De Jérusalem à Bastia: souviens-toi du 7 octobre

Bastia 2024 - Archives de Liliane Vittori.
(Crédit : Liliane Vittori)
Bastia 2024 - Archives de Liliane Vittori. (Crédit : Liliane Vittori)

Bastia (Haute-Corse) et Porticcio (Corse-du-Sud). Les Corses ont répondu à l’appel du « Collectif Ricordu di u Sette Ottobri » lancé avec le KKL-Fonds National Juif et l’association Terra Eretz Corsica-Israël, un an jour pour jour après la tuerie perpétrée par le Hamas, et suite à une année de guerre sur 7 fronts et 500 000 soldats mobilisés.

Bastia 7 oct. 2024 – Archives de Liliane Vittori. (Crédit : Liliane Vittori)

Au Musée de Bastia, Israël si loin si proche d’une Corse naturellement, historiquement solidaire, c’est toute la force tranquille de cette assemblée très mélangée, avec une belle proportion de Corses venus soutenir leurs « frères » Juifs de Corse. C’est la réalité de cette soirée avec la vision, la sensation d’une seule et même famille, particulièrement soudée. Et qui va suivre avec une compassion et une attention extrêmes l’ensemble des témoignages reccueillis en direct à Jerusalem par Cathy Chekroun du Studio Qualita. Jean-Paul Lucciani, journaliste de Radio Corse Frequenza Mora, anime magistralement la réunion. Il les a tous rencontrés, ceux qu’il appelle les « diasporiques » des communautés corses du monde :

Ca me fait plaisir de raccrocher les maillons de la diaspora corse, avec ce soir des Corses de l’extérieur et même de l’étranger, des Corses qui ont des liens profond avec l’État hébreu. À travers cette volonté de s’unir autour du drame du 7 octobre, je dirais qu’ici ce soir il n’y a que des philosémites de toute tendances religieuses ou politiques. J’ai fait mon émission ‘Décalage horaire’ en Israël où on compte 100 000 Franco-Israéliens et parmi eux beaucoup de Corses et parfaitement intégrés. Je peux vous assurer qu’avec la communauté juive, nous sommes vraiment cousins, je dirais même frères ! Simu tutti listesse, on est tous pareils !

Bastia 7 oct. 2024 – Archives de Liliane Vittori. (Crédit : Liliane Vittori)

Car ils le savent tous et toutes, et Mme Hadas Jaoui-Kalderon du kibboutz Nir Oz, mère d’enfants otages libérés et épouse de Ofer Kalderon toujours détenu confirme :

Ce n’est pas fini ! Il y a encore une centaine d’otages à Gaza. Mes enfants quand ils mangent se demandent si leur père mange… Et quand ils respirent se demandent si leur père respire… À 4000 km de distance, je remercie les Corses qui savent qu’il faut combattre ! Il y a un monde éclairé et un monde obscur, celui du terrorisme.

Ce soir à Bastia, côte à côte, on voit des mères de famille juives de Corse, la chanteuse Patrizia Gattacceca venue de son haut village de Castagniccia, la violoncelliste Laetitia Himo, et il y a des Juifs de Paris qui s’installent à Bastia, et aussi Joseph Colombani et ses équipes de la Chambre Régionale d’Agriculture, et François Pupponi, ancien député ancien maire de Sarcelles. Plus les rabbins de Bastia ( Zalmen et Haya Teboul pour le Beit Habad). Ainsi que Mickael ‘Hazzout et le président Gérard Lévy pour la Synagogue consistoriale Beit Meir. Et aussi une personnalité essentielle de ces rencontres : le mémorialiste Didier Meir Long consultant du CRIF à Paris. La philosophe Renée Fregosi lors d’une brillante synthèse clame son indignation :

Ce que nous vivons depuis le 7 octobre c’est un événement paradoxal ! Comment le pogrome du 7 octobre, par essence génocidaire, visant les femmes, les hommes, les nourrissons, les enfants, les adolescents et les vieillards des kibboutz du Sud… Comment cela peut-il soudain devenir le génocide de Gaza ? Il y a inversion des rôles comme du temps des nazis qui eux-aussi estimaient être des victimes. Je le redis Am Israël Haï !

Bastia 7 oct. 2024 – Archives de Liliane Vittori. (Crédit : Liliane Vittori)

Ce que l’on voit ce soir dans l’auditorium du Musée de Bastia ? C’est un peuple debout avec les valeurs communes qui caractérisent les Juifs et les Corses. Fréderic-Joseph Bianchi président de Terra Eretz Corsica – Israël :

Nous sommes là pour ne pas oublier la cruauté vécue, les témoignages sont là pour que les gens comprennent qu’on ne peut plus rester indifférent. Et considérer que ces terroristes qui tuent des parents devant leurs enfants soient des résistants. Et ceux qui les appellent des résistants sont eux aussi complices de ces crimes. Hier 6 octobre devant l’Unesco à Paris nous avons commémoré avec le KKL Keren Kayemet LeIsraël-Fond National Juif. On a décompté 95% de gens de confession juive et très peu non Juifs. Ici ce soir il y a 80% des gens ne sont pas de la communauté juive de Corse donc une proportion inversée. Comparé au continent, la population corse est plus sensibilisée à ce qui se passe en Israël. C’est l’histoire qui explique ça…

L’histoire des Juifs et des Corses ? Une amitié fusionnelle entre deux peuples, une fraternité jamais démentie et qui n’a cessé de grandir au fil des siècles qui s’est manifestée d’une manière spontanée et généreuse pendant la Guerre de 39-45 « la Corse est le seul département français où aucun Juif ne fut ni arrêté, ni déporté » selon le comité Yad Vachem (Institut international pour la mémoire de la Shoah). Outre les vagues migratoires multiséculaires, venues d’Espagne, du Portugual, d’Italie, de l’Empire Ottoman, de Tibériade… L’amitié entre Juifs et Corses s’est concrétisée avec la décision politique de Pasquale Paoli qui invita les Juifs italiens à relancer le commerce dans l’île.

Et c’est un Corse, Napoleon Ier Empereur des Français qui convoque un « Grand Sanhédrin en 1807 de 71 rabbins et notables », afin d’organiser « l’intégration des Juifs au sein de la Nation, comme l’ont été les Catholiques et Protestants dans le Concordat selon la Loi du Consulat Germinal an X ». Autre similarité ? Pourquoi l’histoire juive comme l’histoire de la Corse, toutes deux si subtiles et si visionnaires, sont-elles perpétuellement occultées, éclipsées par le discours des nations dominantes ? Déjà au Lycée, les programmes sur l’Antiquité gréco-romaine en Méditerranée incluant les civilisations orientales dont la Mésopotamie, font l’impasse sur la Bible qui déploie pourtant ses Cinq Livres, ses Prophètes, ses Chroniques et ses Psaumes sur 5785 années… C’est pourquoi concernant cette guerre qui oppose Israël à ses voisins le Hamas, le Hezbollah, l’Iran, et les Houthis du Yemen, l’historien, Yossi Klein Halevi évoque la guerre faite à l’histoire juive :

L’attaque écrit-il, a commencé aux origines mêmes du sionisme, en déformant l’histoire d’un peuple dépossédé qui s’est réinstallé dans son ancienne patrie et ce pour en faire une soi disante manifestation encore plus sordide du colonialisme européen. La naissance d’Israël en 1948 a été prise pour cible, la réduisant à la Nakba, ou catastrophe, selon la version palestinienne. Cette version ignore complètement le nettoyage ethnique des Juifs partout où les armées arabes ont été victorieuses. Et le déracinement subséquent de toute la population juive du monde musulman. Depuis 1967, Israël est considéré comme un État d’apartheid, réduisant le sionisme à une idéologie raciste et un conflit national désespérément complexe à un drame passionnel médiéval sur la « perfidie juive ». Aujourd’hui, avec la guerre à Gaza, nous en sommes arrivés au mythe du génocide, l’aboutissement de ce processus de délégitimation.

Sont rarement évoqués dans les médias les offres de paix toutes rejetées par les Arabes qui en priorité dénient à Israël le droit d’exister.

Paris 6 oct 2024 – Archives de Didier Meir Long (Crédit : Didier Meir Long)

Dans le contexte de l’antisémitisme et de l’antisionisme en forte croissance dans l’Hexagone et en Europe, Didier Meir Long au fil de ses études de conjoncture qu’il effectue pour les institutions juives développe une analyse pessimiste de l’avenir des Juifs en France :

Lors de la réunion du KKL devant l’Unesco, il n’y avait que des Juifs et très peu de non Juifs. Ce soir à Bastia c’est assez bizarre il y a beaucoup de monde et assez peu de Juifs mais beaucoup de Corses ! C’est la grande différence. En Corse, les Juifs ont leur place, alors qu’en France, on n’est pas certains qu’il existe encore une place pour les Juifs ! Mon pronostic ? Il est certain que l’antisémitisme, c’est comme le dentifrice. Il est sorti du tube et n’y retournera pas. Ce n’est pas juste une crise avec des vagues qui montent et qui descendent, là il y a une rupture et il est probable que ça continue. Ca va être dur pour les Juifs, en Israël, en diaspora, et donc face à ces périls, il faut trouver des lieux pour se réfugier et la Corse en est un !

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