De l’apocalypse à la survie
En 1978, Arthur Koestler a écrit un livre fondamental: ‘Janus’. Ce qu’il dit est simple : le 6 Août 1945, jour de l’explosion de la bombe atomique sur Hiroshima, marque le compte à rebours de la disparition de l’espèce humaine sur la planète. Car si l’Homme possède la faculté remarquable d’inventer, il n’a pas celle beaucoup plus extraordinaire de désinventer !
Koestler part de l’hypothèse que toute civilisation intelligente est par essence masochiste et autodestructrice et qu’elle commettra obligatoirement un acte de suicide. Tout le monde ne pense pas comme lui et les adeptes de l’arme nucléaire basent leur argumentation sur le fait que la dissuasion protège in fine l’humanité car tout belligérant qui prendrait l’initiative serait de facto détruit.
En effet la guerre froide a montré que les deux superpuissances d’antan ont fait des guerres par proxy mais se sont bien gardées d’un affrontement direct. Ce raisonnement peut se justifier sur 10 ans, 50 ans 100 ans mais il est loin d’être imparable. Depuis Hiroshima, il y a eu beaucoup ‘d’accidents’ : entre autres quatre bombes H sont tombées par erreur en Espagne, tous les systèmes de sécurité sauf un ont sauté… Ou bien des radars américains (ou soviétiques) ont annoncé faussement une attaque fictive massive de l’ennemi.
Le conflit présent démontre la précarité de la notion de dissuasion surtout quand une des parties est une dictature. Si cette dernière perd dans une guerre conventionnelle et qu’une défaite risquerait de déstabiliser son régime alors la tentation d’un chantage nucléaire pour retourner la situation devient séduisante. L’autre partie se retrouve dans un dilemme dantesque: céder ou ne pas céder !
La première option signifie que les démocraties acceptent le dictat de la dictature et que ce qui vient de se produire se reproduira, jusqu’au jour où cela devient intolérable. La deuxième option est d’entrer dans un processus d’escalade dont l’aboutissement pourrait être effrayant. On entend de plus en plus cette petite musique en Russie qui envisage l’option nucléaire non point comme dissuasion mais comme moyen d’éviter une éventuelle défaite conventionnelle locale et en Europe qui dit qu’il ne faut pas humilier les Russes. Que faut-il faire ?
Je n’en sais rien ! Mais ce que je sais est qu’une fois sorti de cette crise sans dégâts apocalyptiques, les Nations doivent s’atteler à la dénucléarisation de la planète comme objectif primordial, au même titre qu’elles essaient de combattre les désastres écologiques qui nous guettent. Nier le danger nucléaire est aussi absurde que de nier le danger climatique, les deux sont présents et les deux exigent une action de l’Humanité dans son ensemble.
La vie sur terre n’est pas une donnée pérenne allant de soi, elle doit se mériter. La passivité et le découragement sont l’ennemi. Un désarmement nucléaire de la planète n’est pas une tâche impensable et impossible. C’est certes un obstacle colossal mais non point infranchissable. Il y a 20 ans j’ai écrit un livre fiction intitulé ‘Après’, qui décrit un processus dont l’aboutissement est une éradication des armes nucléaires. Le scénario que j’ai décrit est une possibilité parmi d’autres, mais ce qui apparaît certain est que le processus, s’il se fait, se fera dans la souffrance.
Le désarmement nucléaire aussi bien que le réchauffement climatique sont les deux problèmes majeurs qui demandent une intervention de nos sociétés afin de permettre l’avènement de générations futures qui pourront prospérer. Nous devons les affronter alors qu’il est encore temps.