De Vaslui à Quatzenheim

Colonne de prisonniers roumains dans la ville de Bucarest, novembre 1916. Expoziția Marele Război, 1914-1918, Muzeul Național dr Istorie a României, public domain
Colonne de prisonniers roumains dans la ville de Bucarest, novembre 1916. Expoziția Marele Război, 1914-1918, Muzeul Național dr Istorie a României, public domain

Vaslui est le chef-lieu du comté du même nom, située à l’est de la Roumanie, proche de la Moldavie.

Județ de Vaslui — Wikipédia
Localisation du comté de Vaslui en Roumanie, Wikipedia, Creative Commons (CC), free

En 1914, lorsque la guerre éclate en Europe, la Roumanie adopte une position de neutralité. En 1916, elle fait le choix d’une entrée en guerre contre l’Allemagne et ses alliés. Rapidement, la situation est défavorable pour l’armée roumaine et de nombreux soldats sont faits prisonniers.

Deux camps principaux accueillent, dès octobre 1916, ces prisonniers de guerre. Tuchola en Pologne et Lamsdorf en Prusse. Les hommes arrivent harassés et dénutris. Les conditions du transfert depuis les Carpates ont été terribles et beaucoup de prisonniers sont entre la vie et la mort. Le passage dans ces camps est bref et, comme le prévoit les Conventions, les prisonniers sont envoyés dans des détachements de travail. Pour des milliers d’entre eux, la destination continue vers l’Alsace, qui en 1914 est une région de l’Allemagne. Le front est situé sur la crête des Vosges.

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Carte postale du camp de Tuchel – collection C.Woehrle (c) 

Les prisonniers de guerre roumains sont essentiellement employés à des travaux d’aménagements sur le réseau ferré à destination du front depuis les vallées du piémont vosgien. Leurs conditions sanitaires déplorables déciment les effectifs entre février et avril 1917, les morts se comptent par centaines.

Pour la plupart, ces hommes robustes des montagnes roumaines, résistent et survivent. La grippe espagnole, fin 1918, aura raison des dernières résistances et emportera des vies, quelques jours avant et après la fin de la guerre.

Un acte de décès a été retrouvé dans les archives d’une commune du Bas-Rhin à propos d’un de ces prisonniers roumains.

Il indique que le 17 novembre 1918 est décédé en Alsace un prisonnier roumain nommé Moscowitz Marcel, matricule 37509, âgé de 24 ans, de religion juive et originaire de Virsloi.

Extrait d’acte de décès du registre des décès du département du Bas-Rhin, propriété du département du Bas-Rhin (c) 

Les recherches dans les archives permettent d’identifier Moscovici Moise né en 1881 à Vaslui comté de Vaslui, soldat de la 1ère compagnie du 64e régiment d’infanterie, fait prisonnier le 11 novembre 1916 à Valea-Mare.

En Alsace se trouvent deux nécropoles roumaines et quelques carrés roumains avec les tombes de ces soldats, pour la plupart orthodoxes, Soultzmatt et Haguenau. Mais impossible de trouver la tombe de Moise Moscovici. Les autorités d’alors, ont-elles tenu compte de la religion de ce prisonnier et l’ont inhumé dans un cimetière israélite ?

Cimetière du Schäfertal – Val-de-Pâtre – Soultzmatt, collection C.Woehrle (c)

Le cimetière israélite le plus proche est celui de Quatzenheim, qui a récemment défrayé la chronique à cause de profanations. Dans ce cimetière on trouve une tombe avec les indications permettant d’identifier le soldat que nous recherchons.

Vue du cimetière de Quatzenheim, collection C.Woehrle (c)

113 ans après la fin de la Grande Guerre, il est possible d’identifier et de retracer le destin d’un prisonnier de guerre roumain de religion juive et de retrouver sa tombe ! Lorsque les tombes roumaines ont été rassemblées dans les nécropoles, celle de
Moise Moscovici est restée, par choix du rabbin de l’époque, dans le cimetière israélite, lui conférant ainsi une tombe perpétuelle.

Site internet du judaïsme d’Alsace et de Lorraine, propriété de Michel Rothe (c) 

Il faudra envisager, pour que le plus grand nombre de nos compatriotes se rappellent de son sacrifice, de poser une plaque dans la nécropole afin de préciser, qu’un des seuls prisonnier de guerre roumain de religion juive, repose dans le cimetière israélite de Quatzenheim. Pour que sa mémoire ne tombe pas dans l’oubli !

Zakhor, souviens-toi

à propos de l'auteur
Christophe Woehrle est docteur en histoire contemporaine - Chevalier de l'ordre des arts et des lettres
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