Europe et France, le tsunami et la tourmente

Le pape François et les dirigeants des pays du G7 et d'autres pays invités, lors du sommet du G7, à Borgo Egnazia, près de Bari, dans le sud de l'Italie, le 14 juin 2024. (Crédit : Alex Brandon/AP)
Le pape François et les dirigeants des pays du G7 et d'autres pays invités, lors du sommet du G7, à Borgo Egnazia, près de Bari, dans le sud de l'Italie, le 14 juin 2024. (Crédit : Alex Brandon/AP)

Malgré l’onde de choc provoquée par la dissolution française, la terre continue de tourner. Le G7 s’est réuni en Italie sous la présidence italienne, renforcée par son succès électoral.

Ce qu’on ne dit pas clairement 

La France et l’Allemagne, où l’extrême droite de l’AFD arrive en deuxième position avec 15,9%, sont dans la tourmente, affaiblis ; comme l’est le premier ministre britannique, 3 semaines avant des élections anticipées dont il est donné perdant ; un Premier ministre japonais en guère meilleure forme politique ; un président américain en campagne électorale et la présidente sortante de la Commission Mme Van der Leyen, en chasse électorale pour obtenir son renouvellement.

Quel résultat

On fait semblant de considérer la réunion comme un succès, car on s’est mis d’accord pour prélever 50 milliards sur les avoirs russes gelés, fortement encouragé par Washington, qui de plus en plus pousse l’Europe, à travers l’OTAN, à constituer un front antirusse. Dans le même temps, les États-Unis, très protectionnistes face à l’Europe, exigent de leurs alliés une adhésion à un autre front contre la Chine. Les nuages s’amoncellent. L’Europe doit non seulement affronter l’inflation, mais une guerre économique contre la Chine alors que ce pays est un débouché déterminant pour la première puissance économique qu’est l’Allemagne. Si l’Allemagne va mal, la France commence à tousser, alors qu’elle a déjà la fièvre.

Précédemment, la France avait déjà agité la menace de représailles contre Pékin. C’est fait. L’Europe va substantiellement augmenter les droits taxant les véhicules électriques chinois et d’autres produits. La réaction chinoise va suivre. Les exportations européennes déjà en chute seront largement ralenties, Il suffit de consulter le déficit commercial français. On taxera les produits chinois et c’est le consommateur qui paiera la différence.

Ce qu’on feint de ne pas voir

Les urnes européennes ont parlé. Alea jacta est. La montée en puissance de l’extrême droite représentera près d’un quart des députés, et revendique des places à la hauteur de sa présence. La présidente sortante de la Commission, Mme Von der Leyen, face à cette réalité, avait lancé sa campagne en vue de son éventuel renouvellement. Il s’agira de trouver un accord avec la première ministre italienne Giorgia Meloni, grand vainqueur des élections, avec qui elle compte déjà plusieurs accords : Tunisie et migrants, loi d’asile, réduction de la tarification carbone pour l’industrie automobile, maintien des subventions aux industries fossiles. Ce soutien est indispensable, en particulier pour toutes les questions relatives aux mesures climatiques, d’autant que certains sujets impliquent un vote majoritaire.

Une réunion des dirigeants européens, dite « informelle », a lieu après le G7, et une réunion officielle en vue d’évoquer la prochaine commission, son organisation, ses objectifs, est programmée avant fin juin. Mme Meloni a déjà demandé de la repousser après les élections françaises.

Le rapport de force au parlement européen a changé

Les deux groupes actuels d’extrême droite, ECR (Conservateurs et réformistes) ainsi qu’ID (Identité et Démocratie) passent respectivement de 49 à 58 (ID) et de 69 à 73 (ECR) tandis que s’ajoutent les députés (non-inscrits) de l’AFD, ceux du Fides hongrois, et quelques autres députés d’extrême droite, soit près de 25% des députés. Le cordon sanitaire est en voie de disparition, alors qu’il s’agissait d’une question taboue. La réalité remplace l’idéologie. Von der Leyen a cependant fixé des lignes rouges : être pro-européen, pro-OTAN, pro état de droit et pro soutien à l’Ukraine. Ce sont les exigences du PPE auquel elle appartient. Le RN n’a pas encore défini la possibilité de rejoindre le groupe menée par Mme Meloni.

Le résultat des élections législatives apportera sans doute la réponse, d’où la demande italienne de reporter la réunion après le 7 juillet. L’agenda économique comporte beaucoup de dossiers épineux dont le Green Deal, ce qui suppose que les grands pays soient au complet, nonobstant les réserves exprimées par certains. D’aucuns imaginent déjà un front commun franco-italien.

Ukraine, l’enlisement

On observe ces derniers mois, les difficultés, sinon même les réticences des États-Unis à soutenir toutes les attentes du président Zelensky. Le transfert de responsabilités se fait en direction de l’OTAN, de sorte que le poids actuel et futur du soutien pèsera de plus en plus sur ses membres européens, suivez mon regard. Désormais ce serait l’OTAN (comprendre les Européens) qui se chargera des approvisionnements, livraisons, achats et financement des besoins ukrainiens.

L’Amérique continuera à financer, mais les européens sont manifestement appelés à assurer de plus en plus le soutien au président ukrainien. L’Europe de l’OTAN devient clairement mandataire des États-Unis, avec un augmentation significative des risques, contraintes et moyens que cela entraîne. La question deviendra rapidement : en a-t-elle les moyens ? Rien n’est moins sûr lorsqu’on analyse la situation des grands pays de l’UE.

Ce qu’on ne vous dit pas

En avril, une importante réunion a eu lieu en Hongrie sous l’égide de la Conférence d’Action Politique Conservatrice (CPAC) qui existe depuis 1974 pour rassembler les forces de droite au sein du Parti républicain américain. Depuis les années 2000, d’organisation élitiste, elle veut devenir une organisation de masse. En 2011, Donald Trump y a fait sa première apparition, affirmant que les États-Unis étaient pillés par des pays étrangers, et annonçant également que s’il devenait président, « notre pays redeviendra[it] grand » (Make America great again). Au début de sa présidence en 2017, la CPAC a adopté sa ligne ; des personnalités d’extrême droite telles l’ancien stratège de Trump, Steve Bannon, ou la membre de la Chambre des représentants, Marjorie Taylor Greene, y participent.

Réseau mondial CPAC, développement

Au cours de la première année du mandat du président D. Trump, les organisateurs de CPAC ont commencé à essaimer à l’étranger : Japon, Taiwan, Corée du sud, Australie, Brésil, tous anti-chinois. En 2022, une CPAC Mexique et une CPAC Israël ont également été fondées , ainsi qu’une CPAC Hongrie, qui est l’implantation actuelle en Europe.

Le Premier ministre Viktor Orbán a accueilli des hommes politiques conservateurs européens et républicains américains, ainsi que des hommes politiques d’extrême droite tels que les dirigeants du FPÖ Herbert Kickl, et du RN, Jordan Bardella, et les dirigeants d’extrême droite hollandais, belge, espagnol, portugais, autrichien ; parmi d’autres, Harald Vilimsky.

L’ancien président allemand de l’Office pour la protection de la constitution, Hans-Georg Maaßen, et Fabrice Leggeri, chef de l’agence européenne de protection des réfugiés Frontex depuis 2015, ont participé à des interventions sur le thème de la « protection des frontières ». Des représentants de l’extrême droite latino-américaine (Eduardo Bolsonaro, José Antonio Kast) et deux ministres israéliens du Likoud Amichai Chikli, Gila Gamliel ont également été présents à Budapest.

La conférence sur la paix en Suisse, tout ça pour ça

Dans un communiqué conjoint, quatre-vingts pays ont appelé dimanche à ce que « l’intégrité territoriale » de l’Ukraine soit la base de tout accord de paix visant à mettre fin à la guerre russe, même si certains pays en développement clés n’y ont pas adhéré. La Russie n’était pas invitée, la Chine était absente. L’Inde, l’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis figuraient parmi ceux qui n’ont pas signé le document final, axé sur les questions de sûreté nucléaire, de sécurité alimentaire et d’échange de prisonniers, qui indiquait que la Charte des Nations Unies et « le respect de l’intégrité territoriale et de la souveraineté » peuvent et serviront de base pour parvenir à une paix globale, juste et durable en Ukraine.

L’expérience montre qu’on ne fait pas la paix avec ses amis, mais uniquement avec ses ennemis ou adversaires, de préférence avec leur participation. Cette conférence était vouée à l’échec. Le problème reste entier, l’Ukraine s’enfonce, et après 3 ans de guerre, le poids du soutien européen risque rapidement de devenir un fardeau de plus en plus lourd et contraignant pour les populations concernées.

à propos de l'auteur
Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles, depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.
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