En Israël, l’économie de guerre fait ses preuves

Un secouriste travaillant dans un bâtiment endommagé à la suite d'une frappe de missile iranien, dans la ville de Bat Yam, au sud de Tel Aviv, tôt le 15 juin 2025. (Crédit : Jack Guez/AFP)
Un secouriste travaillant dans un bâtiment endommagé à la suite d'une frappe de missile iranien, dans la ville de Bat Yam, au sud de Tel Aviv, tôt le 15 juin 2025. (Crédit : Jack Guez/AFP)

Quelques heures après les frappes israéliennes en Iran, l’économie de guerre se mettait en place ; le commandement de la protection civile a pris en main la sécurité des Israéliens tout en autorisant une activité économique minimale.

S’il fallait prouver l’efficacité du modèle israélien d’économie de guerre, il faut se reporter à vendredi dernier, 3 heures du matin, lorsque les sirènes d’alerte ont retenti dans le pays.

Très vite, les frappes israéliennes sur l’Iran n’ont laissé aucun doute aux habitants du pays ; le conflit qui démarre risque de durer plusieurs semaines, ce qui oblige l’économie d’Israël à revêtir ses habits de guerre.

Protection civile

Très tôt ce vendredi matin, le commandement de la protection civile a déclaré l’état d’urgence et a pris en main la vie quotidienne des Israéliens :

  • écoles fermées,
  • rassemblements interdits,
  • fermeture de l’espace aérien,
  • service économique minimal, etc.

C’est en 1992, juste après la guerre du Golfe, que Tsahal a créé un « commandement de la protection civile » chargé de coordonner les activités civiles en période de guerre. Le commandement a toutes les prérogatives pour décider qui peut travailler, quels commerces resteront ouverts, comment circuler, etc.

En cas de nécessité, le commandement de la protection civile prend à sa charge les réparations des dégâts matériels causés par la guerre. C’est lui aussi qui gère et répartit entre la population les réserves alimentaires et autres fournitures d’urgence (médicaments, carburant) en cas de guerre intense et prolongée.

Autrement dit, l’économie de guerre à l’israélienne ne se limite pas à la défense du pays par l’intermédiaire d’une armée puissante : la protection des civils en est devenue une composante essentielle.

Fonds d’indemnisation

Depuis 77 ans, les Israéliens ont pris l’habitude de voir leur rythme de vie et de travail marqué par des opérations militaires ; quant au développement économique du pays, il varie au gré des situations de guerre ou de paix avec ses voisins arabes.

Très vite, les dirigeants israéliens ont compris que le fardeau financier imposé par les guerres ampute les budgets consacrés aux dépenses civiles comme l’éducation, la santé ou l’emploi. Cette prise de conscience a conduit Israël à repenser l’affectation des ressources nationales de façon à garantir à la population un niveau de vie satisfaisant, tout en gérant une économie de guerre.

Pour financer les dépenses civiles de l’économie de guerre, les autorités israéliennes ont mis en place un mécanisme de financement qui a montré son efficacité. Il y a quelques années déjà, un fonds d’indemnisation des citoyens a été créé pour dédommager les Israéliens victimes d’actes d’hostilité ou de guerre.

Ce fonds est alimenté par les taxes immobilières (15% des recettes lui sont consacrés) et géré par le Trésor public. Il prend à sa charge le financement du coût civil des guerres :

  • dégâts matériels,
  • pertes économiques,
  • journées de travail perdues, etc.

En 2025, l’économie de guerre à l’israélienne permet au pays de s’adapter à une situation de guerre permanente. Elle répond aux besoins militaires tout assurant aux civils un minimum de vie quotidienne normale.

C’est dire, pour qui en doutait encore, combien Israël a besoin d’une économie résiliente, capable de résister aux chocs de la guerre et de rebondir rapidement après le conflit.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
Comments