Gadi Eizenkot à la manœuvre

Gadi Eizenkot prenant la parole lors d'une conférence organisée par les « Commandants pour la sécurité d'Israël » à Herzliya, le 2 octobre 2022. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)
Gadi Eizenkot prenant la parole lors d'une conférence organisée par les « Commandants pour la sécurité d'Israël » à Herzliya, le 2 octobre 2022. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)

La nouvelle n’a guère surpris. Gadi Eizenkot a quitté le parti de Benny Gantz (le Camp de l’État) et la Knesset pour mieux se consacrer à la recomposition de l’opposition. Celle-ci souffre d’une maladie infantile : sa division.

Gadi Eizenkot souhaite un regroupement, soit des partis du centre – son ancien parti et Yesh Atid de Yaïr Lapid – soit en rejoignant avec son ami Matan Kahana le nouveau parti de Naftali Bennet. Le choix entre ces deux options aura des conséquences politiques : un renforcement de l’aile droite ou de l’aile gauche d’une future coalition qui gagnerait les élections contre le camp bibiste.

Car Gadi Eizenkot dispose d’un potentiel électoral non négligeable pour une raison évidente : il est populaire. Simple, sympathique, sérieux, patriote sincère, il inspire confiance, caractéristique peu répandue dans le monde politique. Sa biographie atteste que cette image n’est pas feinte.

Né dans une famille marocaine modeste, son ascension sociale traduit la capacité de Tsahal à promouvoir les soldats doués. Il finira chef d’État-major.

Il est à l’origine d’une doctrine militaire (la doctrine Dahiya) expérimentée contre le Hezbollah libanais : frapper encore plus fort que nécessaire pour décourager toute résurgence du danger. Il sut faire preuve d’un réel courage politique en sanctionnant le soldat Élor Azaria qui avait tué un Palestinien déjà à terre. Cette position s’opposait à celle du Premier ministre, Benjamin Netanyahu, qui suivait une opinion publique peu encline à la mansuétude vis-à-vis des terroristes.

Né dans la ville pauvre de Tibériade, il habite désormais la très cossue Herzliya, mais il a gardé de ses origines un sens de la solidarité : lors des fêtes, il accueille à sa table des soldats sans famille. Il a aussi suscité l’empathie du public israélien au début de la guerre à Gaza où il a perdu un fils et un neveu.

Sa décision d’apporter sa contribution à la victoire de l’opposition intervient à un moment où celle-ci traverse une passe difficile : depuis la Guerre des Douze Jours, le Likoud remonte dans les sondages, au détriment de ses partenaires, mais pas seulement. Dans les dernières enquêtes d’opinion, elle dépasse la coalition bibiste, mais sans parvenir au seuil des 60 mandats nécessaires pour former un gouvernement.

Il lui faudra établir une plateforme électorale face à la coalition droite-extrême droite qui ne cesse de promouvoir les projets liberticides (contre la presse, la Cour suprême, la conseillère juridique du gouvernement…). Il lui faudra aussi renforcer son unité autour d’un leader face à un Benjamin Netanyahu plus sûr de lui que jamais.

On n’en est pas encore là, mais on doit constater que Gadi Eizenkot fait désormais partie des têtes d’affiche de la politique israélienne. Et que le jeu électoral est plus ouvert qu’on ne le pensait.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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