Enseignant par passion, mais rempli de doutes

Depuis neuf ans, j’enseigne avec cœur et conviction. Mais les récentes atteintes à nos droits et à notre reconnaissance m’obligent à poser une question simple et douloureuse : a-t-on encore une place dans ce système ?
Je suis enseignant dans l’éducation publique en Israël depuis neuf ans.
J’ai choisi ce métier par engagement, par foi dans la transmission, par amour pour mes élèves.
Malgré les défis, j’ai toujours eu la conviction que j’apportais une contribution réelle à la société.
Je travaille avec des jeunes en construction, avec tout ce que cela suppose de fragilité et de potentiel. J’ai toujours vu dans ce rôle une responsabilité immense et un privilège rare.
Mais depuis quelque temps, un sentiment d’épuisement moral m’envahit.
Quelque chose s’est déplacé, fissuré.
Être enseignant demande bien plus que des connaissances : cela exige patience, présence, dévouement, humilité.
Et pourtant, ceux qui portent la responsabilité politique de l’éducation semblent nous regarder sans véritable considération, comme si notre engagement n’avait pas de valeur.
Parfois, je me sens traité comme un rouage remplaçable dans une machine trop lourde – et cela blesse profondément.
La remise en cause de nos conditions de travail, les menaces sur nos droits fondamentaux, l’incertitude économique croissante – tout cela pèse.
Pas uniquement en tant que salarié, mais en tant qu’être humain. En tant qu’adulte qui veut pouvoir regarder ses élèves en face et continuer à croire à la mission éducative.
On m’a souvent interrogé, parfois avec surprise, lorsque je disais que j’étais heureux d’être enseignant. Je le disais avec une forme de fierté – parce que ce métier m’élevait. Aujourd’hui, ce sentiment s’est effrité.
Ce n’est pas une colère que je ressens, mais un mélange de lassitude et de peine. Une inquiétude sourde qui monte, jour après jour.
Je ne parle pas seulement pour moi. Beaucoup de mes collègues partagent ce malaise. Un sentiment d’isolement, de déconnexion entre ce que nous vivons sur le terrain et les décisions prises en haut lieu.
Et surtout une question lancinante : que restera-t-il de notre système éducatif si les enseignants perdent peu à peu foi en leur place, en leur avenir ? Car au bout du compte, ce sont les élèves qui risquent de payer le prix de cette désillusion.
Ceux à qui nous voulons transmettre bien plus que des savoirs. Ceux à qui nous voulons offrir de l’élan, de l’espoir, un horizon. Ils méritent des enseignants solides, inspirants, confiants.
Mais pour qu’un enseignant puisse croire en ses élèves, encore faut-il qu’on lui permette de croire en lui-même.
Alors je m’adresse à vous – parents, citoyens, responsables publics en Israël. Ne détournez pas le regard. Soutenez celles et ceux qui tiennent l’école à bout de bras.
Parce que l’éducation , ce n’est pas seulement notre affaire à nous. C’est l’avenir de tous dans notre pays.