En Corse : Arcu Di Noe pour les Juifs
Élan du cœur qui a interpellé les médias mainstream : des Corses se mobilisent spontanément pour accueillir des familles juives françaises menacées par l’antisémitisme. En phase, les nombreux appels du continent reçus par la synagogue de Bastia et les Beth Habad d’Ajaccio, Bastia, Porto Vecchio. En anticipation sur le diagnostic qui placerait la population juive de France au centre de la cible du djihadisme : un programme « Arcu di Noé-Arche de Noé » prépare déjà des hébergements en Corse, en Bretagne, en Israël.
Il faut savoir que la solidarité populaire et familiale est en Corse une tradition insulaire multimillénaire. C’est la manifestation de l’âme corse d’une population qui est réactive et soudée, quand il le faut, et qui sait pourquoi. Et qui peut se rassembler à la minute en cas d’alerte, comme le démontre la longue histoire de l’île et les extraordinaires mobilisations des Corses. Ainsi, la Résistance insulaire, réalisant in situ le vœu de Jean Moulin, lançait en 1943, une insurrection populaire et libérait l’île, après un mois de combats et en avance sur tous les plans des Alliés.
D’autres épisodes plus récents révèlent à quel point les Corses se montrent allergiques à toute tentative qui menacerait la sécurité et la liberté. Comme à Ajaccio cette colère de tout un quartier, après l’attaque d’un véhicule de pompiers (Quartier de l’Empereur en 2014 ). Ou comme le village de Sisco qui avait fait la Une du New York Times en 2016 . Alertés, mobilisés en quelques minutes après l’agression de leurs enfants, tout le village avait corrigé sévèrement des délinquants marocains violents qui tentaient de privatiser la plage. En Corse, la famille, le respect, l’intégrité des biens et des personnes restent des valeurs fondamentales avec lesquelles on ne plaisante jamais. Et ici pas d’émeutes dans les banlieues, pas d’agressions dans les transports, pas d’actes antisémites.
C’est tout aussi phénoménal que l’extraordinaire solidarité qui a émergé en Israël, dès le 7 octobre pour accompagner la riposte de Tsahal. Un basculement sidérant, l’incroyable métamorphose de tout un pays, après la fracture de trente-huit semaines de balagan dans les rues de Tel Aviv et de Jérusalem.
La Corse architecturée en défense contre les razzias des Barbaresques en Méditerranée.
L’hospitalité sera offerte à des familles juives du continent, menacées d’agressions physiques et verbales et de pogroms, et ce dans le contexte de la récidive d’un antisémitisme virulent d’origine djihadiste. Depuis les incursions barbares du Hamas du 7 octobre, des Corses ont contacté la Synagogue de Bastia et les Beth Habad pour proposer des logements, des aides matérielles et psychologiques, des contacts pour des emplois. Comment expliquer ce fait de société qui confirme la trace particulière laissée par la Corse dans la géopolitique et l’histoire européenne ? Notamment la première Constitution du monde moderne de Pascal Paoli ( 1755 Corte) qui servit de modèle aux textes fondateurs américains et français. Il faut savoir que dans l’ile, les razzias barbaresques sont restées dans la mémoire collective. Au Moyen Age, la Corse rurale et urbaine s’est bâtie en mode architecture défensive contre les incursions musulmanes criminelles des Maures, lesquelles fonctionnaient sur le même modus operandi que le Hamas.
Pourquoi les villages en Corse sont-ils bâtis si loin et si haut dans la montagne ?
Ici les citadelles, les monastères, les villages, les tours, les châteaux et les maisons fortifiées en témoignent : la guerre de course et l’esclavagisme arabo-musulman en Méditerranée ont perduré près de mille ans, depuis l’époque paléo-chrétienne jusqu’à la Renaissance. Alors, la totalité des villages étaient, et sont toujours , des belvédères panoramiques hauts perchés pour repérer les attaques des Sarrasins.
Mihail infirmière dans le Cap Corse
Avec son groupe du Beth Habad de Bastia, Mihail prépare avec lucidité l’arrivée des familles. Pour elle ce n’est pas une éventualité mais une certitude : « Après le 7 octobre ça été ici une onde de choc ! Une prise de conscience dit-elle, comme si toute l’histoire ancienne de la Corse s’était réveillée. La Corse a énormément souffert et elle est traitée avec mépris, comme une sous-catégorie par l’Etat français. Ici tout simplement une partie de la population reste bien informée, et dispose de cette intelligence pour faire la part des choses entre les grands média et la réalité de l’île. Cette solidarité fondamentale en Corse existe, elle ne s’est pas perdue, elle s’est comme réveillée. C’est l’âme corse. Je pense que des êtres humains sains de corps et d’esprit ne peuvent ni cautionner ni supporter les actes monstrueux de barbarie commis par le Hamas dans les kibboutzim de la frontière avec Gaza. Et face à l’antisémitisme qui se répand sur le continent attisé par le djihadisme, nous proposons en Corse d’accueillir des familles juives avec notamment des logements. Ce n’est pas une invasion, il s’agit de créer des liens. » Autre point de contact : la synagogue de Bastia Beth Meir fondée en 1934 est gérée par l’Association cultuelle et culturelle israélite de Corse, rattachée au Consistoire (synagogue.corse@orange.fr).
Le programme Arcu di Noé – Arche de Noé.
Didier Meïr Long, historien des Juifs de Corse et président du cabinet de conseil en stratégie BrainConnect.io. , a lancé le projet humanitaire « Arcu di Noé » avec le rabbin Levi Pinson à Ajaccio, Zalman Teboul à Bastia, Guy Sabbagh de Beth Meïr Bastia, Frédéric-Joseph Bianchi (Terra Eretz Corsica-Israël) et des agriculteurs du Niolu et de l’Ospedale (Porto-Vecchio). « Il s’agit dit-il d’accompagner les Juifs en France qui demandent asile à la Corse pour protéger leur vies en cas de pogrom. Un programme mené avec les Juifs de Corse et les Corses. Le Jewish Office.org que je dirige développe des projets de protection vers la Corse, la Bretagne via des réseaux catholiques et vers Israël notamment la ville d’Ariel. »

Des initiatives excessivement alarmistes ou annonciatrices d’un ouragan aux impacts imprévisibles ? Didier Meïr Long a-t-il compris la problématique avant tout le monde et en particulier avant les instances de la communauté juive de France ? Il a enquêté pour le CRIF dans les communautés juives des régions et rédigé un rapport (oct. 2023) titré « Niveau de risque et danger de Pogroms pour les Français juifs ? ». Didier Meïr Long: « La focalisation du djihadisme mondial sur Israël et les Juifs depuis le 07/10 et le retour d’Israël au centre de l’agenda diplomatique, constitue une menace réelle pour les Juifs français. La France où se trouve la plus importante population juive d’Europe mais aussi la plus grande population musulmane redevient le cœur de cible du djihadisme dans une configuration inédite. A l’instar des émeutes de juin 2023 une nouvelle génération de jeunes auto-entrepreneurs du djihad, boostée aux réseaux sociaux, intégrée dans la société française et peu repérable semble émerger. ».
« Niveau de risque et danger de Pogroms pour les Français juifs ? »
Une analyse fine du terrorisme digital intra muros et ses conséquences: « L’islamisme a muté, épousant le rythme de croissance d’Internet dont Tik tok et Télégram. La galaxie islamiste en ligne a explosé de manière horizontale et virale…et publie les exactions des corps mutilés avec une puissance d’horreur et de frappe sans commune mesure avec la « communication corporate » de l’Etat Islamique. 1000 fichés S sont mineurs, une nouvelle génération du digital-djhiad sur le marché de la terreur, sans compter les réseaux suprématistes d’extrême-droite. La flambée d’émeutes de juin 2023 n’a pas été prévue à cause de l’âge des participants , 14-18 ans, l’effet booster des réseaux sociaux amplifiant l’émotion. C’est exactement ce qui se passe avec les images d’enfants à Gaza. Et la fake news de 500 morts dans une attaque de missile israélien sur un hôpital n’a pas embrasé que les réseaux sociaux en France, elle a montré la perméabilité des rédactions de presse à de fausses nouvelles émanent d’une organisation terroriste. »
Didier Meïr Long dessine un tableau inquiétant mais malheureusement réaliste dans lequel les Juifs de France seraient une cible majeure : « La crise économique ajoute à cette pression sur une cocotte-minute qui ne demande qu’à exploser comme l’ont montré les émeutes incontrôlables en juin 2023. Avec le conflit au Moyen Orient on entre dans une phase inconnue qui concentre le champs d’action du Djihad, non plus sur l’Etat, l’armée, la police, mais sur les Juifs et Israël. Pour accélérateurs : la colère sociale des cités, djihadistes aguerris sortis de prison, le cyber Djihad, les appels à des journées noires venus de l’étranger, le téléguidage de terroristes depuis l’étranger, les manifestations pour la cause palestinienne. Un nouvelle donne pour les Juifs il faut comprendre ce changement de paradigme, du à la coordination des niveaux stratégique, tactique et opérationnel, les interactions asymétriques imprévisibles et intelligentes des menaces. » Selon le CRIF « toutes les digues ont sauté » et si la France continentale enregistre une flambée d’ actes antisémites (1 040 depuis 1 mois jour pour jour après le 7/10), la Corse n’en enregistre aucun. A Lyon le 4 novembre, une femme juive de trente ans est hospitalisée après avoir été poignardée chez elle en ouvrant sa porte, sur laquelle avait été taguée une croix gammée.
Beth Habad à Ajaccio.
Toutefois à Ajaccio le rabbin Levi Pinson se montre plus mesuré et presque attentiste. Certes, il a reçu des dizaines d’appels de familles juives étudiant sérieusement l’option corse mais sans enregistrer aucune arrivée : « Le sentiment de sécurité en Corse est une certitude mais il y a des inconvénients. C’est compliqué pour des familles qui ont leurs habitudes ailleurs de se réinstaller ici et d’y retrouver des repères. Certains songent à la Corse, il y a une accélération depuis la guerre mais nous estimons que l’Etat français est réactif, à Ajaccio la police tourne du matin au soir. » Levi Pinson a aussi déclaré au Figaro dans un papier signé Antoine Giannini : « Les Juifs du continent vivent dans la crainte et cachent même les signes distinctifs. Tous avancent les mêmes arguments lorsqu’ils évoquent leurs envies de Corse. Alors qu’ici, c’est impensable d’être agressé parce qu’on est Juif. L’île est préservée avec des valeurs humaines que tout le monde devrait avoir, c’est une île de lucidité. »
Synagogue consistoriale de Bastia.

Du côté de la Synagogue de Bastia, Agathe Bank, chargée de communication, se montre prudente face à l’emballement médiatique : « Aucun acte antisémite en Corse alors la presse s’est emparée de l’information, mais pourrait-elle créer un flux migratoire vers l’ile ? Au vu de la déferlante médiatique (Europe 1, Le Figaro, CNews , RCFM etc…) et les réactions sur les réseaux, qui ne sont pas toutes hospitalières, nous souhaitons démentir le fait que des dizaines de famille seraient en passe de s’installer en Corse. Nous avons reçu des demandes d’informations pour des villégiatures ponctuelles avec enfants… le temps que les tensions s’apaisent et que les familles retrouvent une existence sereine chez elles. Les Juifs de France représentent 0,69 % de la population et en Corse 0,10 % en comptant les résidents secondaires. Il n’y a pas d’actes antisémites aussi parce qu’il n’y a pas de communauté visible. Par ailleurs, porter plainte et dénoncer publiquement ce qui pourrait relever de l’antisémitisme n’a pas cours ici. Les choses se règlent autrement et les positions victimaires sont mal perçues. Les Corses sont fiers et courageux. Ils entendent que les minorités qui vivent sur l’ile le soient aussi.
Souvent Conquise, Jamais soumise ! c’est la devise de la Corse qui a son histoire, sa langue, ses coutumes, ses luttes, son souhait légitime d’autodétermination. C’est une terre largement chrétienne avec une forte population maghrébienne, soit 20% de la population. Les Musulmans y sont modérés. Nos liens sont anciens et bienveillants envers chaque communauté. La Synagogue Beth Meir est implantée à Bastia depuis 90 ans et toutes les familles juives témoignent d’une intégration harmonieuse parmi la population insulaire. Donc ni Eldorado, ni Terre Promise…simplement une ile des Justes qui accueille, échange, tisse des liens, séduit et retient parfois. Ce petit carrefour des peuples de la Méditerranée est un havre où la spiritualité, l’esprit et l’humour ont une place aussi importante que la fraternité et le sens de la liberté. Ces valeurs sont communes à nos peuples. Populu Corsu : Grazie per l’ospitalità ! Si un veru amicu. A Corsica serà sempre terra d’esiliu per i Ghjudei. Da a cima di e vostre muntagne, fighjeranu sempre versu u livante versu Ghjerusalemme. »