Et Si…
L’Histoire est émaillée de détails mineurs qui ont eu des conséquences majeures.
On a une tentation irrésistible de jouer au ‘Si’, que se serait-il passé si… Par exemple, que se serait-il passé si le Maréchal Grouchy et son armée avaient été présents à Waterloo comme le bon sens l’exigeait au lieu de vadrouiller contre une armée prussienne.
Que se serait-il passé en 1935 si la France et l’Angleterre conformément au traité de Versailles avaient envoyé un petit corps expéditionnaire en Allemagne pour empêcher le réarmement de cette dernière et la remilitarisation de la Rhénanie.
La conclusion s’impose, dans le premier cas Waterloo eut été une des plus grandes victoires napoléoniennes, il n’y aurait pas à Londres d’avenue Wellington et à Paris l‘avenue des Champs Elysées s’appellerait avenue Waterloo.
Dans le deuxième cas, il est très vraisemblable que Hitler serait tombé comme un fétu de paille et aurait été déboulonné par ses généraux. Les exemples de ce genre dans l’Histoire se chiffrent par centaines et jouer au ‘Si’ n’a aucun sens. On sait ce qu’il s’est passé, on ne sait pas ce qu’il serait arrivé ‘Si’ et donc nous n’avons pas de bases de comparaison. J’ai tendance à penser, pure hypothèse, que si l’on prend une période suffisamment grande, l’état final est sensiblement le même quelles que soient les péripéties du parcours.
On ne demande pas à un politicien d’être un voyant, on exige par contre qu’il est du bon sens et si faire se peut qu’il soit intuitif et qu’il est le courage d’aller à contre-courant s’il estime que la situation l’exige. Une erreur de gouvernance peut parfois entraîner les populations dans de grandes souffrances que ce soit à court ou long terme.
Le conflit russo-Ukrainien n’a majoritairement pas été anticipé par les européens qui n’ont pas pris à temps des mesures adéquates dans le domaine de l’énergie. Peut-on le leur reprocher ? Ces mesures auraient exigé une politique d’austérité qui aurait été mal perçue par les populations qui auraient cessé de voter pour leurs gouvernants. Après le désastre nucléaire de Fukushima, Mme. Merkel a abandonné le nucléaire au profit du gaz Russe, a-t-elle pris la bonne décision ? A priori non, mais nous n’avons pas suffisamment de recul pour décider définitivement.
La sagesse n’est pas de juger après coup mais essayer de prévoir parfois l’imprévisible et être capable de prendre des mesures impopulaires au prix d’être renversé par la sanction populaire, la démocratie a ses limites… Prenons un exemple brûlant, au moment où ces lignes sont écrites (décembre 2022), il y a une révolte populaire en Iran, les implications qui en découlent pour le Monde en général et Israël en particulier peuvent être significatives.
Le 16 Septembre 2022, une jeune Iranienne Mahsa Amini a été tuée à Téhéran par la police des mœurs parce que son voile n’était pas suffisamment bien ajusté.
Événement relativement mineur, des faits semblables se sont produits de nombreuses fois sans provoquer de vagues et sont restés dans l’ignorance du public aussi bien en Iran qu’à l’étranger. Pas cette fois, où la vague s’est transformée en un tsunami qui pourrait menacer la stabilité du régime en place avec pour conséquence de modifier l’ordre mondial.
Pourquoi cet incident local a-t-il eu une telle résonance ? Difficile à savoir, sans doute la goutte qui fait déborder le vase. Trois mois ont passé et malgré une répression féroce la rue ne se calme pas et à travers tout l’Iran les manifestations se poursuivent. Il est probable que comme par le passé le gouvernement reprendra le contrôle, jusqu’à la prochaine révolte.
Mais il reste une possibilité qui ne peut être écartée qui est que le pouvoir se sente menacé dans ses fondements et prenne en conséquence des mesures dramatiques ayant des conséquences mondiales.
Nous avons un exemple où le régime du Shah en 1979 est tombé sous la pression populaire malgré des services de sécurité fidèles au pouvoir en place. Les démocraties n’ont pas soutenu le Shah qui n’a pu ou su résister à la vague populaire.
Aujourd’hui, l’Iran est encore plus isolé qu’en 1979, il bénéficie, il est vrai du soutien de la Russie et de la Chine mais il est discrédité par sa politique de répression interne, par sa vente de drones à la Russie, par la violation des traités nucléaires, par ses efforts qui l’approchent chaque jour de l’arme nucléaire et par son soutien aux mouvements terroristes.
Le régime théocratique iranien a un dogme, celui de dominer tout le Moyen-Orient en affaiblissant les régimes sunnites et en supprimant l’état d’Israël. En plus de sa puissance en missiles considérable, il dispose d’un bras armé, le Hezbollah libanais qui est pourvu d’une force de frappe en missiles supérieure à celle de n’importe quel pays européen. Malgré cette puissance militaire, le régime s’est bien gardé ces vingt dernières années d’entrer en confrontation directe avec Israël et a fortiori avec les USA.
La diplomatie Iranienne a montré une patience inouïe, elle a avalé toutes les couleuvres, sa réaction aux sabotages de ses centrale nucléaires, aux éliminations de ses scientifiques et militaires de haut rang, aux attaques cyber, a été des plus mesurée, l’important étant le but final à atteindre: détruire l’état sioniste ce qui lui donnera la porte d’entrée à son hégémonie dans la région.
L’obtention de la bombe atomique selon sa doxa est une police d’assurance pour que le régime ne soit pas militairement détruit. L’Iran n’entrera en conflit direct avec Israël que le jour où il pensera que ses chances de prévaloir seront maximum et le jour où il le fera il prendra toutes les précautions pour que ce soit par surprise.
Revenons aux manifestations et étudions les différents scénarios.
1. Les manifestations cessent dues à la répression
2. Elles continuent de manière endémique et le régime s’en accommode.
3. Elles s’amplifient, un effet boule de neige se produit et comme en 1979, le régime tombe.
La troisième hypothèse est improbable : le régime utilisera tous les moyens à sa disposition pour éviter une telle conjoncture. Pour lui, une éventualité de cette sorte est un cataclysme incommensurable, elle est inconcevable au niveau idéologique, financier, politique et toutes actions aussi risquées soient-elles, devront être prises pour éviter l’effondrement de la République Islamique. Parmi toutes les parades il y en a une qui si elle est menée à bien pourrait retourner la situation; il s’agit de déclencher une guerre surprise contre Israël.
Reporter sur l’extérieur les problèmes de l’intérieur est une vieille tactique utilisée de nombreuses fois dans l’Histoire. Avoir un ennemi commun renforce le sentiment national et pousse à l’union. Citons un des derniers exemples, la guerre des îles Falkland entrepris par la junte militaire en Argentine en 1982, qui s’est terminée par une défaite de l’Argentine et la chute de la junte.
Dans le cadre d’une guerre de missiles et d’avions de combat qui sera essentiellement le type de conflit qu’il y aura entre les deux pays, le premier attaquant dispose d’un avantage considérable. En effet les premières salves sont destinées aux défenses anti-missiles de l’ennemi, il s’agit de détruire un maximum de ces batteries pour que les salves suivantes puissent toucher les points névralgiques et s’assurer ainsi d’un avantage stratégique.
Chaque pays dispose d’un système de satellite perfectionné qui permet de voir les missiles sortant des silos, les camions porteurs, etc. Le timing est crucial. Beaucoup de points restent dans l’ombre, entre autre il n’est pas évident que le Hezbollah se joigne le premier jour du conflit à son commanditaire, car pour cette organisation il s’agit d’une question de survie, si Israël prend le dessus c’est la fin physique du mouvement, il attendra sans doute quelques heures pour se joindre à l’hallali ou bien pour rester observateur et tout faire pour qu’Israël n’entame pas des hostilités qui lui seraient fatales. Du point de vue d’Israël, il n’est pas dans son intérêt de s’en prendre aux populations civiles d’Iran ce qui aurait comme conséquence de les rallier aux Mollahs.
La population civile en Israël doit être prête psychologiquement à des épreuves inattendues qui arrivent inopinément. Voilà quelques décennies qu’Israël vit dans une sécurité relative, il n’est pas facile de sortir de sa routine quotidienne, pour entrer brusquement dans un état d’urgence. Les Ukrainiens en savent quelque chose, eux qui ont vu leurs vies basculer début Février de cette année.
La population devra s’unir, oublier les fractures qui divisent la société israélienne, les gouvernants devront éviter de s’attribuer le mérite d’une éventuelle victoire et l’opposition devra s’abstenir de critiques en cas de difficultés. Les civils seront en première ligne, si l’union ne se fait pas et que l’intérêt particulier prime sur le bien général, il est alors à craindre qu’un tribut devra être payé.
Voilà un scénario relativement peu probable mais non point invraisemblable. Comment un tchador, petit morceau de tissu, peut transformer l’équilibre mondial pour le meilleur ou pour le pire, selon le côté où on se trouve !