Et si la communauté internationale avait bâti une coalition contre le Hamas… 1/2

Les tombes des résidents du kibboutz Beeri qui ont été assassinés par des terroristes du Hamas le 7 octobre, dans le kibboutz Revivim, dans le sud d'Israël, le 15 novembre 2023 (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)
Les tombes des résidents du kibboutz Beeri qui ont été assassinés par des terroristes du Hamas le 7 octobre, dans le kibboutz Revivim, dans le sud d'Israël, le 15 novembre 2023 (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

La situation aurait été tout autre de ce qu’elle est aujourd’hui.

Le monde est confronté depuis les dernières décennies, et en particulier depuis le début du 21ème siècle, à une guerre qu’on qualifie d’atypique ou d’asymétrique : la guerre contre le terrorisme qui fait un très grand nombre de victimes civiles.

Devant l’ampleur des répercussions de ces attaques sur les populations, l’Amérique et la France, particulièrement touchées, ont décidé d’organiser des coalitions pour combattre cet ennemi.

En 2001, après l’attaque du 11 septembre, l’Amérique a forgé une coalition internationale (Occident et États arabes réunis) pour combattre Al-Qaïda, l’organisation terroriste à l’origine des attentats.

En 2014, la France a lancé un appel à ses partenaires pour organiser une coalition contre Daech (L’État islamique) et elle a obtenu la participation de près de 80 pays et de 5 organisations internationales.

Dans un cas comme dans l’autre, le but des terroristes était d’islamiser le monde. Mais grâce au soutien aussi bien militaire que financier ou humanitaire de la communauté internationale, les deux organisations terroristes ont été mises hors d’état de nuire.

En 2023, Israël vit sa énième guerre contre le terrorisme et affronte deux organisations en même temps : le Hamas et le Hezbollah. Les deux ont pour objectif l’éradication du peuple juif et de l’État juif, lequel État sera remplacé par un État islamique. Pour atteindre son objectif, le Hamas a préparé et organisé un pogrom à vocation génocidaire qui a fait près de 1300 victimes et plus de 250 otages. L’État juif s’est déclaré en état de guerre et a fourbi ses armes contre ces milliers de terroristes. Avec pour objectif de mettre fin à la menace que représentent pour ses citoyens ces deux organisations terroristes.

Une coalition contre le Hamas ? Pourquoi pas ?

Contrairement à la France et à l’Amérique, Israël n’a pas lancé d’appel pour une coalition internationale contre le Hamas bien qu’il sache que, l’ONU, selon les Résolutions 1267, 1373 et 1540, a déclaré entre autres que « Les États membres sont tenus de prévenir le terrorisme ainsi que de lutter contre ce fléau et son financement ».

La communauté internationale s’est engagée, certes, à venir en aide à toutes les victimes du terrorisme, partout dans le monde, et la France, par son engagement au Mali, a prouvé sa responsabilité. Mais ce qu’on ne dit pas, c’est qu’il existe une exception, et une seule : le terrorisme en Israël. Faut-il s’en étonner ? Absolument pas : la communauté internationale a prouvé, à maintes et maintes reprises, qu’elle pratique toujours la politique de deux poids deux mesures quand il s’agit de l’État juif.

Elle a, pour la forme, gelé les avoirs de quelques membres du Hamas, et la CPI, pour justifier ses mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien et son ministre de la Défense, en a fait autant avec le Hamas. Quant à aider Tsahal, exception faite de l’Amérique, allié de longue date d’Israël, qui lui fait parvenir le matériel militaire dont il a besoin, aucun État ne s’est impliqué de quelque façon que ce soit, sinon pour adresser à l’État juif des critiques acerbes et décourageantes, ou pour exiger de lui un cessez-le-feu.

Toutefois, il nous faut rendre justice à la France dont le président, Emmanuel Macron, s’est risqué à proposer que la coalition internationale, mise en place en 2014 contre Daech (l’EI ou État islamique), lutte contre le mouvement islamiste palestinien, le Hamas, considéré par tous les pays de l’UE ainsi que par l’Amérique et le Canada comme une organisation terroriste. « La France est prête à ce que la coalition internationale contre Daech [acronyme arabe de l’EI], dans le cadre de laquelle nous sommes engagés pour notre opération en Irak et en Syrie, puisse lutter aussi contre le Hamas » avait-il déclaré. Il avait aussi suggéré l’idée de créer une nouvelle coalition « avec tous les États qui sont prêts à aider à lutter contre les groupes terroristes, dont le Hamas, à partager les informations, à identifier ces terroristes et à les neutraliser ». Mais, comme il fallait s’y attendre, sa proposition est restée lettre morte car aucun pays n’était disposé à venir en aide à l’État juif.

D’aucuns se sont empressés de décourager une telle intervention, à commencer par Pierre-Jean Luizard, directeur de recherche au CNRS.

Israël devra donc lutter seul, sans aucun soutien militaire, financier ou humanitaire, contre le terrorisme. Qui plus est, Israël est seul et livré à lui-même, non pas face à un État arabe, mais à une coalition d’États arabes, financée et organisée par l’Iran

Comme si cela ne suffisait pas, l’État juif devra aussi résister et ne pas succomber :

  1. au chant des sirènes qui le mettent quasiment en demeure de cesser les combats et qui l’obligent à se plier aux exigences du Hamas et de son allié le Hezbollah ;
  2. aux manifestations mondiales en faveur du Hamas auxquelles s’ajoutent celles de son propre peuple qui, déchiré par le besoin le plus humain qui soit, celui de revoir les êtres chers que des monstres lui ont volé le 7 octobre, l’enjoint à obéir aux demandes du Hamas quitte à déposer les armes.

Et c’est sans parler des conflits internes qui divisent le gouvernement.

Alors, comment ne pas s’indigner devant l’inaction de la communauté internationale, censée combattre tout groupe terroriste ? Comment ne pas se poser la question suivante devant cette guerre dont on ne voit pas la fin :

En l’absence d’une coalition, Israël peut-il aboutir à ses fins en combattant seul ?

Difficile de répondre positivement pour la simple et bonne raison qu’il s’agit d’une guerre atypique, mais régie par les mêmes règles de droit que celles qui régissent une guerre conventionnelle. Si le président français avait suggéré une coalition contre le Hamas, c’est d’ailleurs parce qu’il était conscient qu’une offensive terrestre à Gaza, contre des terroristes qui n’ont ni foi ni loi, « serait très difficile à mener dans le respect du droit international ».

En effet, comment combattre un ennemi qui se fond dans le peuple et trouve refuge dans les lieux qui doivent être protégés en cas de guerre, à savoir les écoles, les hôpitaux, les bâtiments des organisations humanitaires, etc… ? C’est justement ce qui explique qu’après bientôt 10 mois de guerre, le Hamas soit toujours là et négocie avec Israël. Quant à la communauté internationale, elle assiste impassible au spectacle qui s’offre à elle.

Est-ce à dire qu’au sein d’une coalition, la situation aurait été fort différente ? Sans doute, car il va de soi que combattre un ennemi avec le soutien de quelques États ne peut que faciliter cette tâche. Le champ d’actions militaires peut s’étendre sur une grande surface, le temps requis pour la guerre peut être réduit, la destruction des groupuscules terroristes et des tunnels où ils se mettent à l’abri est plus facile, etc…

Pour en avoir le cœur net, j’ai consulté les sites du gouvernement canadien sur le terrorisme. Sur celui du Ministère de la Justice Canada, j’ai pris connaissance d’un rapport qui s’intitule : « La loi antiterroriste et ses effets : point de vue d’universitaires canadiens »[1]. Il y est question de la lutte menée par l’Amérique et ses innombrables alliés dans sa guerre contre Al-Qaïda. Les auteurs insistent d’abord sur les effets incommensurables de ces attentats, un véritable traumatisme équivalent à celui provoqué par l’attaque de Pearl Harbor en 1941. Le Conseil de sécurité a apporté immédiatement son soutien aux Américains et, fort de ce soutien, le gouvernement a formé une coalition et a envahi l’Irak.

Effets des attentats sur les citoyens et les gouvernements

« Il fait peu de doute que les événements du 11 septembre 2001 ont eu des répercussions directes d’envergure sur le gouvernement, les citoyens et les immigrants américains de même que sur les personnes qui voyagent aux États-Unis ».

Nous n’avons aucune difficulté à le croire, c’est la conséquence inéluctable d’un évènement d’une telle ampleur. En revanche, pourquoi ne comprend-on pas que les Israéliens, qui ont vécu l’équivalent du 11 septembre, soient encore en état de choc et de sidération ?

Et si, comme on le dit, « Il est également important de se rendre compte que les attentats ont eu des répercussions importantes et profondes dans l’inconscient des Américains », alors pourquoi le 7 octobre n’en aurait-il pas eu sur l’inconscient des citoyens israéliens ?

La peur

Si force est de constater que « Le sentiment de peur est évidemment à la hausse » chez les citoyens américains, comment se fait-il qu’on agisse envers les Israéliens comme s’ils n’avaient subi qu’un petit attentat comme ils en connaissent quotidiennement depuis 1948 ? Comment ne pas condamner les commentateurs quand ils soulignent avec un accent de reproche que la population israélienne est favorable à une poursuite de la guerre et qu’elle n’envisage même pas ce que sera « le Jour d’après » ? Les conséquences des actes monstrueux qu’ils ont vécus seraient-elles moins graves que celles qu’ont connues les Américains ?

L’anxiété

« La place importante que les Américains accordent à la menace terroriste,[…] nourrit un sentiment de profonde anxiété qu’il est difficile de taire. Étant donné qu’il faut beaucoup d’efforts pour changer une opinion déjà arrêtée, cette perception d’un avenir qui s’annonce sombre […] ».

Cette anxiété profonde que ressentent les Américains, citoyens de la première puissance mondiale, à la suite du 11 septembre, est encore plus profonde chez les Israéliens, citoyens d’un État dont l’existence même est remise en question, et qui ont vu, vu de leurs propres yeux, des actes d’une monstruosité inqualifiable.

Et quand le rapport constate que les Canadiens, de par leur proximité avec les États-Unis « ont développé une perception schizophrénique du terrorisme », que dire alors des Israéliens qui l’ont vécu parfois dans leur propre maison ? Il faudra peut-être des générations pour qu’ils se remettent du 7 octobre, et on ose leur demander de défendre l’idée de la création d’un État palestinien qui jouxtera le leur, alors qu’ils vivent dans la peur irrépressible d’un nouveau 7 octobre, comme le leur a promis le Hamas. Si les Juifs sont connus pour leur pouvoir de résilience, il semble bien que cette fois ce pouvoir a été mis à rude épreuve.

Israël est encore en état de choc et de sidération. Quand bien même la communauté internationale le déclarerait haut et fort, cela ne suffirait pas. Encore faudrait-il qu’elle adopte vis-à-vis de ce peuple le comportement qui s’impose après cet évènement d’une ampleur et d’une cruauté inimaginables. Si seulement elle avait mis autant d’énergie à sauver les otages qu’elle en met à défendre l’idée de la création d’un État palestinien, le cours de la guerre aurait été changé. Israël, à ce moment-là, n’aurait pas eu pieds et poings liés dans cette guerre.

Au lieu de cela, il nous semble bien que la communauté internationale a non seulement effacé la tentative de génocide dont ont été victimes les Israéliens, mais aussi rendu Israël coupable ! Comment peut-elle demander – que dis-je demander, exiger – de l’État juif qu’il prenne soin des civils de Gaza parmi lesquels se cachent des assassins qui mériteraient rien de moins que la peine de mort ? Et elle attend de l’État juif non seulement qu’il fasse sa guerre en un temps record, mais aussi qu’il oublie, comme elle l’a fait, le massacre du 7 octobre en un temps record ! Les Israéliens sont-ils des surhommes ?

[1] La loi antiterroriste et ses effets : point de vue d’universitaires canadiens

à propos de l'auteur
Dora a été professeur de français pendant 30 ans au Collège français de Montréal. Elle a été chroniqueuse pour Radio-Shalom Montreal, puis pour Europe-Israël.
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