Elections européennes, l’impasse des Juifs de France

Au-delà des enjeux fondamentaux soulevés par les élections européennes du 9 juin (écologie, immigration, espace Schengen, abattage rituel…), ces élections ne sont pas sans susciter de nombreuses interrogations légitimes quant au choix du vote que les Juifs de France et les Israéliens de nationalité française auront à faire. En effet, nombreux sont ceux qui vont être confrontés à leur propre conscience. Leur perplexité révèle un certain malaise dans la communauté juive de France et même parmi les Juifs français d’Israël, du moins pour ceux qui iront voter ce dimanche.
Si beaucoup d’entre eux hésitaient encore à voter pour la liste du RN conduite par Jordan Bardella, il semblerait que les événements tragiques du 7 octobre dernier en Israël aient convaincu une frange non négligeable de Juifs français à être désormais disposés à donner leur voix au parti qui était il y a encore quelques années, banni par l’ensemble de la communauté juive. Sans l’ombre d’un doute, le grand historien et avocat Serge Klarsfeld participe à ce processus de dédiabolisation d’un parti suspecté d’être encore antisémite: « Nous avons été soulagés, je ne dirais pas heureux, mais soulagés d’entendre la dirigeante du Rassemblement National condamner Pétain, condamner Laval, condamner la rafle du Vel d’Hiv et prendre parti pour Israël ».
A cette dédiabolisation du mouvement RN s’ajoute la position claire et explicite de Marine le Pen qui n’a, il est vrai, pas manqué de dénoncer haut et fort, sans ambiguïté aucune, les massacres du 7 octobre perpétrés par le mouvement terroriste du Hamas. Mais la question que l’on est en droit de se poser est la suivante: pouvons-nous pour autant dédouaner le RN et le considérer comme un parti totalement reconverti en un mouvement pro-sémite?
Difficile de répondre précisément à une question qui relève des politologues, des historiens et des sociologues. L’avenir le dira…
Il me paraît toutefois important de concentrer notre attention sur les grandes questions qui touchent Israël, à savoir la reconnaissance d’un État palestinien jouxtant l’État hébreu, mais aussi se constituant de facto sur les territoires de Judée-Samarie, le berceau de l’âme hébraïque ; la reconnaissance du statut de Jérusalem et de l’avenir d’Israël. Ces questions brûlantes sont celles qui, lors de la campagne des Européennes, ont été posées, discutées et tranchées par tous les partis politiques français.
A aucun moment, le LFI de Jean-Luc Mélenchon n’hésite à jeter l’opprobre sur Israël et à le diaboliser en criant haut et fort que le gouvernement de Benyamin Netanyahou commet un « génocide » dans la bande de Gaza. De cet antisionisme viscéral, de cet antisémitisme de l’extrême gauche française, la présence et les paroles antisionistes notoires de la candidate LFI d’origine palestinienne Rima Hassan sont une preuve des plus flagrantes pour un esprit avisé.
Quant au Président de la République française, Emmanuel Macron s’est quasiment délégitimé aux yeux de nombreux Juifs de France lorsqu’il trouva juste de soutenir explicitement et de manière peu diplomatique le Procureur général de la Cour Pénale de Justice Karim Khan.
Or, dans le débat politique français peu enclin à soutenir clairement et sans équivoque Israël, la voix de Marine le Pen et du très charismatique Jordan Bardella, président du RN se sont fait entendre clairement. Personne ne peut le contester. Ils ont osé se soulever contre les propos malsains de Mélenchon et ceux de Macron, libérant chez de nombreux Juifs de France la barrière du tabou concernant le vote en faveur du RN, anciennement FN. Disposés désormais à donner leur voix à un parti qui était, il y a peu, déclaré infréquentable, les Juifs de France ne représentant qu’un taux électoral moindre en comparaison des communautés musulmanes de France, offrent ainsi une garantie morale significative au RN.
Ce soutien calculé ou non des principaux dirigeants du RN justifie-t-il véritablement le vote des Juifs de France pour ce parti aujourd’hui devenu attractif ?
Certains Juifs de France semblent frappés d’amnésie quant au programme de Marine le Pen qui déclarait lors de la campagne électorale des présidentielles de 2022 que si elle était élue, elle suivrait fidèlement la politique étrangère française classique menée par le Quai d’Orsay vis-à-vis d’Israël, à savoir qu’elle soutiendrait la création d’un État palestinien « dans les lignes de 1967 » et la division de Jérusalem. Cette vision politique n’est en rien dissemblable à celle ardemment défendue par Emmanuel Macron[1].
Si, certes, une frange de la communauté juive de France avoue être attirée par les propos de solidarité en faveur d’Israël de Marine le Pen après le traumatisme du 7 octobre et le tsunami de haine à l’encontre d’Israël, s’exprimant dans de nombreuses associations antisionistes et dans des corps enseignants renommés comme ceux de Sciences Po Paris ou l’ENS, leur choix du moment semble incohérent car contraire au sionisme dont ils se réclament. Incohérent car sur la question de l’avenir d’Israël, il n’existe aucune différence notoire entre Emmanuel Macron et Marine le Pen.
Comment un Juif de France ou un franco-Israélien pourrait-il voter pour l’un ou pour l’autre alors même que sur le fond, tous s’accordent pour suivre la même politique au Proche-Orient et diviser Jérusalem, le cœur même de la Nation hébraïque et de l’État d’Israël?
Le choix de vote s’avère donc d’une rare complexité! Nombreux sont ceux et celles parmi les juifs de France qui ne savent plus pour qui voter.
Sans vouloir nier l’apport significatif de la Diaspora juive à la culture d’Israël sous toutes ses formes, force est de constater que sur le plan politique intérieur et extérieur les Juifs de France n’ont aucun impact sur les grandes décisions du gouvernement français. L’antisémitisme explose sans que le gouvernement français réussisse à l’endiguer. Si Jordan Bardella ou Marine le Pen était élu à la Présidence de la République en 2027, il n’est pas interdit de penser que le vote juif sera oublié, comme l’est le seul et tout petit État d’Israël aux yeux du Président Macron.
Si les Juifs du monde en général et les Juifs de France en particulier aspirent à avoir un véritable rôle dans l’Histoire d’Israël, l’Alya reste la meilleure des réponses.
Juifs du monde et de France, votre choix de vote n’est pas Macron, Marine le Pen, Bardella ou Zemmour mais celui de votre matrie ancestrale, la terre d’Israël, Eretz Israël et l’État d’Israël, Medinat Israël!
[1] Discours du 7 mars 2018 au dîner annuel du Conseil Représentatif des Institutions juives de France, le CRIF, répond à la question de la reconnaissance de Jérusalem comme Capitale d’Israël.