Étourdissement et abattage rituel juif : de quoi parlons-nous ?

© Stocklib / ledmark31
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Cet article a été publié dans le numéro 1651 du journal Actualité Juive, édition du 7 juillet 2022. La réouverture du débat concernant l’interdiction de l’abattage rituel avant étourdissement au nom de la dignité animale, lors de la campagne des Européennes 2024, nécessite de rappeler quelques principes. Les données utilisées ont été validées par le Grand Rabbin Fiszon, vétérinaire et expert de l’abattage rituel.

Ce n’est un mystère pour personne, Jordan Bardella a déjà déclaré, durant l’entre-deux tours des élections présidentielles de 2022, sa volonté d’interdire l’abattage rituel sans étourdissement préalable, au nom de la dignité animale. Déclaration aussitôt démentie à l’époque par Marine Le Pen. Il a encore réitéré sa position le 29 janvier dernier au micro d’Apolline de Malherbe. La Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est également positionnée le 13 février dernier contre l’abattage rituel sans étourdissement préalable, afin de réduire la souffrance animale.

Mais quelles sont les techniques d’étourdissement utilisées pour les animaux ? Quels sont les critères objectifs qui permettent d’affirmer que ces techniques réduisent la souffrance animale et sont meilleures que l’abattage rituel juif ?

L’Académie Vétérinaire de France a étudié comment mesurer la souffrance animale, et a conclu qu’« aucun paramètre clinique biologique ou électrophysiologique ne permet d’apprécier de manière certaine le moment précis de la perte de la sensibilité consciente ». Le seul indicateur possible reste alors l’observation du comportement de l’animal durant ses souffrances.

L’abattage rituel juif consiste à suspendre l’animal la tête en bas au moyen d’un box étroit, à trancher avec un couteau, très aiguisé et régulièrement contrôlé, les deux carotides ainsi que la majeure partie de la trachée et de l’œsophage, puis à laisser le sang s’écouler. Bien que très impressionnante, cette technique fait que l’absence de sang dans le cerveau provoque l’inconscience de l’animal en quelques secondes.

L’abattage rituel musulman étant moins strict et encore soumis à interprétation, il ne sera pas analysé dans ce texte.

Comment fonctionne l’étourdissement des animaux ?

La loi française oblige l’étourdissement des animaux depuis 1964, avec une dérogation pour les abattages rituels. En 2020, 892 millions de volailles, 5,8 millions d’ovins et 4,5 millions de bovins ont été abattus. L’abattage rituel juif n’a représenté qu’environ 1,6 % du total.

L’étourdissement des volailles se fait principalement de deux manières. La première consiste à les suspendre à l’envers à un rail par leurs pattes, pour ensuite immerger leur tête dans un bain d’eau électrifiée. Malheureusement, avant le début du trempage, les animaux paniquent et se débattent violemment. Dans la très grande majorité des cas, leurs ailes touchent l’eau et ils se retrouvent électrocutés en pleine conscience. Une fois le trempage de la tête démarré, la perte de conscience survient en quelques secondes. Il convient de préciser que le taux d’échec peut atteindre 24%, un animal sur quatre !

Pour la seconde technique d’étourdissement, les volailles sont enfermées dans des nacelles et sont exposées à du gaz carbonique (CO2) durant plusieurs dizaines de secondes. Les animaux paniquent et se blessent entre eux. En comparaison avec l’abattage rituel juif, les volailles perdent conscience en 10 à 15 secondes.

Les ovins sont étourdis avec la technique du choc électrique. Des pinces électriques sont accrochées sur les tempes de l’animal. L’électrocution dure plusieurs secondes et provoque une crise d’épilepsie durant laquelle l’animal tombe rapidement inconscient. Mais dans 9 % des cas, l’animal reste conscient et il est égorgé vif. Avec l’abattage rituel, une moyenne de 14 secondes est observée avant qu’ils tombent inconscients.

Enfin, la technique utilisée pour les bovins est la perforation du crâne et la destruction du cerveau par une tige en métal tirée depuis un pistolet. Les animaux sont apeurés et se débattent. Malheureusement, l’opération est ratée dans 16% des cas et l’animal se retrouve avec le crâne fracassé et une vive hémorragie au cerveau. Un deuxième tir est préconisé avant l’égorgement final. Avec l’abattage rituel, la plupart des bovins deviennent inconscients dans les 30 secs suivant l’égorgement.

Dignité animale ?

Plusieurs études scientifiques ont étudié la question de l’étourdissement et leurs conclusions vont dans le même sens : l’étourdissement provoque davantage de stress et de souffrances que l’abattage rituel juif. Ces études sont américaines dans la grande majorité. En Europe, un choix curieux a été fait de ne retenir que les études défendant l’étourdissement et d’occulter les études américaines. Le lecteur a pu constater par lui-même que ces techniques d’étourdissement sont loin d’être anodines et que le taux d’échec n’est pas négligeable en regard du volume.

Est-il encore possible de considérer la dignité et la lutte contre la souffrance animale en défendant l’étourdissement préalable ? Le seul et unique moyen d’interrompre cette souffrance ne serait-il pas de cesser de manger de viande ? L’humanité entière en est-elle vraiment capable ? L’alternative restante serait de ne pas interdire l’abattage rituel juif qui, respecté dans les règles, est la moins mauvaise des solutions.

Le bien-être animal est une préoccupation de chaque instant, encore faut-il avoir un débat honnête et sincère avec tous les éléments en main.

à propos de l'auteur
Laurent Beyer est consultant en stratégie d’entreprise et travaille dans les plus grandes banques européennes. Il vulgarise, synthétise et présente les enjeux avec pédagogie. Ces compétences, Laurent les réutilise sur son temps libre pour contribuer dans la presse en répondant à des questions de société.
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