L’Agence France Presse (AFP) est la principale source de nouvelles internationales des médias francophones. Et quand elle traite d’Israël et des Palestiniens, elle tourne les coins ronds. Dernier exemple en date, deux dépêches du 30 et du 31 octobre.
Vendredi, un nourrisson palestinien est mort à Bethléem. L’Autorité palestinienne a immédiatement annoncé que l’enfant est mort « asphyxié » par des gaz lacrymogènes déployés par des soldats israéliens contre des émeutiers palestiniens.
Il n’en fallait pas plus pour que des centaines de médias abonnés à l’AFP titrent « Un bébé palestinien tué par des gaz lacrymogènes », comme, par exemple, le quotidien montréalais La Presse:
Alors que le travail de journalisme consiste notamment à toujours vérifier la validité des déclarations d’un gouvernement, et à plus forte raison lorsqu’il est question d’un régime non-démocratique et autoritaire qui réprime la liberté d’expression comme l’Autorité palestinienne, l’AFP n’a pas cherché à valider l’annonce de manière indépendante. Elle croit sur parole l’Autorité palestinienne, comme on peut le constater dans la suite du même article:
« Un bébé palestinien de huit mois est mort vendredi asphyxié par des gaz lacrymogènes tirés par l’armée israélienne près du domicile de sa famille à Bethléem, en Cisjordanie occupée, a indiqué à l’AFP un porte-parole du ministère de la Santé palestinien.
Le petit garçon, Ramadan Thawabteh, a été asphyxié par des gaz lacrymogènes tirés par l’armée israélienne lors de heurts avec de jeunes lanceurs de pierres palestiniens, et qui se sont infiltrés dans sa maison, a précisé le porte-parole ».
L’Autorité palestinienne indique et précise, selon l’AFP, qui abandonne toutes les précautions d’usage comme l’emploi du conditionnel, les guillemets et la préposition « selon ».
La crédulité injustifiée de l’AFP devient plus évidente en comparant cette dépêche à celle de cette autre agence de presse, Reuters:
On Friday, the Palestinian Health Ministry said an eight-month-old baby had died in a West Bank village as result of inhaling teargas fired by the Israeli military in the area. Hospital officials told Reuters the infant had a prior health condition and that it was unclear what had caused his death.
Contrairement à l’AFP, Reuters accomplit ses devoirs journalistiques. Elle attribue les allégations autour de la mort du bébé à l’Autorité palestinienne et ne les rapporte pas comme des fait établis. Puis, elle cherche à confirmer ces allégation auprès d’autres sources pertinentes, comme l’hôpital palestinien où la mort de l’enfant a été constatée, et dont on apprend que l’enfant souffrait d’une maladie et que la cause de son décès n’était pas connue. L’AFP agit comme scribe de l’Autorité palestinienne et Reuters comme une véritable agence journalistique.
En revanche, quand il s’agit des responsables israéliens qui opèrent dans le contexte d’une presse libre et critique qui scrute chacun de leurs gestes, l’AFP retrouve soudainement ses instincts de scepticisme journalistique.
Ainsi, dans cette dépêche du 31 octobre publiée par La Presse, l’AFP rapporte qu’ « un jeune Palestinien abattu pour avoir projeté d’attaquer des soldats israéliens, selon l’armée israélienne« , que « plusieurs Palestiniens ont été tués, présentés comme des assaillants par la police et l’armée israéliennes » et qu’ « Ils ont été abattus par les forces israéliennes qui les accusaient d’avoir poignardé ou tenté de poignarder des soldats« .
Bref, pour l’AFP rien n’est moins certain, et elle n’aurait pas les moyens de vérifier que des Palestiniens attaquent bel et bien des Israéliens et ont été abattus alors qu’ils tentaient de les assassiner.
On pourrait noircir des dizaines de pages avec des exemples semblables du parti pris transparent de l’AFP. Dans un monde où la rigueur journaliste importerait encore, le journalisme orienté de l’AFP devrait la chasser de son piédestal comme source principale des médias francophones sur le conflit israélo-arabe.
David est Directeur associé du Centre consultatif des relations juives et israéliennes (CIJA-Québec)