Élection européenne du 6 au 9 juin, levons le voile

Le drapeau européen devant le parlement européen, à Strasbourg, le 26 mars 2019. (Crédit : AP Photo/Jean-Francois Badias)
Le drapeau européen devant le parlement européen, à Strasbourg, le 26 mars 2019. (Crédit : AP Photo/Jean-Francois Badias)

Les sondages récents l’indiquent : Pour l’essentiel, l’extrême droite progresserait avec des gains importants, sans toutefois être majoritaire, mais suffisamment forte pour lui donner un pouvoir d’opposition fonction de sa capacité à s’unir ou à se fractionner ponctuellement.

Projections actuelles

Ce qui ne signifie pas, à ce stade, que l’extrême droite détiendrait la majorité dans l’assemblée constituée de 720 députés (1) . C’est l’Allemagne qui en a le plus grand nombre (proportionnel à la population) 96 députés, suivie de la France 81 ensuite l’Italie avec 76 députés.

Dans chaque pays les alliances sont parfois hétéroclites et le regroupement ne se fait pas de façon homogène. La majorité resterait aux partis traditionnels, mais avec une force sérieusement réduite. De ce fait instable. Ce qui est nouveau.

La formation d’une coalition sera d’autant plus difficile que les intérêts nationaux pèseront et prévaleront sur la formation de coalitions et leur manque relatif d’homogénéité. Il en va de même pour les électeurs, qui voteront en fonction de leur problématique nationale : Pouvoir d’achat, immigration, insécurité, agriculture, logement, éducation, notamment ; il y a divers élections locales et régionales dans cette période.

Les gains (2) de l’extrême droite devraient se confirmer dans au moins neuf pays (3), tandis que dans neuf autres(4) elle prendrait la deuxième ou la troisième place. En France, selon le plus récent sondage – le RN est crédité de 30-31% avec une avance sur Renaissance à 18%. le PS à 11,5%, les écolos à 8,5%, LFI et LR à 7%. Les européistes conserveraient 63% des sièges.

Le mandat de la commission se termine après les élections. Ursula von der Leyen a déjà déclaré sa candidature à sa réélection. Elle est entrée en campagne pour tenter d’anticiper la distribution des postes et rôles dans la composition des commissions, en incluant l’extrême droite, au vu de sa probable majorité réduite, instable voire fragilisée, si elle est choisie.

L’extrême droite, regroupée, représenterait 25% des sièges.

Si certains partis changeaient d’alliance, une nouvelle alliance avec les groupes d’extrême droite atteindrait 48 à 49% des sièges qui, avec quelques non-inscrits, pourraient atteindre ou dépasser 50%. Ce serait inédit.

Les acteurs en présences

Renew Europe, dont Renaissance fait partie, actuelle troisième force avec 101 députés, devrait chuter à moins de 100. Bien que réduit, ce groupe peut rester le « faiseur de roi ou de reine », compte tenu des disparités entre les groupes, réunissant le plus petit dénominateur commun, entre les européistes convaincus, les fédéralistes et toutes les nuances intermédiaires ; ceux qui veulent le mélange des cultures et la souveraineté européenne contre ceux qui sont souverainistes et veulent l’exercer sans être les sujets de Bruxelles.

Le Parti Populaire Européen, forces de droite favorable à la construction européenne, dont Mme Von der Leyen est la candidate, qui se dit favorable à un durcissement de la politique migratoire – ce qui ne se vérifie pas dernièrement – sauf par la conclusion d’accords avec certains des pays de départ (Turquie, Tunisie, Libye, Égypte) qu’on veut transformer en camps retranchés pour empêcher les migrations vers l’Europe, moyennant finances.

Perspectives actuelles, fin du plafond de verre

Le PPE (Parti Populaire Européen) restera, probablement le groupe le plus important et Mme von der Leyen pourrait être réélue.

A la différence des positions affichées en France ; le dialogue existe avec l’extrême droite, Le ministre italien des affaires étrangères a déjà appelé à poursuivre le dialogue après l’élection. Ces manœuvres confirment un net glissement vers la droite. Le meilleur exemple en est la relation entre l’Italienne Georgia Meloni et la présidente de la commission. On n’a pas oublié l’étiquette de néo fasciste que lui a collé la majorité en France. Mme von der Leyen négocie tous azimuts tout en énonçant trois lignes rouges :

Collaboration uniquement avec des forces pro- européennes, respect de l’état de droit, soutien à l’Ukraine et adhésion à la lutte contre la Russie. On voit bien que certains pays sont visés. Ce qui est clair, le fameux plafond de verre et son corollaire le cordon sanitaire volent en éclat. En démocratie, on ne peut pas éternellement ignorer une partie importante des électeurs avec des slogans creux, surtout quand une extrême gauche autrement plus dangereuse s’illustre par ses postures quotidiennes qui ne prône rien de moins que le chaos et s’inscrit dans un antisémitisme avéré à des fins électorales.

Antisémitisme en Europe, bilan

Le grand plan de lutte contre l’antisémitisme de la Commission a totalement échoué. En 2019 la commission dévoilait ce qu’elle qualifiait de « la toute première stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive »

La présidente de la Commission Mme Ursula von der Leyen déclarait : « Nous nous engageons aujourd’hui à soutenir la vie juive en Europe dans toute sa diversité. Nous voulons voir la vie juive s’épanouir à nouveau au cœur de nos communautés… la stratégie que nous présentons constitue un changement radical dans la manière dont nous réagissons. L’Europe ne peut prospérer que lorsque ses communautés juives se sentent en sécurité et prospèrent » A son tour Mme Margarita SCHINAS Vice-présidente chargée de la promotion » de notre mode de vie européen » ajoutait « L’antisémitisme est incompatible avec les valeurs de l’UE et avec notre mode de vie européen. Cette stratégie, constitue notre engagement à la combattre… et à garantir un avenir pour la vie juive en Europe et au-delà… Nous le devons à ceux qui ont péri pendant la Shoah…. Aux générations futurs »

Il s’agissait essentiellement de communication mais en l’absence de moyens adéquats et de volonté, l’échec était inéluctable.

Afrique, Moyen Orient, bilan

Collectivement, l’Union a été mise à la porte du Sahel. D’abord la France, puis les quelques autres troupes de l’Union. Mr J. Borell en parle beaucoup moins que de Gaza. Au Moyen Orient, l’UE n’a pas été capable d’empêcher la réduction du Liban à une colonie iranienne, par son affidé le Hezbollah. L’UE était totalement absente jusque-là et pense qu’elle peut désormais jouer un rôle avec ses 27 ministres des affaires étrangères et des positions divergentes. Enfin la commission a conclu un accord » sur le partenariat stratégique et global entre …l’Égypte et l’Union Européenne » Dans le texte « L’UE reconnaît l’Égypte comme un partenaire fiable…. « Pilier de la sécurité, de la modération et de la paix dans la région… » « Les deux partie rappellent leur attachement aux principes consacrés dans la Charte des Nations Unies »

Dans les domaines spécifiques … et au milieu de la déclaration, on découvre le domaine de la migration et la mobilité : L’Égypte et l’UE adoptent une approche de la gouvernance des migrations …Bref un investissement de l’ordre de 5 milliards est prévu. Malgré l’emballage-cadeau on comprend qu’il s’agit d’empêcher les migrations vers l’Europe moyennant un soutien financier.

Israël, état des lieux

Les déclarations sont trop nombreuses. Là aussi les différences entre les 27 sont réelles. Monsieur BORRELL a produit un plan en dix points. A mesure que la date du 7 octobre s’éloigne, son discours se fait de plus en plus dur, exigeant et catégorique. Le mot cesser le feu est devenu son leitmotiv beaucoup plus que celui du retour de tous les otages. Le lexique s’élargit : génocide, écocide, sanctions, embargo sur les armes, plus que soutien à Israël à se défendre, aucune guerre n’est parfaite (Hiroshima, Nagasaki, Mossoul, Berlin, Normandie, Irak, Afghanistan, ex Yougoslavie, Syrie)

Soutien à l’UNWRA : Suite à l’enquête d’Israël sur les participants au pogrom et membres du Hamas, l’aide avait été suspendue. Elle a repris.

Chacun fait de la politique en vue de la suite, l’échéance de juin rebattra les cartes et il convient de se placer ! alors on n’hésite pas à oublier ce qu’on avait dit 15 jours plus tôt. Ainsi va le monde qui marche sur une jambe et boite de l’autre.

Source : Conseil européen des relations étrangères (ECFR)

Ipsos mars 2024

Sièges actuels (705) *

(1) Sièges estimés (720)  Changement estimé

La Gauche 37 42 + 5

Groupe des Verts/Alliance libre européenne 72 à 55 – 17

Sociaux-démocrates1401364Renew Europe102 à 85 – 17

Parti populaire européen17 à 81 > 771

Conservateurs et Réformistes européens 68 à 76 +8

Identité et Démocratie598122Non-inscrits 49 à 68 +19

(2) Sources: Ipsos pour Euronews – Enquête sur les élections européennes (mars 2024) •

BFM avril 2024

 

(3) France, Belgique, Italie, Pays Bas, Autriche, Pologne, Slovaquie, Tchéquie, Hongrie

(4) Espagne, Bulgarie, Allemagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Portugal, Roumanie

à propos de l'auteur
Ancien cadre supérieur et directeur de sociétés au sein de grands groupes français et étrangers, Francis Moritz a eu plusieurs vies professionnelles, depuis l’âge de 17 ans, qui l’ont amené à parcourir et connaître en profondeur de nombreux pays, avec à la clef la pratique de plusieurs langues, au contact des populations d’Europe de l’Est, d’Allemagne, d’Italie, d’Afrique et d’Asie. Il en a tiré des enseignements précieux qui lui donnent une certaine légitimité et une connaissance politique fine.
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