’Allemagne, car plus européen que moi ça n’existe pas. Mais quand notre dette dépasse 3100 milliards et représente plus de 110% de notre PIB et atteindra 120%, que notre déficit est de 5,5% et que nous occupons les 25ième et 26ième places dans le classement de l’UE en matière budgétaire et de déficit de la balance commerciale, il est peu crédible de donner des leçons par ailleurs. Si demain le pays devait se métamorphoser en véritable économie de guerre avec les mesures que cela suppose, qui nous donnera la recette ?

Retournons aux écoles. La ministre allemande exige que les écoles développent « une relation de confiance avec l’armée allemande » en vue de l’intervention d’agents de sensibilisation de la Bundeswehr pour informer les scolaires sur les questions de défense.

Des soldats assistent à une cérémonie de prestation de serment de l’armée allemande au ministère de la Défense à Berlin, en Allemagne, le 20 juillet 2019. (Crédit : AP/Michael Sohn)

Par la peur et la menace

La France va-t-elle emboiter le pas à Berlin et envoyer l’armée française instruire nos enfants. La question est posée, surtout lorsqu’au plus haut niveau on nous indique que « nous sommes prêts » et que la guerre est à notre porte. Depuis l’attentat de Moscou, la France est en alerte rouge. On peut s’interroger sur ce qui se serait passé si cet attentat n’avait pas eu lieu.

A la peur, distillée au quotidien en agitant le spectre de la guerre à notre porte, s’ajoute désormais la menace islamiste, comme ce fut déjà le cas dans un passé récent.

En sus des menaces récurrentes et des attentats contre les établissements scolaires et les enseignants, faudra-t-il introduire la guerre et la peur dans la salle de classe. C’est cette prise de conscience que la ministre allemande veut susciter en faisant également sauter le verrou de la « clause civile » en Allemagne.

Il s’agit d’une interdiction faite aux établissements scolaires, universitaires, instituts de recherche, de traiter des sujets militaires à leurs activités. La nouvelle loi leur imposerait de collaborer avec la Bundeswehr. Ce qui est également un changement de paradigmes, comme le fut la décision de réarmer l’Allemagne après l’invasion russe en Ukraine.

Cette initiative s’ajoute aux précédents appels, en vue d’inclure les écoles voire les crèches, dans les préparatifs de guerre. Un ancien membre du parlement – aujourd’hui président de l’association des villes et communes qui rassemble 14.000 collectivités – appelle à une généralisation des mesures de défense civile (qu’on appelait dans le passé, la défense passive) afin de réduire le nombre de victimes en cas de conflit. A cet effet il déclarait : « qu’il était urgent de remettre en service les bunkers de la deuxième guerre mondiale, soit 2.000 d’entre eux désaffectés et 600 encore accessibles » en guise d’abris. Il serait aussi question de panneaux de signalisation avec LED et de sirènes en vue de fournir des alertes rapides (sur le modèle israélien)

Il existe déjà une application d’alerte sur les portables, considérée comme insuffisante.  La proposition va encore plus loin : les particuliers devraient dès maintenant constituer un stock d’eau potable, de nourriture, de médicaments, de bougies, si la guerre éclate.

Adapter les mesures aux enfants

L’ancien parlementaire estime qu’il faut consacrer un milliard par an du budget fédéral, pour mettre en œuvre ces mesures de Défense passive. En France c’est la Protection Civile qui en a la charge, mais aucune annonce n’a été faite à ce jour. Il considère que tous les jeunes doivent être exposés à la situation de guerre. Pour le même motif, il suggère d’organiser des exercices de défense civile ( bombardements notamment).

Tout ceci devrait être intégré aux programmes en vigueur, afin de préparer les enfants.  L’ancien parlementaire souligne qu’il faut inclure les crèches, les jardins d’enfants et toutes les écoles, sans exception dans ce programme de sensibilisation et de préparation. Ceci en vue d’anticiper les objections, qui ne manqueront pas d’être faites, sur les risques de traumatisme et sur le développement même de l’enfant, confrontés à la guerre et au risque de perdre la vie.

Préparation des scolaires à la défense passive

Le président de l’association des enseignants Stefan Düll déclare « j’attends de la ministre, qu’elle engage un dialogue avec les ministres de l’Education des 16 Länder en charge de l’éducation. La ministre coordonne au niveau fédérale. Cette régionalisation réelle n’existe pas en France. Son pendant, mais beaucoup plus réduit, est la Région.

Le même ex-parlementaire (qui représente 14.000 collectivités) souligne qu’une « atmosphère d’amour, de paix et d’harmonie » régnait depuis trop longtemps en Allemagne, et qu’il est temps d’acquérir une nouvelle conscience des menaces militaires et l’introduire dans les salles de classe.

Il faut donc organiser l’intervention d’officiers de sensibilisation dans le secteur éducatif, à tous les niveaux et même envisager une refonte des programmes scolaires, notamment sur les menaces, la géostratégie et la préparation des civiles à la défense.

A Berlin on discute de la possibilité de lever cette mesure ( la clause civile) en permettant que les universités, les instituts de recherche et plus largement tout ce qui concourt au développement économique et scientifique soit désormais ouvert à une collaboration avec le secteur militaire.

S’agissant du système fédéral, la discussion doit avoir lieu avec chacune des 16 régions. On envisage des mesures financières incitatives qui pourraient faciliter ce changement inédit, causé par le conflit en Ukraine. La région de Bavière a déjà pris les devants en proposant une loi dans ce sens.

En France

Nous avons déjà les militaires aux portes des écoles, entreront-ils aussi dans les salles de classes ?

Si nous sommes en guerre, comme cela nous est annoncé quotidiennement, s’agit-il uniquement d’augmenter la production de matériels militaires, ou n’y a-t-il pas d’autres mesures à envisager, avec quels moyens, semblables à ce que fait l’Allemagne, ou s’agit-il de l’exception française et sa fameuse baguette magique : nous serons prêts.

à propos de l'auteur
Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles, depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.
Comments