De Montréal à la Marche Verte : Un voyage de Diplomatie et de Culture

Célébration de la Marche Verte  à la journée mondiale de la tolérance au Centre culturel marocain de Montréal. Gracieuseté de Dar Al Maghrib (Autorisation : Houda Zemmouri)
Célébration de la Marche Verte à la journée mondiale de la tolérance au Centre culturel marocain de Montréal. Gracieuseté de Dar Al Maghrib (Autorisation : Houda Zemmouri)

Proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1996 pour promouvoir la tolérance, la compréhension mutuelle et le respect des différences culturelles, religieuses, ethniques et sociales, la Journée mondiale de la tolérance est célébrée chaque année le 16 novembre. Dans un monde multipolaire et marqué par des tensions croissantes, le vivre-ensemble apparaît comme un enjeu fondamental pour les sociétés diversifiées.

C’est dans cet esprit que le Centre Culturel Marocain de Montréal (Dar Al Maghrib) a organisé la commémoration du 49ᵉ anniversaire de la Marche Verte, réunissant des compétences canado-marocaines et des invités de marque autour d’une conférence riche en symboles et en enseignements historiques. Placé sous la direction de Madame Houda Zemmouri, directrice du Centre, l’événement a accueilli Monsieur Kaisse Ben Yahya, chargé de mission au Cabinet Royal de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, ainsi que des représentants de la communauté juive sépharade du Canada.

La Marche Verte, orchestrée par Feu Hassan II, constitue une mobilisation populaire unique dans l’histoire contemporaine. Cet acte, conçu comme une réponse aux défis géopolitiques de l’époque, a vu la participation de plus de 350 000 citoyens marocains, armés uniquement de drapeaux et de Corans. Bien plus qu’une revendication territoriale, cet événement symbolique a transformé une cause nationale en un message universel de paix et d’unité.

Comme l’a expliqué Monsieur Kaisse Ben Yahya, cet événement illustre la diplomatie marocaine, fondée sur le soft power, un concept popularisé par Joseph Nye. Plutôt que de recourir à la coercition, le Maroc a choisi d’exercer une influence positive, en mobilisant des valeurs spirituelles et une approche fédératrice pour atteindre ses objectifs.

Bien que la Marche Verte ait été une initiative strictement marocaine, elle a attiré l’attention de personnalités et de nations amies. Parmi elles, Feu Cheikh Zayed des Émirats arabes unis a tenu à montrer son soutien au Maroc en permettant à son fils, le jeune Mohammed Bin Zayed, de participer symboliquement à cette marche historique. Parallèlement, des diplomates étrangers ont contribué aux discussions internationales sur la décolonisation du Sahara, renforçant ainsi la portée diplomatique de cet événement.

Un moment fort de la conférence a été l’analyse de l’Émirat al-Mouminine (Commanderie des croyants) comme modèle de gouvernance spirituelle. En s’appuyant sur des institutions telles que les mosquées et les zaouias, ce paradigme établit un équilibre unique. La légitimité charismatique, décrite par Max Weber, y joue un rôle entre le politique et le religieux central, consolidant l’identité marocaine autour de valeurs communes de paix, de foi et de solidarité, au-delà des différences ethniques ou religieuses.

La présence de représentants de la communauté juive sépharade du Canada a été un moment marquant de l’événement, témoignant de l’attachement profond de cette diaspora aux valeurs marocaines. Comme l’a souligné Madame Houda Zemmouri, la coïncidence entre la commémoration de la Marche Verte et la Journée mondiale de la tolérance est loin d’être fortuite. Elle reflète une conception de l’action collective, telle que décrite par Hannah Arendt, où un peuple uni autour de son souverain s’investit dans la construction d’une histoire commune et porteuse de sens.

La diaspora judéo marocaine a joué et joue toujours un rôle clé dans le soutien de la marocanité du Sahara et l’entreprise du Maroc de sauvegarder son intégrité territoriale historique à travers des actions de lobbying, de médiation et de promotion culturelle. Ce soutien s’inscrit dans une longue tradition, fondée sur des liens historiques profonds et une reconnaissance mutuelle.

Bien avant la normalisation officielle en 2020 avec les accords tripartites, la communauté juive marocaine a servi de pont entre Rabat et les chancelleries occidentales, facilitant les échanges économiques et politiques qui ont indirectement appuyé la position marocaine sur le Sahara. Considérant cette cause comme une valeur intrinsèque de son identité marocaine, la communauté juive marocaine du Canada est appelée à jouer un rôle plus actif pour bâtir un lien direct et constructif entre Ottawa et Rabat, dans le but de passer à la vitesse supérieure d’un libre-échange et d’une reconnaissance canadienne de la marocanité du Sahara.

Cet événement, organisé sur le sol québécois, illustre parfaitement la diplomatie culturelle et religieuse marocaine. En combinant harmonieusement politique, spiritualité et culture, Dar al Maghrib donne l’exemple d’un modèle de soft power qui privilégie le dialogue et la compréhension mutuelle. Bien plus qu’une simple commémoration, ce centre, unique au pays, incarne une vision ambitieuse pour la construction d’une communauté organisée et influente au sein de sociétés diversifiées comme le Canada.

à propos de l'auteur
Blogueur, M.sc politique appliquée, propagande et communication politique, ÉPA PhDing, Diplomatie religieuse et culturelle
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