France–Israël : une reconnaissance commune
En moins de douze heures, deux attentats ont fait 7 blessés en Israël*, portant à près de 100 victimes en trois mois le nombre d’israéliens touchés à mort ou blessés par des attaques le plus souvent en se faisant percuter par une voiture et suriner à l’arme blanche: ciseaux, couteaux, tout ce qui tombe sous la main.
Sans le moindre souffle d’horreur, sans le moindre mot de quiconque. En tout cas rien qui vaille d’éclairer les monuments français et la façade de l’ONU de l’Etoile de David bleue comme l’ont fait les mairies de Tel Aviv et Jérusalem au lendemain du massacre de Paris allant même jusqu’à pavoiser des couleurs françaises le monument juif le plus sacré : le Mur du Temple à Jérusalem en présence de l’Etat français puisqu’en présence de son ambassadeur Patrick Maisonnave.
Israël est le seul pays à avoir donc fait chatoyer les couleurs d’un drapeau national étranger, d’un drapeau d’un Etat non juif, non confessionnel, laïc et qui il y a 70 ans adopta des lois scélérates anti religieuses et anti juives, déclarant un Armistice qui d’une certaine façon et d’une façon certaine était une défaite d’Israël.
En 2015-5776 au second jour de Kislev, Israël hissait le drapeau de la Révolution républicaine française sur sa plus précieuse relique spirituelle, la seule du monde juif. Et il se trouve que cette relique est aussi et avant tout historique. Elle est spirituelle parce qu’elle est historique et historique parce qu’elle est spirituelle.
Le « Kotel » est le signe parfait de la « Fondation » du monde : une Histoire qui porte l’Histoire, et même souvent qui la supporte, et contre laquelle tant de prières, tant de larmes et tant de louanges, et tant de bénédictions viennent « abreuver les sillons » !
Le Drapeau de la France terrienne et ensillonnée par Valmy et Verdun hissé sur la « terre verticale » du Kotel ensillonnée de la prière juive, de la supplication juive, de la louange juive, de la bénédiction universelle qui tous les matins bénit le pays d’où elle s’élève, c’est plus qu’un symbole, une conjonction de sens : c’est une prière en soi. Elle sera donc exaucée puisqu’elle est déjà prononcée !
Imagine-t-on la Kaaba ainsi décorée ? Imagine-t-on Saint Pierre de Rome aux couleurs bleu et blanc (par ailleurs couleurs de la Vierge Myriam, Mère de Yeshouah de Nazareth, ce qui aurait eu un lourd sens double, triple, quadruple pour l’ensemble des croyants au-delà des seuls citoyens d’origine « judéo-chrétienne »)?
Les juifs de France connectés à 90% sur la presse juive et donc mondiale et internationale, souvent trilingues, l’ont vu.
Mais ni Onfray qui pense que la meilleure self-défense c’est le guili-guili dialectique sous la barbichette coranique, ni Hollande qui refait le coup de l’amitié franco-russe avec Alexandre III tout en chatouillant l’ottomanie turque, ni Sarkozy qui confond télésiège et siège à la télé, ni même probablement Finkielkraut, traditionnel bouc émissaire de la gauche conservatrice et universitaire, qui dit tout haut ce qu’il est interdit de penser tout bas, ni les habituels chroniqueurs appointés du déclin de l’Empire français, ni ceux de la « Résistance » des terrasses de la Rive Gauche, durement frappées ce Vendredi Saint impromptu précédant l’Avent, ne l’ont vu.
Il en aurait d’ailleurs été de même Rive Droite, mais on n’en est plus à une rive près…
Le jour où les élites politiques et intellectuelles françaises mesureront ce qu’Israël apporte à la France, non seulement en termes de renouveau culturel, non seulement comme partenaire « racinaire » et spirituel, non seulement comme Etat de droit dans un Moyen-Orient où il n’est aucun droit que celui des tribus, des théologies concurrentes et des clans, non seulement comme survivance miraculeuse d’une langue et d’un peuple constitués en une nation dont tout le monde pensait qu’ils seraient découragés par leur réclusion dans le cul-de sac méditerranéen, ce jour-là, il y aura bien une coalition internationale efficace contre la dictature armée des rezzous du Califat, et aussi celle de la pensée unique de la peur et de la médiocrité.
Entre les -390 mètres de la mer Morte et les 900 mètres de Jérusalem, il y a toute la sécheresse avide du monde, la pulvérulence de ses intérêts versatiles, et toute la splendeur des prières, des douleurs, des espoirs et des frayeurs qui l’habitent et qui s’élèvent en une vapeur continuelle. Le drapeau de la France sur le Kotel, ce n’est pas les « stars and stripes » américaines. C’est un blanc cerné de deux « ultras » dans le spectre des couleurs : l’ultra violet qui donne son bleu au ciel, et l’infra-rouge qui donne son rayonnement au soleil. Il faut faire avec cet ensemble tempéré par la « photosynthèse » républicaine qui a tendance à devenir arc-en-ciel. Et l’arc-en-ciel annonce parfois le Déluge quand il ne le termine pas. Parfois…
Cela montre en tout cas que la France n’est pas antisémite. Cela montre qu’Israël n’est pas rancunier. Cela montre qu’Israël et la France sont des grandes puissances à leur manière, mais aussi des sœurs dans le danger et les deux bouts d’un même pont aux deux extrémités de la Mare Nostrum.
Ils partagent aussi, fait jamais évoqué non plus, cette même qualité de se soucier de l’accueil des réfugiés et singulièrement des réfugiés chrétiens à qui beaucoup de torts y sont faits et à qui beaucoup de chances y sont aussi données. En Syrie et même au Kurdistan, ils sont le plus souvent abandonnés à la manne misérable de l’ONU et des ONG qui n’ont que leurs deux bras, l’un étant occupé à d’autres intérêts. Israël, comme la France, ne tirent pas ni ne rejettent à la mer les fuyards de Daesh ni les égarés de Somalie.
Le Président Hollande, donc, n’a pas eu un mot pour Israël lorsqu’il a évoqué les pays et les villes victimes de la terreur. C’est une faute majeure pour trois raisons :
– La France bénéficie du renseignement et du soutien d’Israël dans ses opérations militaires, de renseignement et d’intervention. Le mensonge présidentiel a consisté à affirmer que la France n’avait reçu « aucun avertissement de qui que ce soit ». On sait que c’est techniquement et politiquement impossible compte tenu des interactions entre services alliés de renseignements militaires, collaborations judiciaires et rapports d’expertise de l’OTAN. Dont acte.
– La France bénéficie d’une communauté juive harassée et découragée au bord de la division, déçue par des retournements à répétition, mais qui tient bon, qui ne peut s’empêcher de se sentir française jusqu’au moindre génôme, et ne cesse de proclamer son amour pour le drapeau, même une fois installée à Netanya ou Haïfa, et qui ne dit qu’une chose : c’est justement parce qu’elle est fidèle à Israël qu’elle est fidèle à la France. Il n’y a pas de concurrence ni de rivalité entre les deux nations qui sont supportrices et soeurs l’une de l’autre.
Le demi-million de juifs français est un survivant, un revenant et l’enfant d’un massacre dont la France s’est rédimée en participant à la naissance de la première armée juive de défense du monde libre au Moyen–Orient. Et en redonnant aux français de confession juive tous leurs droits, non parce qu’ils sont juifs mais parce qu’ils sont français.
– L’évocation de la Tunisie, pays de la grande synagogue de la Gribah, seul pays du Maghreb avec le Maroc où survit une petite communauté juive dans la marche du pays et proche de la France et d’Israël, ne pouvait se faire sans évoquer l’héritage de la France dans ce pays qui ne fut pas seulement touché au Bardo et à Sousse parce que c’est une ancienne possession française, ni parce que c’est un pays qui vient d’inaugurer la première chance d’un pays musulman d’aborder l’Histoire nouvelle d’une façon libre et autonome par rapport aux puissances rigoristes arabes, mais parce que c’est une terre de longue tradition juive, conquise puis occupée par Rome, enrichie par une islamisation qui y a fait florès et n’a jamais dans ses révolutions successives plié devant les sultanats extérieurs.
S’il y a bien un pays musulman culturellement et géographiquement et affectivement proche de la France de par la richesse et la coexistence de ses communautés, c’est bien la Tunisie qui pour son bonheur, et c’est l’une des raisons qui rendit possible sa « Révolution de Jasmin » de 2011 d’ailleurs dans le mépris de la droite comme de la gauche françaises le plus total, n’a pas de pétrole à vendre.
La France a besoin d’Israël pour « éradiquer » Daesh. Et pour couper cette association de malfaiteurs de ses racines, nul n’est mieux placé que l’Etat juif pour comprendre le fonctionnement géostratégique, spirituel, politique et historique de ce mouvement qui est une scission d’Al Qaïda et une phalange qui ne conquiert que par allégeances successives, abandons de citoyennetés, divisions et rivalités locales et succion des forces abandonnées.
Daesh se fiche complètement de savoir si on se réclame ou non des Droits de l’Homme, de la techno modernité ou de la culture judéo-chrétienne. Il ne voit que la conquête des musulmans imprégnés de l’esprit de progrès et de raison, la destruction de tous les juifs, avérés ou non, et celle de tous les « chrétiens » qui dans l’Islam qualifient toutes les personnes, familles et sociétés qui ne se réclament pas du Prophète.
Dans cette « cosmogonie » impérialiste du Califat, les juifs ont un « statut » à part. Ils ne sont ni des « dhimmis » ni des « mécréants », mais des « chiens et des porcs ». C’est-à-dire bons pour la déchetterie universelle.
Le fait nouveau, inédit et qui bouleverse le prosélytisme islamique d’aujourd’hui, né entre Alger et le Caire pendant les colonisations britannique et française, c’est la Création d’un Etat juif. Le fait nouveau et inédit pour la « mens islamica » médiévale (ou supposée telle mais assez non conforme dans la réalité islamique européenne) c’est que le musulman d’aujourd’hui ne peut plus penser le monde de la même manière ni se penser lui-même ni même « penser » sa théologie de la même manière depuis que les juifs ont un Etat.
Non pas que « les musulmans » soient « contre » un Etat juif. Mais c’est l’Etat d’Israël qui bouleverse un « Orient » qui devait tout naturellement être acquis à la cause du Prophète et devenir un vaste territoire caravanier avec de l’eau douce au Nord, du pétrole au sud et de vastes plaines cultivables à l’Est. Et à l’Ouest, la Mer qui ouvre à toutes les libertés…
La Création d’Israël a été un traumatisme (salutaire) dans la cosmogonie arabe forcée de devenir autonome des « ennemis/partenaires » « chrétiens ». Et un défi que l’Islam ne pourra relever que dans une confrontation spirituelle et intellectuelle et non par les armes qui n’ont pas de sens en ce lieu et occasionnent plus de pertes que de gains.
Pour la France catholique et rurale d’après-guerre, la France de la ruralité massacrée au champ d’Honneur et dont les sœurs, épouses et mères célibataires forcées sont devenues ouvrières, syndicalistes, féministes, résistantes, partisanes, puis électrices et contribuables, et ont participé à l’émancipation de la France de la peur allemande et de la tutelle américaine, la Création d’Israël a été un trauma au moins aussi grand : l’Eglise y a vu un basculement « oriental » de sa latinité compromise avec le rêve germanique et narcissique de la surhumanité rédimée par la « pureté » raciale et l’ « identité » de l’ «Occident chrétien».
Le nombre de catholiques et de protestants martyrs dont beaucoup sauvèrent des juifs a été aussi grand que celui des chrétiens (pratiquants ou non) ayant trempé dans la Collaboration pour faire renaître le baptême de Clovis et la mémoire de Charles Martel (qui réapparaît aujourd’hui.)
La création d’Israël, la recréation d’Israël a poussé la France, elle aussi à se « recréer ».
La reconstruction nationale correspond au début des premiers heurts de la poussée décolonisatrice en Algérie (dont les juifs français d’Algérie ont beaucoup souffert) et à la fin du mandat britannique sur la Palestine. La France, alors, fit tout son possible pour que la « Palestine » fut « française ». Elle y voyait la possibilité d’y « envoyer » les juifs français inguérissables de soleil et « du soleil qu’ils n’ont pas ici », comme chante un célèbre constantinois.
Quant aux britanniques, ils firent de leur côté tout leur possible pour que les « arabes » et les bédouins menacés d’expulsion par l’Irgoun naissante puissent lutter avec des armes britanniques. Le « conflit » israélo-arabe » était né.
Et de ces douleurs des uns et des autres, dans les vociférations de l’Europe décolonisée, désenvahie, détruite, décolonisante, dans la « reconstruction » de l’Europe au travers des nouveaux états arabes pétroliers, naissait Israël.
Ne pas citer Jérusalem et Israël fait donc le jeu de cette négation du plus ancien Royaume sémite encore vivant transformé en une République parlementaire juive et elle aussi « laïque » cependant sans « laïcité » duelle, entretient le silence des criminels, et donne à la presse française d’esprit libertaire et hédoniste, rivée sur ses ventes d’espaces publicitaires, un coup de pouce pour continuer à abreuver l’opinion de phrases toutes faites, d’émotions larmoyantes et aussi, à partir de cela, de colères et de frustrations sournoises à base de micro-trottoirs et de « témoignages » à fleur de peau présentés avec mépris et de déclarations de « rebelles » à la cause nationale.
Quant aux amateurs ou professionnels de l’édito-saute d’humeur qui injurient le drapeau, remettent en cause le devoir de Mémoire et de Sécurité qui sont inséparables, et veulent faire de leur cause propre la cause générale, ils sont déjà décrédibilisés par un BDS qui montre qu’il est un nationalisme outrancier, c’est-à-dire imbécile, comme un autre.
La Nation française n’est pas un patchwork d’opportunités politiques mais un Destin commun qui fait que la paix profite à tout le monde et la guerre engage une Cause commune et des sacrifices communs. Le tout élu par un peuple appelé à la mobilisation de sa conscience et pas seulement à l’horripilation de ses avant bras.
Taire les noms d’Israël continument, sauf pour en dénoncer les violences et les injustices, ne parler des juifs que lorsqu’ils ont souffert tout en les oubliant quand ils souffrent aujourd’hui (c’est-à-dire leur dénier le droit d’être heureux comme Dieu en France qui n’y a plus sa place mais la prend quand même) et leur dénier le fait avéré partout dans le monde qu’ils sont les seules victimes concernées non en raison de leur religion, non en raison de leur couleur, non en raison de leur langue, ni même en raison de leur Etat contesté, mais en la seule raison qu’ils sont et qu’ils vivent, c’est taire, en définitive, ce que le génie français a compris à travers toute sa procution littéraire, spirituelle, artistique et scientifique : la « laïcité » est proprement et indubitablement juive.
Elle est d’abord, comme le préconise le Lévitique, une séparation des pouvoirs qui travaillent ensemble mais ne se mélangent pas : pouvoir politique, judiciaire et religieux ne peuvent coucher ensemble. Ils ne doivent pas faire d’enfants. Chacun s’exerce selon ses prérogatives propres pour le Bien du peuple et la prospérité du « Royaume » et selon des règles d’observance très précises, selon une Election qui est un Don transcendant et non un dû immanent ou moral, une rémunération du mérite.
Le but de ceci ? Manifester que la vie est plus grande que la mort. Que mourir n’est pas un but ni un moyen mais un acte qu’il n’appartient pas aux hommes de décider, de provoquer ni de perpétrer. Et que naître ne donne pas le droit d’être définitivement ce qu’on est aux dépens d’un moins-étant, mais de devenir ce que l’Acte créateur rend possible : un être uni aux autres par l’intelligence de sa liberté, l’identité à l’identité des autres (ce qui rend l’altruisme possible c’est que les différences se ressemblent).
Le Dieu d’Israël n’est pas pile ou face comme Celui de Babylone, Il a une multitude de faces toutes vraies, toutes parlantes, toutes Une. Il se révèle dans les brisures du monde et dans les failles du Rocher. Au sommet de ce qui semble impossible.
Il a l’autonomie de son langage-signes rendu compréhensible par l’apprentissage et la célébration commune de la parole, et la persévérance de ses bras et de son coeur qui sont chacun un seul organe-peuple en deux parties distinctes et travaillant au pourvoi d’un même corps en nutriments, en amour et en vitalité.
C’est cela une société humaine. Un corps en mouvement qui se souvient de ce qu’il entend et qui fait ce qu’il commémore.
Si la France a autant de mal à transmettre son Histoire dans le moindre détail, c’est sans doute parce qu’elle oublie d’en faire un Chemin de mémoire et non une autoroute de conquérants successifs aboutissant aux cohortes révolutionnaires coupeuses de tête jusqu’aux parlements d’aujourd’hui qui débattent pour savoir comment « éradiquer » les décapiteurs d’une nouvelle « Révolution théocratique ».
C’est un paradoxe qu’Israël peut aider à résoudre : Israël est le peuple de l’Histoire parce qu’il n’en fait pas une discipline rigide, linéaire et dogmatique comme un « avant/après » miraculeux mais la science porteuse de la Sagesse et usant de patience. Elle a un sens qui n’est pas unique ni interdit.
La patience d’Abraham et celle de Moïse à l’Horeb qui suit la hâte vitale du Séder de Pessah, elle-même précédant l’Exode gyrovague des hébreux qui n’avançaient pas en ligne droite comme la lumière mais en méandres suivant la « route sinueuse de l’eau et de la mânne », sont les deux conditions d’une bonne digestion des heurts historiques et de leur sanctification parce qu’ils transportent des hommes dans leur fracas.
Elle ne s’achève pas, comme le croient les révolutionnaires français, avec le progrès social par la distribution de dividendes d’Etat vite épuisés, la libération de la morale de sa gangue bourgeoise ou la victoire des prolétaires sur les possédants (ce qui en général produit plus de prolétaires que de possédants, la mère Misère ayant tendance à mettre au monde des affamés pour les garder à la Maison).
L’Histoire s’accomplit dans la persévérance de l’Homme à traverser « les ravins de la mort », l’indifférence de l’Homme pour l’Homme, la cécité d’Adam endormi vers la Vie qui lui est donnée de son sommeil et dans laquelle il voit l’os de ses os et la chair de sa chair.
Mesurer le prix exorbitant et précieux de la vie, parce qu’elle manque si souvent de disparaître, c’est mesurer la profondeur de l’Histoire qui est une émergence pénible parce que consistante et tangible de l’impalpable Eternité.
Israël montre à la France, pays de l’Encyclopédisme, du catalogue de La Redoute et des nomenclatures des espèces, qu’une perte de temps pour devenir libre est une façon de mettre l’Eternelle et égale Fraternité de son côté.
La lutte de Jacob avec l’Ange n’est pas celle d’un Homme doué de raison contre un Dieu hargneux, « obscur » et privé de sens. C’est la lutte de la conscience historique, raide, forte et obstiné avec un Temps qui dépasse le temps et un In-fini qui transcende l’Espace.
Adam devient historique parce qu’il s’est endormi seul et s’est réveillé accompagné d’une vie siamoise. Jacob devient Israël parce qu’il a lutté et vaincu sa propre force dans un rêve où il ne dormait pas, dans un songe (2) devenu réalité. On pourrait parler de « naissance du droit ». Une naissance douloureuse et nécessaire. Sans qu’aucune tête ne tombe, sans que le sang ne soit répandu. Un combat divin sans « pertes humaines », comme on dit.
Jacob n’est pas un héros de guerre ni un héraut de la paix. Il est un jumeau non désiré devenu Père inattendu et pourtant vainqueur de sa propre impuissance et fort de sa propre faiblesse. Laquelle ne consiste pas à ployer opportunément, mais à affronter son propre songe, son propre mensonge, la raideur puissante de son fémur gauche, sa propre illusion, à bras-le-corps, jusqu’à ce que tous deux : Jacob et le songe, se révèlent nus, tels quels, dans leur réalité. Dieu reste innomé mais se dévoile, vainqueur vaincu par sa propre postérité. Jacob devient Israël, vaincu vainqueur de la fatalité divine.
Il faut donner à méditer la vie de Jacob à tous les professeurs d’Histoire, à ceux qui la « révisent » comme à ceux qui la font réviser…
C’est cela, aussi, que les forces de l’Etat français manquent de rappeler pour corriger la faiblesse extrême dans laquelle la France se trouve et va se trouver de plus en plus (et on le verra Dimanche après les élections régionales) à aggraver son déficit pour nourrir ses armées rendues d’un coup plus indispensables qu’avant, et justifier d’une politique qui tire d’un bras sur l’exploitation pétrolière et les aliénations qu’elle rend nécessaires, et de l’autre sur des sources nouvelles d’énergie qui s’apparentent plus à un néo-colonialisme renouvelable qu’à une décision d’innovation industrielle et de partenariat avec les pays dont les sources énergétiques fauteuses de guerre doivent devenir les sources des énergies de la Paix.
Voilà les erreurs sémantiques commises par la France, ses oublis qui n’ont rien d’inconscient. Et j’ajoute encore une chose : en taisant le nom et la réalité d’Israël pour des raisons de condescendance et de « discrétion » à l’égard des français musulmans voire de peur à l’égard des Etats « tuteurs » qui ont un monopole clérical et doctrinal puisque ce sont souvent des théocraties ou des théo-Etat militaires, la France leur retire précisément toute chance de s’ouvrir au monde à partir d’un savoir universel de la Connaissance, du langage et de la culture.
Je suis certain qu’en enseignant Rachi aux imams français les plus clairvoyants, on rendrait un grand service à tous.
Le monde mondialisé, globalisé sans la force de l’imagination et de la liberté, c’est une mondialisation des élites régnantes et écrasantes. C’est une standardisation des injustices, des haines et des frustrations. Ce sont les meilleurs carburants de l’anéantissement humain puisqu’ils ne laissent même pas le plus petit espoir vaillant de rédemption et de salut. C’est un phénomène dépressionnaire, en Europe, face à un monde qui au contraire, sort d’un oubli que les frontières tombées en poussière maintenaient loin de notre regard.
Face à l’école de pensée salafiste qui ne se rebelle pas contre la «décadence occidentale», mais contre l’existence-même d’un vent Ponant généré par le Gulf Stream, contre sa vitalité, contre son libre arbitre et contre le droit et la possibilité à l’épanouissement des corps, des esprits et des destins dans des valeurs communes inspirées de la Loi juive fondamentale, la France doit donner à ses citoyens musulmans, pour leur accorder ces mêmes droits et ces mêmes possibilités pleinement, celui de savoir où ils en sont, ce qu’ils peuvent devenir, et pas seulement ce qui « leur » est permis ou interdit.
En les maintenant dans un langage condescendant, obséquieux, à la limite de l’infantilisation (tout comme est infantile le vocabulaire dédié au peuple avec le fameux « vivre-ensemble » ou le beau mot de « tolérance» devenu un argument pour l’absorption globalisée et indiscernée des courants et des vents, on encourage les représentants de l’Islam de France à garder le silence sur leurs contradictions, à ne pas promouvoir l’obligation faite à chacun d’ouvrir les communautés et de ses rapprocher les unes des autres, comme les églises sont ouvertes, comme les synagogues sont ouvertes, comme les services publics sont ouverts à tous et disponibles à tous.
On laisse entendre aussi, fait plus insidieux, que le modèle français est le seul valable au monde quand il s’agit d’en faire la promotion à l’extérieur, mais peut être amendé et adapté quand il s’agit de l’intérieur.
C’est comme si un français pestait contre les papiers gras à l’étranger, réclamant amendes et châtiment et de retour chez lui jetait ses mégots par la fenêtre et ses détritus sur le trottoir. C’est ce qui se passe. Difficile d’agir sans être fidèle à ses paroles. Et quelle crédibilité à parler si les actes ne suivent pas ?
L’avantage diabolique des extrêmes religieux comme politiques de droite, de gauche d’en haut et d’en bas, est qu’on sait exactement que leurs paroles seront leurs actes : à la promesse de pureté, il faut lire épuration. A celle de changement de société il faut comprendre révolution. A celle de liberté, souvent, on entend oligarchie, diffamation et corruption, règne des élites autocentrées et endogénétiques.
Au pays naissant d’Israël, jeune Nation et ancien Royaume, dont De Gaulle, déçu par son tropisme anglo-saxon et tourmenté par son identité orientale disait que son peuple était « d’élites, sûr de lui et dominateur » (tout reproche à un ami est une parfaite lucidité de son auteur sur lui-même), il y a l’exceptionnelle richesse d’une population qui est la seule au Moyen-orient à vivre librement, mélangeant aux terrasses qui pourraient être parisiennes, tunisiennes ou hambourgeoises, éryhtréens chrétien, juifs éthiopiens, chinois, chiliens, polonais, russes, français, indiens, arabes, perses (y compris mazdéens)…
Les 17 nationalités dont parle le président français qui sont tombées sous les balles des terroristes français, sont toutes présentes en Israël et on ne les retrouve pas ailleurs à 100 km à la ronde assises aux mêmes terrasses, écoutant les mêmes musiques, dansant sur la même Place Rabin de Tel Aviv pavoisée aux couleurs de la France en plein Shabat Toledot (Histoire / Engendrements) du 13 et 14 Novembre 2015. (1)
Ce soir-là de Shabbat Toledot, donc, soir de prière musulmane, jour de jeûne et de préparation à l’Avent pour les catholiques, soir des engendrements des juifs dans l’Histoire et des victimes dans la Résurrection et des vivants dans la Rédemption, a été la nuit où, d’une façon certaine, Israël a parlé. Dans la fureur, et à la vue du sang de toutes ces nationalités, ces langues et ces hommes/femmes en état de dialogue et d’échange, la part juive, universelle et sacrificielle de la France a parlé.
Pour paraphraser ce fameux et très honorable Général héros de la 1ère Guerre Mondiale et de la Seconde, fédérateur des volontaires de la Libération et redevable aux anglais de l’avoir lui-même sauvé, et qui par bien des côtés s’est identifié à Moïse (évadé de prison, exilé à l’étranger, devenu « voix de son pays martyrisé et guidant son pays vers la liberté à la reconquête de sa Terre) :
» Ce n’est pas à 5776 ans qu’Israël va commencer une carrière de dictature! »
Ce n’est pas à 1600 ans, ni à 223 ans, ni même à 70 ans que la France va se mettre à douter d’elle-même ni à se remettre aux abris derrière la Mémoire de Maginot, de Mao ou de Napo.
Mais c’est probablement maintenant, dépossédée de ses certitudes anciennes et de ses frontières idéologiques traditionnelles qu’elle comprend en quoi son projet humaniste est nouveau et que pour en finir avec la Terreur d’où naquit sa République, pour ne plus redouter l’anarchie insurrectionnelle dont elle a tant souffert et qui est sa hantise et qui a contribué à l’affaiblissement de l’Etat et à son basculement dans les Grandes Guerres, il faut nommer ses amis et dire ce qu’on attend d’eux et ce qu’on veut leur apporter.
Israël en fait partie en tout premier lieu. Parce que même la Grèce a compris que sans un partenariat ouvert avec l’Etat hébreu, le latin, le grec et l’arabe perdent leur sens, et toute pensée douée de raison est anéantie.
Nous aimons la vie plus que la mort, et la partager davantage que la décourager.
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* A la date de la publication, ces chiffres ont évolué
(1) Genèse 25:19–28:9
(2) Genèse 28 :10 et sq