Éducation et santé, même combat

© Stocklib / jose maria hernandez
© Stocklib / jose maria hernandez

Les enseignants israéliens ont eu plus de chance que les internes des hôpitaux, du moins sur le papier ; un accord salarial signé in-extrémis a permis une rentrée scolaire normale.

En revanche, les internes des hôpitaux sont en colère : l’application de l’accord qu’ils ont signé il y a quelques mois avec le Trésor été remise à plus tard.

En Israël, les secteurs de l’éducation et de la santé sont victimes de la même politique libérale menée par les gouvernements depuis près de deux décennies ; coupes budgétaires, privatisations, insuffisance des postes, conditions de travail pénibles, etc.

Depuis le début des années 2000, la vague néolibérale qui a déferlé sur Israël a démantelé l’Etat-providence et réduit les services publics à un service minimum.

La dépense publique civile n’a même pas suivi le rythme d’augmentation de la population israélienne. Résultat : le retard accumulé dans le développement de l’éducation et de la santé prendra des années à être comblé, raison de plus de s’y prendre au plus tôt.

Scolarité payante

A la veille de la rentrée scolaire, les syndicats d’enseignants ont signé un accord salarial qui garantit une revalorisation des salaires et une amélioration du pouvoir d’achat.

Cet accord est le bienvenu puisqu’il permettra de compenser partiellement le retard pris par la dépense publique d’éducation en Israël, comparée à la majorité des pays modernes.

Dans son Regards sur l’Education 2021, l’OCDE indique que la dépense publique d’éducation (primaire et secondaire) par élève en Israël (8.272 dollars) reste inférieure de 20% à la moyenne des pays occidentaux ; la France dépense même 35% de plus par élève qu’Israël (11.114 dollars).

Une dépense publique insuffisante se traduit bien par des salaires à la traîne, des classes surchargées, des équipements manquants, etc.

Résultat : la scolarité en Israël est payante dès le plus jeune âge. Les parents sont mis à contribution pour ne pas subir une baisse de la qualité ou de la quantité des services scolaires fournis à leurs enfants, comme cours particuliers, activités extra-scolaires, etc.

Médecine privée

Dans la santé, la logique libérale a pris plusieurs formes : baisse des investissements publics, pénurie de personnel, longues heures de garde, lits d’hôpitaux insuffisants, etc.

Au total, les coupes réalisées au début des années 2000 n’ont jamais été compensées ; la dépense nationale de santé stagne alors que la population augmente à un rythme élevé.

Résultat : par habitant, la dépense nationale de santé en Israël est une des plus basses des pays développés. Dans son Panorama de la Santé 2021, l’OCDE indique qu’Israël dépense 2.903 dollars par habitant pour la santé, contre 4.087 dollars en moyenne dans les pays de l’OCDE, soit un écart de 29%.

Les Israéliens sont donc amenés à financer par eux-mêmes une partie grandissante de leurs soins médicaux : 35% des dépenses de santé en Israël sont à la charge des ménages (directement ou par l’intermédiaire d’une assurance-maladie privée) contre seulement 16% en France.

L’excuse des élections

En avril dernier, les internes des hôpitaux, qui effectuent des gardes de 26 heures, avaient bien conclu un accord avec le gouvernement pour limiter les gardes et augmenter les postes.

Il a suffi de quelques mois pour que les internes se rendent compte qu’ils ont été « manipulés » par le ministère des Finances : l’application de l’accord a été repoussée à septembre 2023 pour cause… d’élections.

Au moment où une vague épidémique semble se confirmer pour l’automne, on ne peut que regretter que le gouvernement israélien utilise l’excuse des législatives anticipées pour remettre à plus tard l’amélioration de la santé publique.

Il faut se rendre à l’évidence : le personnel médical et leurs patients ont un poids électoral moins important que les parents de 2,5 millions d’élèves.

Il n’empêche que le combat pour de meilleures conditions de salaire et d’emploi reste le même.

à propos de l'auteur
Jacques Bendelac est économiste et chercheur en sciences sociales à Jérusalem où il est installé depuis 1983. Il possède un doctorat en sciences économiques de l’Université de Paris. Il a enseigné l’économie à l’Institut supérieur de Technologie de Jérusalem de 1994 à 1998, à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 2002 à 2005 et au Collège universitaire de Netanya de 2012 à 2020. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles consacrés à Israël et aux relations israélo-palestiniennes. Il est notamment l’auteur de "Les Arabes d’Israël" (Autrement, 2008), "Israël-Palestine : demain, deux Etats partenaires ?" (Armand Colin, 2012), "Les Israéliens, hypercréatifs !" (avec Mati Ben-Avraham, Ateliers Henry Dougier, 2015) et "Israël, mode d’emploi" (Editions Plein Jour, 2018). Dernier ouvrage paru : "Les Années Netanyahou, le grand virage d’Israël" (L’Harmattan, 2022). Régulièrement, il commente l’actualité économique au Proche-Orient dans les médias français et israéliens.
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