Ex Oriente Lux ??
Les Russes adorent jouir, en hiver et au seuil des fêtes de Noël (qui sont le 7 janvier selon le calendrier julien), du temps estival où toutes les ressources de la nature rafraîchissent ou reboostent des Slaves en quête d’hédonisme éco-moral et de rendements de fortunes vite faites ou encore plus accessibles.
L’Eglise a compris l’enjeu. Les années passent et le Patriarcat du Sinaï, autonome bien que dépendant du Patriarcat de Jérusalem, garde une autonomie jalouse et réaliste dans un climat où les espaces semblent nus.
La péninsule regorge de toutes sortes d’habitants et constitue une réserve inépuisable de convoitises. Les touristes de Sharm-el-Sheikh se répartissent sur la côte ouest. Actuellement, il est plutôt délicat de sillonner le Sinaï.
Le low-cost attire toute une clientèle russe ou issue de l’ex-Union Soviétique qui, après l’atterrissage aux trois terminaux de l’aéroport international du Sud-Sinaï, ont le choix de traverser la frontière pour se rendre en Israël par avion ou par la route.
Il faut huit bonnes heures pour rallier Jérusalem par Dahab et Nuweiba, mais on peut aussi faire un saut à Eilat. D’autres rêvent d’Akaba, en Jordanie ou encore d’archéologie à Ashkelon, mais c’est un autre Néguev. Aujourd’hui, les russes ont des lignes directes qui sont plus sûres, du moins en principe.
Les choses sont pour le moins “en sursis” si l’on peut dire. La région est en guerre, avec des tribus qui se croisent, se décroisent, se heurtent sur tous les plans. Pendant des années, le Liban et la Syrie se sont décomposés sans vergogne. Ils développaient une telle stratégie de haine et de rejet irrationnel après des années de vie trop sécurisée, de richesses ou de montée constante de dictatures népotiques.
Une péninsule en forme de triangle informe, trait d’union entre les déserts d’Afrique et des Arabies. Elle ressemble à un plateau de jeu d’échec dont les 64 cases seraient mouvantes comme la géographie. Tout le monde est passé par là, tout le monde y repassera, d’une manière ou d’une autre. Les Fils d’Israël y perdirent leur géoposition : quarante ans – soit deux générations – plongés dans une confusion pécheresse, organisée par le Créateur à la vue de l’inconduite humaine. Le phénomène est fréquent dans la région où la boussole s’égare en dépit des habitants. Une partie d’échec ardue et le « coup du berger » n’est pas évident ; on le nomme « mat sandlarim/מט סנדלים = mat du cordonnier » en hébreu – « dharbat Napoleon = mat de Napoléon (oui, Bonaparte !) » en arabe. Des tactiques savantes et subtilement différenciées.
Après 1967, la région est restée sous le contrôle israélien. Sharm-el-Sheikh était devenue Ophirah où, dès 1968, Israël avait construit un aéroport – c’était la moindre des choses vu l’importance stratégique des lieux.
Au Détroit de Tiran, sur un pic en plein soleil, un soldat israélien en battle-dress scrutait à la jumelle les îles et les rives saoudiennes. A ses pieds, une jolie plante verte et des sortes d’anémones du désert étaient méticuleusement arrosées par un goutte-à-goutte.
Le Sinaï paraît inhabité. C’est sans conteste l’un des lieux les plus peuplés par des ombres qui se tapissent entre les roches de la montagne, masquées pour se protéger de la chaleur et garder l’anonymat. Lentement, les Israéliens se sont retirés dans un paysage d’éternité où, pourtant, il est normal qu’un chameau, conduit par un bédouin, ramasse les canettes de sodas, les déposant nonchalamment dans une large poche-poubelle latérale.
On se croit à Sharm-el-Sheikh. On est dans une zone de confluences, sans doute depuis les temps les plus antiques de l’histoire humaine. Ici ont transité les ancêtres de l’Afrique venus du Tshwana actuel, du Mozambique, les Bantous et les tribus des points archaïques de contacts côtiers comme Zanzibar qui n’est pas si loin. L’africanité y est jumelée aux clans sémitiques et aux cousinages indiens. Le swahili est langue d’Afrique et correspond au mot sahel : vient en fait de Zanzibar, l’une des îles les plus stratégiques de la planète.
Selon les saisons, la population sinaïtique passent de 600 000 âmes à un million deux cent mille visiteurs.
A Taba du Sinaï, on compte par dizaines d’avions à lignes directes entre le Sud-Sinaï, Moscou, Kiev, Saint-Petersbourg et autres villes. On peut ajouter tous les vols en provenance d’Europe ou en transit par les pays arabes (Bahrein, Dubaï, Qatar). Le Sinaï a du sens, donne du sens, même quand les repères géo-politiques sont brouillés.
La Russie fait face, depuis plus de trente ans, à un déploiement impressionnant de l’islam dans les ex-républiques soviétiques, en particulier dans le Caucase (Tchétchénie, Ingouchie) mais aussi dans les républiques d’Asie Centrale où les « nationaux russes » (néo-)orthodoxes se replient sur le territoire de la Fédération de Russie. En Ouzbékistan, la bataille fait régulièrement rage. Il faut noter le retour sur Israël – au bout de 2 500 ans – des vieilles communautés juives boukhares et ouzbeks (Samarqand, Fergana), du Tadjikistan-Dushambe, de Kyrghyzie-Byshek, mettant fin à la présence judéo-orientale très ancienne ou plus récente par la déportation des Juifs d’Ukraine sous Staline. Aujourd’hui le Daghestan fait l’actualité avec des attirances-répulsions multi-séculaires envers les Juifs, plus récemment les Israéliens, attisées par les enjeux politiques d’un Fédération en guerre et dont la chute, la faillite reste une sorte de mirage de la pensée militaire, économique et stratégique d’une Europe-Etats-Unis bizarrement unie en une OTAN pléthorique sinon utopique.
Les principales villes russes ont, pour leur part, de vastes populations originaires de ces contrées d’Asie, de tradition musulmane.
Elles marquent leur territoire dans une société qui a viré d’un communisme formateur, internationaliste par le biais de théories idéalisées, à un renouveau doctrinal et rituel, celui de la foi et des structures de l’orthodoxie chrétienne, matrice de l’identité russe et slave asiato-européenne. Du moins, c’est ce que tout le monde pouvait croire (sauf peut-être à Rome-Vatican) très catholique où l’on aurait pensé que l’Orthodoxie byzantine russe viendrait enfin se rallier in fine à la latinité pentarchique et méditerranéenne.
Les Musulmans constituent le rebut de la russéité, traditionnellement terrorisée par les invasions mongoles et « païennes ». L’islam et l’islamisme constituent un vrai danger quotidien de la prise de pouvoir confessionnelle, économique, à la pointe de la technicité moderne. C’est d’autant plus sensible que l’exode des Juifs appauvrit considérablement la sève spirituelle et industrielle de la Russie dans des espaces immenses et très diversifiés.
Cette hémorragie a été soutenue dans les années 1992-2000. Cela continuait cahin-caha encore ces temps derniers, mais le coeur l’y était plus. Sinon que le monde juif continue de disposer dans l’Extrême-Orient sibérien, au Birobidjan (Oblast/région autonome juive), d’un poste d’observation exceptionnel en Asie. Le yiddish y est moribond après avoir prétendument été la langue “locale nationale”. On y trouve aussi une éparchie orthodoxe du patriarcat de Moscou : un lieu de grande mixité, de diversités multidirectionnelles, les hôtels ont été fréquentés encore en 2022… La journaliste Anne Nivat, fille d’un slavisant réputé de Genève, y a séjourné et écrit un livre qui montre une vraie connaissance de ce que fut l’Urss et qu’est la Fédération de Russie (A. Nivat, La république juive de Staline, Fayard, 2013). Un revamping de l’ouvrage serait utile.
En goguette dans le Sinaï, le fidèle orthodoxe cherche avant tout le lieu où Dieu a parlé tandis que le peuple juif y a succombé au péché d’idolâtrie, le Veau d’Or. Oui, Dieu a dit Ses Paroles dans un lieu qui est « vide » comme le suggère le russe (pustoï/пустой-пустыня/désert » alors que l’hébreu « midbarמדבר » évoque la « parole, la peste ou l’abeille ».
L’orthodoxie chrétienne moderne veut se déployer sur ce triangle des trois monothéismes. Qui sera le premier, non plus dans l’ordre historique mais dans une perspective méta-historique. Les pèlerins se rendent en grappes au monastère Sainte Catherine du Mont Sinaï, prétendument proche du Mont Pharan, gardien d’un « Buisson Ardent », originel et made in Sinaï.
Point originel de la Révélation divine et monothéiste… le monastère Sainte Catherine conserve les reliques de la sainte, se réfère à Marie, la Mère de Jésus de Nazareth comme lumière qui a porté le salut ou encore à Saint Jean Climaque qui dirigea le monastère, y écrivant son texte « L’Echelle Sainte » universellement reconnu comme un guide de haute spiritualité.
Les Pères du Désert ont vécu ici, participant aux débats les plus âpres antérieurs aux schismes chrétiens. Le monastère conserve les documents les plus anciens et les plus rares de la foi, fût-elle juive, chrétienne ou musulmane. Entre l’impératrice Hélène qui découvrit la vraie Croix à Jérusalem, Catherine de Russie et Napoléon, on ne saurait oublier que le Prophète Mahomet y fit de fréquents séjours.
La tradition monastique du Sinaï affirme que le Prophète appréciait les moines (grecs-orthodoxes) et leur remit, en 626-An II de l’Hégire, le Document (Ahdnami en arabe, l’Ashtiname en persan) garantissant les droits et les privilèges des Chrétiens « proches et lointains », la protection de l’islam, la liberté de culte chrétien, l’exemption des taxes, le droit de nommer des juges chrétiens. Ce document est réputé authentique par les autorités musulmanes traditionnelles.
Cela se passait dix ans avant l’autre « Achtiname » ou Décret de Tolérance accordé par le Calife Omar Ibn al-Khattab au Patriarche Sophronios de l’Eglise grecque (roum) orthodoxe de Jérusalem qui était à la tête des six confessions chrétiennes présentes au Saint Sépulcre et à la Basilique de la Nativité de Bethléem.
Le Prophète Mahomet avait commencé par accorder personnellement la protection aux Chrétiens de la Péninsule du Sinaï. Le monastère ne fut jamais détruit et a pratiquement fonctionné sans discontinuité. Il est toujours plus ou moins sous le contrôle du Patriarcat orthodoxe de Jérusalem, en particulier pour la nomination de son archevêque qui a rang de patriarche.
L’Eglise de Jérusalem continue d’être placée sous la règle du Calife Omar Ibn al Khattab depuis 637. Le monastère Sainte Catherine reste sous une loi islamique que d’aucuns ont cru supprimée, révoquée par des puissances chrétiennes habituellement coloniales. C’est l’un des leurres de toutes les confessions (juridictions) chrétiennes qui ont leurs sources ou bien des “succursales” historiques dans les régions du Croissant Fertile (Syrie, Liban, Israël, Territoires Palestiniens, Jordanie et autres…). En, fait, les super-puissances du monde colonial occidental fuient, continuent de s’estomper par rapport aux accords pris lors de la chute de l’empire ottoman (Sublime Porte) ou des décisions prises par la France ou l’empire britannique à la fin de la deuxième guerre mondiale. Chacun continue de se voiler la face avec arrogance, insolence face un à monde arabe et islamique qui sort par à-coups des sables d’une histoire vécue au rythme de l’éternité.
C’est dans ces régions de prétendue fertilité marquées par des conflits, des guerres, des querelles sans fin qu’est née la notion de paix spirituelle et transcendentale. L’actualité occidentale n’avait pas prévu que l’Orthodoxie chrétienne se redresserait vers le bimillénaire de la naissance de Jésus de Nazareth. La Russie est partout présente comme en miroir d’opposition d’un règne de Dieu qui n’arrive pas à exprimer son unité.
A Sainte Catherine, la prière se fait impertubablement en grec depuis le 4ème siècle, avec aujourd’hui un peu d’arabe, quelques rare incursions en slavon d’Eglise. Dans la nuit pascale, la tradition byzantine requiert que l’on proclame l’Evangile de la Résurrection en hébreu, en grec et même en latin dans les Eglises de l’Orthodoxie (cf. Jean 19, 19), il n’en est guère question au Buisson Ardent… il sera chanté en arabe si besoin est. Il ne sera jamais lu en hébreu, non pour des raisons politiques : le monastère a vu passé tout le monde… toutes sortes de tribus bédouines, des Africains, Egyptiens, Ethiopiens, aujourd’hui Erythréens, des Libyens, des Grecs, des Syriaques orthodoxes, catholiques, des Arméniens, des Géorgiens, des Arabes du Maghreb, du Machrek, des Berbères, des Noirs ,des Indiens sans compter la multitude des nations européennes et asiatiques, de Gibraltar en passant par les Goths, les bâteaux malais… et des Yéménites ou de Pologne qui prononcent le “â” comme le “o” yiddish…
On ne lit pas l’Evangile en hébreu au Buison Ardent du Monastère Sainte Catherine parce que les Juifs « ont tué le Seigneur » et qu’ « ils ne sont pas légitimes » comme on dit en lettres persanes. Voilà ! comme on dit en hébreu actuel. Le Sinaï est bien plus ancien que le Concile de Vatican II et il faudra beaucoup de temps pour se connecter à la réalité contemporaine. Mais la “haine” du Juif, le refus tenace de toute réalité israélienne est ancré dans une irrationalité de personnes, de nations qui vivent de mirages ou de fantômes comme nous disions en 1967.
La Péninsule du Sinaï, c’est notre triangle des Bermudes, d’autant qu’on peut s’y perdre sans laisser de traces.
La Fédération de Russie est intervenue dans le conflit moyen-oriental en conformité à son engagement religieux en 1852-1856, lors de la guerre de Crimée dont la véritable question était de savoir qui exerçait le contrôle les Lieux Saints du christianisme… selon le bon vouloir de l’Empire ottoman.
La Russie tsariste obtînt alors de la Sublime Porte que les Grecs orthodoxes du Patriarcat de Jérusalem conservent leur privilèges en Terre Sainte et, par conséquent, dans le Sinaï. La Russie était également intervenue en 2002 pour soutenir les autorités orthodoxes lors de l’occupation de la Basilique de la Nativité à Bethléem. Le 17 novembre 2012, le Patriarche de Moscou s’était rendu à Jérusalem pour assister l’Eglise orthodoxe grecque de Jérusalem dans un problème de factures d’électricité au Saint Sépulcre. Cette question impliquait en fait toutes les juridictions présentes dans ce Lieu saint.
Tout cela s’inscrit dans un positionnement dû au renouveau de l’Eglise orthodoxe russe du Patriarcat de Moscou qui aide ouvertement ou discrètement la Fédération de Russie, héritière de l’Empire tsariste, dans ses actions politiques et stratégiques. Ces deux institutions agissent dans un climat conçu comme une agression venue d’Occident, des Etats-Unis, de l’Eglise catholique et plus précisément gréco-catholique en Ukraine. Les Sociétés orthodoxes russes, lancées voici plus de 170 ans se repositionnent et prennent leurs marques : déploiement d’hôtels, d’accueils, de lieux d’éducation pour les Arabes chrétiens, achats de propriétés surtout en Jordanie où ils ont la faveur discrète du Roi Abdallah II. Les choses sont plus compliquées en Israël et dans les Territoires palestiniens où des organisations juives ou musulmanes captent ou se réapproprient des terres acquises lors de la grandeur des colonisations sous contrôle ottoman.
Le 24 février 2022, l’attaque menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine prenait de cours les nations civilisées. Les choses ne sont pas faciles. La Russie est immense. C’est un fait. Au-delà de ce que l’on peut comprendre de ce qu’est un territoire “national” qui se veut intra/international, avec les langues et cultures les plus surprenantes, des “états” conglomérés qui jouent encore la confraternité. La guerre fait en effet des ravages, des sociétés entières de personnes disparaissent. A cette heure, l’Eglise orthodoxe russe est un monde du silence et de prétendu consensus. C’est assez discutable et difficile à traduire en langage européen. On ne saurait parler de contestation, mais d’interprétations pouvant conduire à la déportation, le renvoi de l’état clérical. Ce fut récemment le cas pour les ecclésiastiques qui refusent de prier “pour la victoire”… de la Fédération de Russie dans la guerre contre l’Ukraine…
Alors que l’Eglise russe semble ne pas tenir compte de la réalité du peuple juif et de l’Etat d’Israël, le Président Vladimir Poutine a toujours témoigné d’un respect réel du judaïsme et des Juifs dont il est proche. Il faut se méfier de ses prises de positions récentes, essentiellement envers Benjamin Netanyahou.
Il rappelle volontiers qu’Israël est, à ce jour, le deuxième pays russe dans le monde. C’est apparemment exact : les pionniers étaient arrivés de l’Empire russe dans les années 1880. En revanche, le Patriarche Cyrille, lors de sa visite en 2012, s’était rendu au Mémorial de Yad-VaShem pour y déposer une gerbe de fleurs. Il fit alors l’éloge des Juifs qui, pendant la Grande Guerre, avaient rejoint l’Armée Rouge qui a vaincu les nazis en libérant les camps et “en nous quittant” (sic). Exact mais trop succinct. Les Juifs se sont – pas tous, mais pour une large part – tournées vers l’Europe, le monde et la Palestine sous mandat britannique.
Mais la période de la Seconde Guerre mondiale est révolue. Pour les Soviétiques, ce fut la “guerre patriotique” où les Juifs n’eurent guère de crédit. La persécution constante a marqué des relations entre un communisme dogmatiquement ouvert à tous à la renaissance d’un christianisme qui ne peut que rejeter le judaïsme, dont l’existence viscérale d’Israël, de son droit trans-séculaire à vivre en Terre d’Israël et d’y édifier un Etat avec le consentement des Nations. Il reste une compétition morale et théologique féroce et inaliénable, insurmontable en cette génération des fils de Jonas. Les citoyens israéliens issus de l’immigration venue de l’ancienne Union Soviétique ont été profondément choqués par l’attaque contre l’Ukraine (terre où vivaient traditionnellement une importante population juive). Ils sont maintenant stupéfaits de l’attitude poutinienne qui se détourne ouvertement de l’Etat hébreu.
Voici les paroles du président François Hollande au congrès exceptionnel qui a réuni les représentants de la République française à Versailles le 16 novembre 2015, trois jours après les attentats de Paris, du Bataclan : « Il ne s’agit donc pas de contenir, mais de détruire cette organisation [Daech] à la fois pour sauver des populations, celles de Syrie, celles d’Irak mais je pourrais ajouter celles du Liban, de Jordanie, de Turquie, tous les pays voisins. » L’attaque et la prise d’otages à l’Hypercacher de Vincennes avaient eu lieu le 9 janvier 2015, au début de l’année marquée par les conflits menés par l’Etat Islamique.
Le président français a poursuivi sa rhétorique compassionnelle avec une clarté diplomatique toute métropolitaine : « La France parle à tous, à l’Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe. Et les attentats de Paris se sont produits au moment même où se tenait à Vienne avec ces pays-là une réunion pour chercher une solution politique en Syrie. Alors, chacun est désormais face à ses responsabilités : les pays voisins, les puissances, mais aussi l’Europe. »
Aucune mention, à aucun moment, de l’Etat d’Israël. Ni du « proto-Etat » de Palestine (Dawlat Falestin).
Le 15 novembre 1988, le dix-neuvième Conseil National Palestinien réuni à Alger proclamait l’indépendance d’un état alors sans territoire défini de ce qui se percevait une entité palestinienne précise. En cette fin de l’année 2013, près de dix ans après les attentats sanglants de Paris, la guerre fait rage à l’initiative meurtrière d’Israéliens sur le sol national et l’on continue d’exiger la reconnaissance plusieurs ébauchée, puis reconnue en ce nombre 1988 comme si elle n’avait aucune réalité juridique et territoriale.
Cette indépendance fut réitérée le 13 décembre 1988 par Yasser Arafat à l’ONU dont l’Assemblée Générale adopta, le 15 décembre 1988, la résolution 43/177 confirmant la reconnaissance d’un Etat palestinien indépendant.
Depuis lors, la reconnaissance de l’Etat palestinien s’est produite état par état et uniquement de facto, de pays de plus en plus nombreux (de 75, puis 92 au 15/12/1988 à 138 en 2012 lorsque l’Etat de Palestine devient un état observateur mais non membre de l’Organisation des Nations Unies). En 2017, l’État de Palestine est reconnu par 136 États (70,5 % des 193 États membres que compte l’Organisation des Nations unies), mais ne l’est pas par les pays d’Amérique du Nord, ainsi que la plupart de l’Europe de l’Ouest, notamment les pays du G7.
On notera le statut juridique hybride de la structure : « Le droit civil inclut la coutume (urf/العرف), la Loi islamique (charia/الشَّرِيعَة), le droit foncier ottoman, les règles d’état d’urgence du Mandat britannique, le droit civil israélien pour Jérusalem-Est et les colonies juives, le droit civil jordanien pour la Cisjordanie, le droit civil égyptien pour la bande de Gaza, le droit militaire israélien et les lois et décrets élaborés par l’Autorité Palestinienne« , (Digithèque on Palestine). Il s’agit d’un proto-Etat de Palestine qui se réfère à la Loi islamique (Charia).
Recevant, le 18 novembre 2015, Mr. Donald Brome, le nouveau consul des Etats-Unis à Jérusalem, le Patriarche Théophilos de Jérusalem et de toute la Palestine lui a présenté une copie de l’Achtiname ou Décret de Tolérance accordé en 637 (Année 15 de l’Hégire) par le Calife Omar Ibn-al-Khattab au Patriarche Sophronios de Jérusalem au nom de la Oumma naissante ou autorité islamique de l’époque qui reconnaissait les six confessions chrétiennes présentes au Saint Sépulcre (Grecs orthodoxes, Arméniens, Coptes orthodoxes, Ethiopiens orthodoxes, Syriaques orthodoxes et les Nestoriens à l’origine) à la Basilique de la Nativité de Bethléem.
Le Patriarche Théophilos expliqua au diplomate américain que tout nouveau patriarche de Jérusalem fait le serment de respecter les termes de ce Décret datant de l’aube de l’Islam. Il souligna que “ce document reste valide à ce jour, en particulier dans les relations entre toutes les Eglises chrétiennes (nommément mentionnées dans l’Achtiname) et l’Autorité Palestinienne dont le droit religieux repose sur la Loi islamique ou Charia” (sic).
Ceci est systématiquement absent ou “flouté” pourrait-on dire de toute réflexion sur les véritables statuts des Eglises vis-à-vis de l’islam, expliquant des attitudes ambigües de certains patriarcats d’Orient et d’autres Eglises locales traditionnelles qui se tourneraient volontiers vers l’Etat hébreu.
Il n’y aucune place pour une quelconque hésitation : le véritable objectif est de construire un Etat Islamique avec Al Qods Al-Charif/القدس الشريف(Mont du Temple, d’autres parlent d’ »Esplanades des Mosquées ») comme centre et capitale, bâtie sur ce que seraient les ruines de la société sioniste, juive et israélienne. Cela fait des années que le Dr. Mordechai Kedar, professeur à l’Université de Bar Ilan, explique et démontre le rejet précis des mouvements islamiques envers l’Etat d’Israël comme des Juifs. On ne peut parler de “tolérance” qui peut s’enflammer à tout moment. Les Etats arabes ont lentement adhéré à la présence de l’Etat hébreu dans la région, certainement source de profits économiques et industriels, technologiques. Le Dr. Mordechai Kedar expliquait cela encore à la veille du 7 octobre dernier, surtout au cours d’émissions en direct et en arabe sur les ondes de la radio et de la télévision Al-Jazeera basée au Qatar.
A ce jour, il est très probable que la Syrie, mais aussi le Liban, l’Irak ne réapparaîtront plus dans la forme consentie à l’issue de la deuxième guerre mondiale. Seule l’Egypte continue de se prévaloir d’une identité chrétienne originelle (les Coptes) et d’un Islam cultivé qui vient en soutien des structures étatiques en place.
La Libye, le Soudan, le Yémen n’ont plus de réalité étatique et viennent grossir le flot de réfugiés ou fugitifs incertains. Ces trois pays sont rongés par une instabilité grandissante, avec des partitions de territoires nationaux (Libye), des guerres intermittentes. Actuellement les Houthis sont entrés dans le conflit israélo-Hamas suite au massacres et la prise d’otages et déportations d’Israéliens vers Gaza. La Jordanie risque de se trouver dans de grandes difficultés mais tient sûrement bon grâce à l’assistance des réseaux israéliens.
Chacun s’accorde pour voir le conflit qui, pour l’instant, tourne autour d’Israël, du Nord-Liban et de Gaza, s’étendre sur la Cis-Jordanie (Judée-Samarie).
L’apparition d’un Etat juif reconnu, légitime de facto et de jure face à des états voisins en germe après leurs dislocations civiles, statutaires et confessionnelles doit inciter à sortir de la cécité verbale et diplomatique. En 1947, nul ne s’attendait à la survie, la victoire de partisans de la création d’un Etat juif. La décision de la partition le 29 novembre 1947 ne correspond plus à la géostratégie actuelle, à la distribution des territoires décidée à la fin de la deuxième guerre mondiale.
Les pays de cultures arabes n’ont jamais eu de vraie indépendance juridique de stature internationale. Ils sont, comme Israël et la Jordanie, des Etats créés à la faveur de négociations typiquement coloniales, européennes, selon des structures et des traditions du droit occidental. Ceux-ci sont mis en déroute dans tout le Proche- et le Moyen-Orient.
La victoire de 1948 a permis l’élaboration d’un Etat hébreu. Il s’agissait alors d’un fait tout à fait exceptionnel, inattendu et “in petto” non souhaité par beaucoup de pays. La “partition” et l’exigence internationale de la création de “deux Etats” ne correspond pas à la culture, l’histoire de la région et constitue un acte d’intrusion extérieure constant, répétitif jusqu’à l’excès. Les pays européens, les Nations-Unies, les anciennes superpuissances ne peuvent concéder une réflexion positive, constructive à une greffe historique sans précédent dans l’histoire mondiale : le retour du peuple juif à Sion et Jérusalem et la rencontre avec les nombreuses communautés arabes.
La fuite de nombreux Arabes “palestiniens” vers les pays arabes d’”accueil” s’explique par le fait que les autorités de ces Nations parlaient d’un retour imminent des fugitifs lors de la défaite annoncée des Juifs. Ceci fut aussi le slogan de toutes les Eglises traditionnelles locales. Ils ne furent jamais accueilli à la hauteur de la morale prônée par la tradition musulmane. Pour les “nations soeurs arabes”, la venue de Palestiniens, relégués dans des camps-dortoirs devenus des cités “permanentes” défie le sens de l’histoire et de la justice communautaire sans provoquer de protestations d’occidentaux volontiers opposés à Israël.
Près de quatre-vingt ans après le développement de l’Etat d’Israël, ces commmunautés religieuses restent opposées à l’établissement d’un Etat juif sur la terre des ancêtres et au terme des Prophéties. Les Eglises se comportent comme des statues de sel, figées idéologiquement et théologiquement, et cela s’exprime parfois avec violence ou par un silence apeuré depuis le 7 octobre 2023 et bien avant.
Il faut alors rappeler que le christianisme a été curieusement “réimporté” par les puissances coloniales qui – comme par paradoxe – ne sont pas constituées par des locaux, des natives. Les dirigeants des Eglises savent tous qu’elles dépendent d’un Islam qui leur a accordé une présence “temporaire face à une éternité incalculable” au nom de la tolérance et non de la primauté que chacun se dispute en sourdine.
La crise actuelle est grave. Elle ouvre sur des faits inédits comme les massacres dans le Sud Néguev, dans les kibboutzim le long de la Bande de Gaza. Il va falloir redéfinir certains mots comme “génocide, Shoah, massacres, apartheid” et ne pas parler avec une pieuse ignorance de réseaux sociaux. En hébreu, le mot “tebach/טבח” (massacre, un terme qui pouvait avoir une connotation festive dans la tradition juive) s’impose à propos des meurtres perpétrés dans les kibboutzim du Néguev le 7 octobre 2023.
Cela prendra du temps. Cela est difficile à exprimer de nos jours alors que le conflit fait rage et semble s’étendre. Dans le contexte actuel, on peut parler davantage, comme en paradoxe, des douleurs d’un enfantement qui, trop souvent, a été piloté par des Puissances viscéralement désireuses de maintenir des pouvoirs anciens, aujourd’hui irrémédiablement dépassés. Cela les a conduits à souffler la braise et maintenir des querelles qui prendront un rythme local au cours des prochaines décennies, des siècles à venir. Il n’est pas possible de réfléchir aux massacres, aux heurts, conflits guerres en Israël et face au drame palestinien sur le temps court. Il est question d’une évolution sur la durée.
En cinquante ans, j’ai vu comment Israël jouait la carte de la greffe dans un paysage proche-oriental encore embryonnaire.
Il est alors réconfortant de penser que nous sommes partis pour une aventure humaine et civilisationnelle passionnante qui prendra forme dans un ou deux siècles. Il appartient à notre génération d’être forte et fidèle à l’héritage vivant que nous avons reçu et avons la tâche de transmettre. Et à chacun d’agir avec justice envers tout prochain.