Dima de Clerck / Stéphane Malsagne, Le Liban en guerre de 1975 à nos jours. Folio, Gallimard

Couverture. Collection Folio histoire, Folio. Gallimard, 2025.
Couverture. Collection Folio histoire, Folio. Gallimard, 2025.

Nous avons affaire à la version revue et augmentée d’un ouvrage publié il y a quelques années. Le projet est louable bien que difficile à réaliser. J’écris « conflit autour du Liban » et non « du Liban » lui-même car toutes ces années de guerre et de malheur furent imposées à ce petit pays qui n’est en guerre avec aucun de ses voisins, notamment l’État d’Israël. On lui a forcé la main, menacé des pires sanctions s’il ne suivait pas la ligne qu’on voulait lui imposer : le soutien, voire l’abandon de souveraineté, au profit de milices intervenant sur son propre territoire, livrant des combats qui ne sont pas les siens.

J’ai entamé la lecture attentive de ce livre, animé des meilleures intentions et désireux d’être au clair avec un Proche Orient qui n’a pas connu une seule journée de calme et de paix depuis la création de l’État juif. Et c’est là que le bât blesse : dès la première ligne de l’introduction, les auteurs accusent l’état d’Israël d’être l’unique ferment de la discorde dans la région.

De page en page, les auteurs recensent les différentes « offensives israéliennes », sans jamais dire pour quelle raison l’État d’Israël s’en est pris à son voisin du Nord, alors qu’il n’intervenait que pour se défendre, sollicitant les forces de paix pour ramener le calme. Le Liban n’a pas cherché de lui-même la confrontation avec son voisin. Aucun État souverain ne peut recevoir des obus de mortier ou des missiles sans réagir… Mais voilà, l’État libanais n’a pas su ni pu développer un régime vraiment national, chargé de le défendre… À quoi je pense ?

C’est très simple. La souveraineté libanaise n’a jamais été pleine et entière. Indépendant depuis 1943, le pays du cèdre est devenu prisonnier d’un glacis arabo-musulman qui a exigé de lui une soumission quasi-totale à des causes arabes, notamment la cause palestinienne. On lui a imposé ce que Léonid Brejnev avait théorisé comme étant la « souveraineté limitée » des pays membres du pacte de Varsovie…

Il est vrai que la minorité chrétienne de ce pays avait placé de grands espoirs dans une aide occidentale qui s’est fait attendre… Il suffit de se reporter aux écrits ou aux aveux de grands dirigeants maronites regrettant la sourde oreille des puissances européennes, ou reculant devant les méga-attentats contre les soldats américains et français…

Le camp chrétien porte aussi une lourde responsabilité : sa désillusion a causé sa perte au point qu’il est devenu minoritaire dans son propre territoire…

La milice chiite à l’intérieur et la Syrie de Hafez el Assad bassiste à l’extérieur ont sonné le glas de toute aide internationale. Cette main liée derrière le dos a été officialisée par les accords de Taëf en Arabie saoudite : le Liban fut contraint de céder une grande partie de sa souveraineté au profit des Palestiniens dont l’armement était devenu supérieur à celui de l’armée nationale – et peut-on vraiment parler d’ « armée nationale » dans le cas du Liban ?

L’armée est constituée d’éléments qui représentent la communauté ethnique ou religieuse dont ils sont issus. On peut s’indigner contre cela autant de fois qu’on voudra, ce pays a été organisé ainsi dès sa naissance : le pouvoir partagé entre des gens qui ne voulaient pas vivre ensemble, et qui ont baissé la tête devant de puissantes milices.

Mais les choses auraient pu être maîtrisées si l’on n’avait pas laissé les Palestiniens prendre le pouvoir… Ainsi, ils ont fait du Liban un cobelligérant d’où partaient des attaques contre l’État d’Israël. Ce dernier tenait le Liban et ses institutions pour responsables de tout ce qui se passait sur son territoire. C’est bien là la légalité internationale, mais dans ce cas précis, est-ce que ce pays pouvait faire respecter la loi ? Non, évidemment…

Le Hezbollah n’a été désarmé qu’après une puissante intervention du puissant voisin. L’élection d’un nouveau président se fit alors en très peu de temps, car ceux qui s’opposaient à la vie politique normale n’étaient plus là pour s’y opposer.

Le Liban fut un protectorat syrien pendant des décennies, il passa ensuite sous la coupe de la république islamique d’Iran… La guerre civile ou fratricide dura quinze années et a laissé un pays exsangue : plus de 100 000 morts…

Depuis les derniers développements, et notamment les efforts constants de la France, le pays découvre un coin de ciel bleu. Mais souvenons-nous de cet adage : une hirondelle ne fait pas le printemps… Il faudrait aussi que les Libanais prennent leur destin en main et n’attendent pas tout de l’extérieur.

Que le pays accueille des réfugiés de toute provenance s’il le souhaite, rien que de très normal, mais il ne faut pas que ces nouveaux venus bafouent les lois du pays d’accueil. Or, les Palestiniens ont transformé ce pays d’accueil en base arrière pour s’en prendre à Israël, lequel a réagi avec la sévérité que l’on sait.

À présent, il faut créer les conditions pour que le Liban fasse partie des accords d’Abraham. Le Moyen-Orient est en profonde évolution, je ne me dissimule pas que le chemin est semé d’embûches, que ce ne sera pas facile ; mais il n y a pas d’autre solution pour mettre fin à la mort et au malheur.

Le Liban doit renaître de ses cendres et jouir de toutes les prérogatives d’un État souverain Il n’a pas à se soumettre à des causes étrangères.

à propos de l'auteur
Né en 1951 à Agadir, père d'une jeune fille, le professeur Hayoun est spécialiste de la philosophie médiévale juive et judéo-arabe et du renouveau de la philosophique judéo-allemande depuis Moses Mendelssohn à Gershom Scholem, Martin Buber et Franz Rosenzweig. Ses tout derniers livres portent sur ses trois auteurs.
Comments