Élections américaines : l’avenir du Moyen-Orient est-il en jeu ?
Le sprint de la course à la présidence américaine touche à sa fin. Les deux candidats, Harris et Trump s’arrachent les voix flottantes et tout pronostic reste hasardeux. Devant des élections au suffrage universel indirect, le vote des 538 « grands électeurs » est crucial et déterminera le choix du président et de son vice-président. Ce scrutin s’annonce très serré, et face aux vives tensions au sein des militants des deux partis, il faudra plusieurs jours pour connaître officiellement le nouveau tandem qui siégera à la Maison Blanche durant les quatre prochaines années.
Certes, le modèle démocratique américain demeure solide depuis plus de deux siècles malgré la guerre civile et l’insurrection au Capitol. Le 6 janvier 2020 fut un jour noir pour la démocratie américaine et le monde libre. Depuis, l’arène politique est de plus en violente avec des insultes et des coups bas.
La soixantième campagne a approfondi considérablement le fossé entre les démocrates et les républicains ; elle a surtout aggravé les relations avec les diverses communautés et a permis aux extrêmes de s’exprimer avec force. Il est possible qu’au lendemain des résultats, de nombreux militants ne soient pas satisfaits. Tout peut donc basculer vers un désordre irréversible, au moment où l’Amérique traverse une crise de leadership et que son rôle d’influence dans le règlement des conflits mondiaux est aujourd’hui quasiment nul.
Depuis la création de l’État d’Israël, les relations entre les États-Unis et l’État juif soufflent le chaud et le froid. Nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises – parfois graves – mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce car les intérêts politiques, diplomatiques et stratégiques entre les deux pays amis sont réciproques. Washington et Jérusalem partagent les mêmes valeurs démocratiques et universelles. Un affaiblissement de l’État juif et de son leadership agissent contre les intérêts des États-Unis au Moyen-Orient.
Dans ce contexte géopolitique incertain, l’avenir immédiat de la guerre au Moyen-Orient dépendra jusqu’au 20 janvier 2025 des intentions du président Joe Biden. Dans le cas d’une victoire de Kamala Harris va-t-il exercer des pressions jusqu’au bout de son mandat, d’autant plus que ses relations avec Benjamin Netanyahu sont exécrables ?
Netanyahu est un sabra qui a vécu longtemps aux États-Unis. Il sait parfaitement qu’Israël dépend de l’Amérique sur le plan diplomatique, économique et militaire. Malgré tout, il ne peut non plus accepter toutes les requêtes américaines et céder automatiquement aux pressions. Il est convaincu que Biden est un fidèle allié et non pas un adversaire, mais il ne souhaite pas non plus qu’Israël devienne une république bananière ; il craint une victoire de Kamala Harris.
La candidate démocrate a été parachutée par Biden à la dernière minute. Juriste, ses positions sur le conflit au Moyen-Orient sont tranchées sans aucune nuance. Lors de sa campagne, elle a repris les slogans libéraux et progressistes de Biden et Obama, sans reconnaître que depuis le 7 octobre, tout a basculé.
Tout en affirmant l’attachement fidèle et profond des États-Unis à la défense et à la sécurité d’Israël, elle rabâche dans ses discours des slogans creux et simplistes : la fin immédiate des combats, la création d’un État palestinien ou un accord avec le Liban, sans comprendre que le Hezbollah et le Hamas sabotent tout compromis. Elle souhaite reprendre le dialogue avec l’Iran sans saisir que dans la jungle du Moyen-Orient le plus fort sera toujours respecté.
Le terrorisme doit être éradiqué par la force et la dissuasion et non par le biais d’une diplomatie timide. Seul un combat acharné et sans pitié contre la barbarie pourra maîtriser la situation et aboutir à la paix avec tous ceux qui souhaitent sincèrement la coexistence. Malheureusement, Harris prouve une certaine ignorance de l’histoire du conflit et sur les réelles intentions de nos ennemis. Ne sont-ils pourtant pas de mêmes ceux de l’Amérique ?
En revanche, Netanyahu a eu tort de miser sur le candidat républicain. Il a approfondi la méfiance à son égard en engageant un dialogue permanent avec Donald Trump durant toute la campagne. C’est une intervention grotesque dans les affaires intérieures américaines, bien que nous sachions que des présidents américains interviennent souvent dans nos affaires. Pour éviter des maladresses et obtenir gain de cause, chaque dirigeant israélien devra avoir de bonnes relations avec tous les partis politiques, de gauche comme de droite.
Certes, une victoire de Trump ne garantit pas la paix demain, mais lors de son premier mandat il avait prouvé son amitié par des actes. Il a transféré l’ambassade américaine à Jérusalem, reconnu l’importance stratégique du Golan, et a été le parrain des Accords d’Abraham avec les Emirats arabes et le Maroc. Va-t-il poursuivre le processus avec l’Arabie saoudite ? Est-il capable de le faire sans régler le problème palestinien ? Quelle sera sa position sur les sites nucléaires iraniens ?
Trump est imprévisible, il n’a pas une vision du monde ordonnée et cohérente, ou une plate-forme politique. Ses préoccupations sont focalisées ailleurs, vers les deals, les affaires commerciales, vers une Amérique forte économiquement. Le soutien de milliardaires tels qu’Elon Musk ou Jeff Bezos pourra-t-il lui garantir le succès ? Quel sera le prix à payer ? Peuvent-ils contribuer à l’économie mondiale ou se contenter des gains exclusivement américains selon la doctrine America first ?
Durant cette campagne, le populisme et la démagogie ont gagné du terrain avec leurs messages creux de sens. Les réseaux sociaux ont été manipulés, l’argent investi demeure le seul garant pour gagner une élection présidentielle.
Pour l’heure, attendons impatiemment les résultats définitifs. Les États-Unis demeureront longtemps notre meilleur allié stratégique et peu importe qui sera le prochain locataire à la Maison Blanche ou au pouvoir à Jérusalem, à condition de préserver nos intérêts nationaux.
Soyons réalistes et pragmatiques. Le temps presse sur tous les plans, mais il est aussi propice pour remodeler la donne géopolitique et aboutir à un avenir meilleur au Moyen-Orient.