France-Russie, de l’escalade verbale à l’escalade létale

Les faits sont têtus. Nous sommes passés de « mettre la Russie à genoux », à « ne pas humilier la Russie » – peine perdue, le Tsar du Kremlin n’en a cure – pour enfin s’entendre sur « l ’Ukraine doit vaincre la Russie, seule issue possible au combat » qui dure depuis bientôt 3 ans.
Après avoir annoncé que la France enverrait, peut-être, des troupes en Ukraine, c’était semble-t-il déjà vrai « depuis « un certain temps », à savoir présence des instructeurs pour former les combattants aux équipements français. Selon les experts env. 10.000 ukrainiens auraient déjà été formés dans notre pays. Le colonel à la retraite Peer de Jong, ancien conseiller des présidents Chirac et Mitterrand, actuel vice-président de l’institut Themiis, a obtenu cette confirmation du ministère des Armées, pas démentie.
L’étape suivante
L’Otan et ses membres franchissent une nouvelle étape. L’Ukraine pourra désormais utiliser les armes occidentales, pour se défendre mais aussi pour attaquer des objectifs russes en profondeur.
Paris et Berlin, autorisent maintenant l’utilisation de missiles à moyenne et longue portée, mais sous certaines conditions, fonction de la distance, notamment dans la défense de la ville de Kharkiv située à 40 km de la Russie.
Selon le Guardian, des restrictions subsistent, quant à l’utilisation des missiles de croisière britanniques Storm shadow, des missiles français Scalp. Londres n’a pas encore donné son accord sur une utilisation à longue portée.
Paris indique qu’en vue du déploiement officiel de militaires français, il est prévu d’envoyer un groupe restreint afin de définir les options d’actions précises sur le terrain.
Il semble que d’autres nationalités seraient également prêtes à y participer, la Pologne, la Tchéquie et un pays balte, probablement l’Estonie. Les équipements nouveaux fournis nécessitent une formation spécifique. Il s’agit de formateurs civils ou militaires. Il semble donc que ce soit la règle plutôt qu’une opération exceptionnelle.
De quelles troupes s’agit-il
La question semble avoir été abordée fin mai lors d’une visite à Kiev du chef d’état-major français, et tranchée ensuite entre le ministre français de la Défense et son homologue ukrainien Rustem Umarov.
Au départ il s’agirait de quelques dizaines d’instructeurs non engagés directement dans les combats, suivis ensuite de plusieurs centaines de militaires. Selon le directeur du centre d’études et de sécurité à l’Institut français de relations internationales (IFRI), E. Tenenbaum, au départ il s’agit « simplement de former les unités ukrainiennes plus près du front ». C’est un gain de temps précieux et il est beaucoup plus efficace d’adapter la formation aux conditions de la zone de guerre.
Mais encore ?
On ne pense pas s’en tenir à ce qui se traduit par un basculement déterminant, qui permettrait à Kiev de passer d’un stade essentiellement défensif à un stade offensif. C’est en réalité un changement de braquet avec double pédalier. Selon l’IFRI, la France s’abstiendrait d’être la seule à envoyer un véritable contingent expéditionnaire de quelques 4500 hommes (nous ne sommes plus au Sahel).
Il pourrait y avoir des troupes polonaises,tchèques, estoniennes, notamment. C’est ce qu’on croit comprendre lorsqu’il s’agit de former « une coalition de soutien » dont la France serait le leader. On oublie assez régulièrement de mentionner la Grande-Bretagne, l’autre pays capable d’opérations armées de grande ampleur, mais elle n’est pas dans l’UE, alors…
Ce qui nous rappelle le projet de « coalition contre le Hamas » mort-né. L’expérience montre qu’une fois le doigt mis dans l’engrenage, tout peut arriver.
On voit clairement qu’avec le temps, les engagements financiers et militaires de la France et de l’Union Européenne, déjà malmenés par l’inflation, la dette française, et ses propres problèmes, s’accroît considérablement. Ce qui se confirme par le discours catégorique des dirigeants pour qui la seule issue reste « la défaite de la Russie ».
Au passage, on est interpelé par ce jusqu’au-boutisme dans ce conflit, et l’exigence par ailleurs d’un cessez le feu au Moyen Orient. Comme quoi on peut soutenir en même temps deux raisonnements contraires. En politique, les sophistes existent depuis longtemps. C’est ici que se croisent l’apparence de la rigueur avec la rigueur de l’apparence. On a bien compris que l’Ukraine doit se défendre, mais on cherche à comprendre pourquoi Israël doit cesser de le faire de son côté !
L’offensive de printemps de l’Ukraine a échoué. La saison froide approche ; même s’il reste encore 4 à 5 mois. Or la Russie s’applique depuis des semaines à détruire systématiquement toutes les sources d’Énergie indispensables au bon fonctionnement du pays et de son armée. On pratique déjà de fréquentes coupures d’électricité.
N’est pas chef de guerre qui veut
On n’a pas oublié le sentiment de puissance ressenti par l’ancien président français lors du déclenchement des opérations au Sahel. On connaît la suite. On semble avoir été saisi d’un enthousiasme similaire durant la visite du président ukrainien.
La question de l’envoi des légionnaires
Le ministère français de la Défense a clairement indiqué que les soldats de la Légion étrangère ne combattent pas en Ukraine. Les experts unanimes ajoutent d’ailleurs que cela n’aurait aucun sens car ils n’ont pas reçu de formation pour ce type de conflit.
Ce qu’on sait : des soldats français en nombre limité sont déployés en Estonie et en Roumanie. Ils ont aussi participé à des missions aériennes. Il y a des soldats stationnés en Pologne, en Bulgarie et en Croatie. L’état-major se réfère à une carte dans laquelle sont consignées toutes les opérations des armées françaises. Aucune mention enregistrée de l’Ukraine. Fermez le ban.
Sans que cela soit explicite, on constate cependant une certaine concurrence, d’aucuns disent émulation, qui n’est pas que militaire entre la France et l’Allemagne. Cette dernière implante depuis quelques mois une base durable en Lituanie, constituée d’une brigade complète de 5.000 hommes. Il a été précisé qu’elle resterait sur place même « après la fin de la guerre » en Ukraine.
Ce qui doit changer la situation viendra du ciel
La France compte de l’ordre de 200 Mirage de divers modèles, dont 26 Mirage-5S, elle en cédera treize, cadeau ou crédit… à Kiev. Ce qui supposerait une période de six mois pour mettre en place ces avions, leur logistique, les pièces détachées, la formation des pilotes sur place. Ce seraient des intercepteurs de missiles, voire des avions de combat. Concrètement le délai minimum de six mois nous conduit début 2025, en plein hiver russe. C’est aussi le délai actuel de remplacement des avions américains porteurs des bombes nucléaires stationnées en Allemagne, en Italie et en Hollande. La France n’est pas seule. On indique par ailleurs que ces treize avions seraient remplacés par des Rafale dont la production sera accélérée.
Pendant ce temps, la Russie continue à grignoter des parties du territoire ukrainien, au-delà du Donbass. On parle d’environ 20% du territoire.
Les deux mains dans l’engrenage
Que se passera-t-il lorsque des missiles de l’Union Européenne, puisque c’est ainsi qu’il faut le voir, ou des avions français, seront engagés même involontairement contre un avion russe ? Si l’avion tombait en territoire russe ? Si par hasard, le pilote était français et capturé ?
Bruxelles vient d’annoncer que la Moldavie et l’Ukraine ont accompli les démarches préalables pour entamer les négociations d’entrée dans l’Union. Kiev recherche l’implication directe de l’Otan avec le risque de provoquer un palier supplémentaire, qui ne serait autre qu’une confrontation directe avec la Russie. On ne connaît pas encore le prix à payer.
L’armée ukrainienne est actuellement en grande difficulté. Tout ce qui précède est destiné à lui permettre d’atteindre au moins la parité avec l’armée russe, préalable indispensable à toute forme de négociation, et indispensable pour mettre un terme à la destruction du pays et de ses habitants.