France-Allemagne, fin de l’entente cordiale, le piège
La France renouvelle et confirme qu’en matière d’aide à l’Ukraine, « rien ne peut être exclu, y compris l’envoi de troupes (françaises) sur le champ de bataille ».
Les récents développements démontrent que le partenaire allemand ne partage pas cette position, ce qui semble être aussi le cas d’une majorité de pays européens.
La France et l’Allemagne sont, chacune, imprégnées par leur histoire, leur culture et leur identité. Le chemin parcouru par l’Europe depuis sa fondation laissait penser que nous devenions de plus en plus Européens. Des fondateurs qui étaient six, nous sommes désormais 27 à décider à l’unanimité et bientôt nous serions peut être plus de trente. On doit constater que le couple germano-français n’est plus le fameux moteur de cette Union. S’il a existé dans le passé, ce n’est plus le cas aujourd’hui, quelles que soient les déclarations et les poignées de mains devant les médias.
Les faits
L’Allemagne de l’après-guerre, désarmée, avait parfaitement intégré l’Otan et la protection du parapluie américain. D’aucun avancent même la notion de protectorat.
L’agression russe contre l’Ukraine a été un révélateur et un réveil brutal. L’Allemagne a décidé de se réarmer en vue de devenir la première armée d’Europe, en investissant près de 100 milliards de dollars, très largement par des achats aux États Unis, au grand dam de la France. Une partie restant en Allemagne pour le développement de nouvelles capacités militaires propres. Ce qui ne pouvait que contrarier la France qui s’affiche comme seule puissance nucléaire de l’Union depuis le Brexit et qui prétend, pour cette raison, au leadership militaire.
Or on ne mentionne que peu, la présence d’ogives nucléaires américaines, stationnées en Allemagne depuis des décennies, mais aussi en en Belgique, au Pays Bas, en Italie. Quand la France déclare être la seule puissance européenne disposant de la dissuasion nucléaire, ce n’est pas tout à fait vrai. Il y a en Europe ces 4 autres pays, sous le parapluie américain, qui en disposent. Le fait nouveau, est la certification des avions furtifs américains F 35A pour l’utilisation des bombes nucléaires américaines B61-12.
Au lieu du Rafale, l’Allemagne a passé une commande de 35 avions américains pour une dizaine de milliards, dans le cadre du partage nucléaire, ce qui a été une grande déception pour la France, comme le fut l’annulation du contrat des sous-marins par l’Australie. Ces bombes représenteraient la version la plus moderne, car elles peuvent être contrôlées avec une grande précision et peuvent également être utilisées avec un effet explosif réglable. Ce qui est de nature à lever le tabou souvent invoqué, que l’arme nucléaire est dissuasive tant qu’elle n’est pas utilisée.
Ce qui laisse le champ libre à une utilisation limitée.
L’Allemagne investit actuellement plus d’un milliard d’euros pour modernise son site de stockage de Büchel pour mettre à niveau les conditions d’utilisation des F35 à venir. La Russie dispose elle-même de plusieurs milliers d’ogives dites moyennes, susceptibles d’être utilisées dans un rayon limité. Accessoirement les États Unis n’ont jamais ratifié le traité d’interdiction des essais d’armes nucléaires de 1993, tandis que la Russie avait annulé sa ratification. Donc les conditions pour effectuer « des essais » sont réunies. Vu le délai de livraison des avions et des bombes (2026), on peut s’attendre à voir durer le conflit.
Au plan politique
Le chancelier ne gouverne pas seul, contrairement à la France où le président est élu, avant même les élections législatives (ce fut Lionel Jospin qui en inversa l’ordre). A ce titre il est également chef des armées et chef de guerre. La vie politique et sa gestion est totalement différente à Berlin de ce qu’elle est à Paris. Chaque pays a ses difficultés, mais l’excèdent commercial allemand est auto explicite, il est égal à près de deux fois le déficit français. Ce qui en fait la première puissance industrielle de l’Union.
L’ambiguïté politique et militaire
Il devient très complexe de comprendre si nos dirigeants s’expriment dans le cadre de l’UE ou dans celui de l’Otan. On n’en vient à devoir interpréter chaque déclaration, pour déterminer s’il s’agit d’ambiguïté stratégique ou liée à la politique intérieure, à la veille de l’élection européenne du 9 juin. L’Otan compte 32 membres et l’UE 27 qui sont dans l’Otan.
Les sujets qui fâchent
Rheinmetall, important fabricant allemand du secteur militaire, depuis mi-2023 construit une usine dans le Bas Rhin pour y produire des pièces pour les avions F35 destinés à l’exportation. Cette coopération avec Washington entre dans le cadre du partage nucléaire Cette production libérera d’autres capacités aux États Unis. C’est un renforcement de la domination américaine. Dans l’intervalle divers sociétés allemandes ont pris pied en Ukraine pour produire du matériel militaire. Cela lui est facilité par la proximité des ex-pays de l’Est avec l’industrie allemande et ses normes.
L’Euro-drone
Ce projet développé par l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne est en panne. il arrive trop tard. Il est trop lourd et trop cher. Il ne correspond pas aux besoins actuels et futurs. S’il n’est pas revu de fond en comble, Ce sera le troisième échec en matière de drones.
L’avion Européen
Destiné à remplacer le Rafale en 2040, L’objectif de date avait été l’argument majeur de l’Allemagne pour commander des F35 américains.
L’Allemagne comme centre stratégique en Europe
Elle veut devenir, ET la base arrière d’opérations et la plaque tournante pour l’Otan et l’Europe, ET «le pilier fondamental de la défense conventionnelle en Europe « Le nouveau quartier général de l’Otan sera basé à Ulm. A ce titre, Berlin revendique le rôle de leader, heurtant frontalement la position française.
La réalité des armements en Europe
De 2019 à 2023, les entreprises allemandes ont fourni 6,4% des importations d’armes des européens. La part française était de 4,6 % (stat. SIPRI Stockholm Arms Transfers Data base) donc pratiquement 90% des achats sont effectués hors Europe avec la part dominante des États Unis, d’autant que les américains intègrent une partie de leurs propres fournitures dans des entreprises européennes qu’ils contrôlent.
42 % des exportations d’armes françaises ont eu lieu vers l’Asie et le Pacifique. 34% vers le Moyen Orient et 9,1 % vers l’Europe, où la vente de 17 Rafale à la Grèce représentait la moitie des exportations en Europe. Ce qui explique très précisément l’objectif d’une défense européenne défendue par Paris, qui ne pourrait que profiter au développement de son industrie militaire.
Le piège
Au début du conflit, l’occident était unanime : l’Ukraine doit gagner la guerre et on mettrait la Russie à genoux. Deux ans plus tard, on commence à dire que la Russie ne peut pas gagner ( mais peut-elle perdre ?)
La France se dit prête à toute éventualité, les experts ont les plus grands doutes. Son armée a l’expérience de projections sur des théâtres extérieurs. On en connaît le résultat. En revanche, l’armée n’a pas participé à des conflits de haute intensité. Le message ukrainien reste brouillé. Le culte du collaborateur nazi Stépan Bandera perdure, pendant que des statues à la gloire de Maxime Gorki, Leon Tolstoï ou Anton Tchekhov sont détruites. L’expansion continue de l’Otan devient elle un piège qui risque de se refermer sur ses géniteurs. Ceux qui ont le plus à perdre sont d’abord l’Allemagne par son engagement et le débat interne qui tend à une implication de plus en plus proche de la cobelligérance, fusées Taurus oblige et toute l’Europe au fond. En 2022 on était proche d’un cadre de négociation (médiation turco-israélienne) qui supposait la neutralité de l’Ukraine. Elle fut torpillée par Boris Johnson.
Les perspectives en Europe
Va-t-on vers une économie de guerre non déclarée, alors que l’inflation à dejà provoqué de nombreuses difficultés, les peuples seront-ils pris au piège des dirigeants qui spéculent sur la guerre, ce qui permet toutes les outrances et pire.
Qui est prêt à mourir pour Kiev ? La question est posée. L’élection du 9 juin répondra au moins en partie.