Enjeux de l’après-Covid

Drapeaux israéliens et symbole du gouvernement à la Knesset. Photo : Nati Shohat / FLASH90
Drapeaux israéliens et symbole du gouvernement à la Knesset. Photo : Nati Shohat / FLASH90

Benyamin Netanyahou peut s’enorgueillir, et à juste titre, d’avoir placé Israël en tête des pays de la planète qui ont vacciné leur population le plus rapidement et avec grande efficacité.

Selon le Premier ministre israélien, la majorité des Israéliens âgés de plus de 16 ans auront été vaccinés contre le coronavirus d’ici à la fin mars ; un « retour à la normale » serait envisageable pour Pessah qui débute le 27 mars prochain.

Si les législatives israéliennes ont lieu le 23 mars, ce ne sera que pure coïncidence ; mais on ne peut s’empêcher de penser que Benyamin Netanyahou agit aussi, et surtout, en fonction de considérations électorales.

Certes, le Premier ministre israélien a consacré beaucoup de temps, d’énergie et surtout d’argent, pour acquérir suffisamment de doses de vaccins pour toute la population et pour devenir le premier pays à sortir de la pandémie.

En poste depuis douze années d’affilée, on peut regretter que Benyamin Netanyahou n’ait pas consacré autant d’énergie à résoudre les autres crises que la société israélienne affronte depuis une décennie.

Il est vrai que le Covid-19 a relégué au second plan les principaux défis du monde d’aujourd’hui, et d’Israël en particulier. Les défis sociétaux qui attendent les Israéliens en 2021 sont de taille ; ils feront sans doute partie de la campagne électorale pour les prochaines législatives.

Voici les dix principaux enjeux de l’après-coronavirus auxquels les Israéliens seront confrontés en 2021.

1. La pauvreté et les écarts sociaux: Israël connaît un taux de pauvreté particulièrement élevé, avec une forte proportion de travailleurs pauvres et des inégalités de revenu criantes.

Le renforcement de la protection sociale permettra d’atténuer l’insécurité alimentaire et la précarité qui touchent de plus en plus d’Israéliens depuis le début de la crise sanitaire.

2. Le coût de la vie: le niveau général des prix est élevé en Israël, particulièrement dans des secteurs comme l’alimentation ou l’immobilier.

L’intensification de la concurrence sur les marchés des produits et l’ouverture plus grande au commerce extérieur contribueront à la baisse du niveau des prix.

3. La participation au travail: comparé à la moyenne nationale, le taux d’activité reste faible parmi les Juifs orthodoxes et les Arabes israéliens qui forment plus d’un tiers de la population nationale.

Des programmes de formation professionnelle adaptés aux besoins actuels de l’économie (comme le numérique et le télétravail) permettront d’offrir des emplois de meilleure qualité aux populations défavorisées.

4. Une productivité du travail trop basse: un Israélien qui travaille 42 heures par semaine en moyenne produit moins qu’un Français qui travaille 35 heures par semaine.

Une réduction progressive de la durée légale du travail, tout comme l’amélioration des compétences grâce une formation professionnelle adéquate, permettront à l’Israélien de produire plus en travaillant moins.

5. Une croissance verte : baigné d’un soleil brûlant une bonne partie de l’année, Israël produit seulement 5% de son électricité par le soleil.

La crise du Covid-19 est l’occasion, pour Israël, d’accélérer le passage aux énergies renouvelables et non polluantes ; cette transition énergétique contribuera à la réduction des émissions de gaz à effet de serre conformément aux règles internationales.

6. La relance de la haute technologie : le secteur souffre de l’insuffisance de main d’œuvre qualifiée et d’investissements en R&D.

L’Etat doit investir davantage dans le secteur des technologies pour lui permettre de diffuser ses innovations dans l’ensemble de l’économie et de redevenir le moteur de la croissance.

7. La fin de l’aide américaine: malgré son économie moderne et solide, Israël bénéficie encore de l’aide du gouvernement des Etats-Unis d’un montant de 3,8 milliards de dollars par an.

Après plus de sept décennies d’existence, Israël peut se passer aisément des dollars américains ; la générosité de l’Oncle Sam pourrait être remplacée par des investissements étrangers qui atténueront la dépendance d’Israël vis-à-vis des Etats-Unis et favoriseront les emplois locaux.

8. Des infrastructures insuffisantes: Israël souffre d’un grand retard dans ses infrastructures, comme dans les transports et les hôpitaux, en partie à cause de l’insuffisance des investissements publics.

Israël doit accroître ses investissements consacrés aux infrastructures tout en recourant à des partenariats public-privé et en allégeant les réglementations qui allongent les délais de construction.

9. Les résultats scolaires en baisse: Israël enregistre un recul des résultats scolaires dans les comparaisons internationales ; la qualité du système éducatif est particulièrement médiocre pour les populations les plus défavorisées.

Un accroissement de l’investissement public dans l’éducation permettrait de relever le niveau général de l’instruction, tout en améliorant l’enseignement technique et la formation professionnelle des jeunes.

10. Le conflit israélo-palestinien: un budget militaire élevé ampute les dépenses civiles, comme santé, éducation et logement, et ne permet pas de satisfaire aux besoins quotidiens des Israéliens.

La paix récente avec plusieurs pays arabes ne doit pas remplacer la résolution pacifique du conflit israélo-palestinien ; la fin de l’état de guerre permanent permettra à Israël de combattre plus facilement de nombreux maux de la société, comme pauvreté et inégalités.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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