Exemption

Des Juifs ultra-orthodoxes affrontent la police lors d'une manifestation contre la conscription des Haredim dans l'armée, sur la route 4, aux alentours de Bnei Brak, le 27 juin 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)
Des Juifs ultra-orthodoxes affrontent la police lors d'une manifestation contre la conscription des Haredim dans l'armée, sur la route 4, aux alentours de Bnei Brak, le 27 juin 2024. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Les ultra-orthodoxes bénéficient depuis l’origine d’une exemption du service militaire. David Ben Gourion voulaient que ces hommes en noir qui se disaient antisionistes ne gênent pas la création de l’État. Cela concernait 400 jeunes.

Aujourd’hui, avec des communautés ultra-orthodoxes qui connaissent une démographie galopante et représentent 13% de la population totale, cette exemption bénéficie à plus de 13 000 jeunes par an. La question de la conscription des ultra-orthodoxes s’est toujours posée, mais jusqu’au 7 octobre, aux dires mêmes des militaires, l’armée n’avait pas vraiment besoin d’eux. Ce n’est plus le cas. L’État-Major évalue à 10 000 le nombre de soldats supplémentaires nécessaires pour défendre le pays aujourd’hui et demain.

La question se pose d’autant plus que nombre de réservistes au front depuis 200 jours, voire plus, font part de leur lassitude et même de leur épuisement. Les étudiants ont dû suspendre leurs études, les salariés leur travail, les indépendants leur activité mettant parfois en péril l’avenir de leur entreprise. Les aides de l’État, le soutien de toute la société ne peuvent remédier aux difficultés rencontrées dans leurs familles. D’où une exigence qui monte, une petite musique qui se fait entendre de plus en plus : pourquoi tant de sacrifices alors qu’une catégorie de jeunes bénéficie d’une exemption, véritable privilège en temps de guerre ?

La Cour suprême, au printemps dernier, a déclaré qu’en l’absence de législation spécifique, la loi sur le service militaire obligatoire devait s’appliquer de la même manière à tous les citoyens. En conséquence, l’armée a envoyé cet été 3 000 ordres de mobilisation, dont moins de 10 % ont été suivis d’effet.

De violentes manifestations ont même été organisées par les communautés ultra-orthodoxes les plus extrémistes pour empêcher les jeunes concernés de répondre à la convocation de leur bureau de recrutement. Aujourd’hui même, ce sont 7 000 courriers de ce type qui sont envoyés, mais tout indique que cela n’aura guère de conséquence en pratique.

En effet, il n’y a pas de sanction prévue, et l’on sait qu’une obligation sans sanction ne vaut pas grand-chose. D’autant que les partis ultra-orthodoxes font pression sur la coalition afin d’inscrire dans la loi une exemption du service militaire qui, dans les faits, pourrait être invoquée par la majorité des jeunes concernés.

Pourtant, l’armée fait tout pour organiser des unités permettant aux jeunes ultra-orthodoxes de vivre selon leurs principes : cacherout « glatt », respect scrupuleux du shabbat… Rien n’y fait, car il manque la volonté politique d’appliquer un principe très simple, indispensable au bon fonctionnement de la société : l’égalité des droits et des devoirs.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
Comments