Dans le tunnel

Rencontre avec le Bâtonnier d'Israël. Crédit : Mahor Chiche.
Rencontre avec le Bâtonnier d'Israël. Crédit : Mahor Chiche.

35 Avocats Français se sont rendus en Israël et à la frontière de Gaza pour tenter de comprendre et apporter leurs soutiens aux victimes, rescapés et otages.

Le 7 Octobre 2023 les attaques coordonnées du Hamas contre Israël ont conduit à l’assassinat de masse de 1 200 personnes et la captivité de 246 otages.

5 mois se sont écoulés depuis ces attaques terroristes et leur cortège de violences, viols, rapts, meurtres… dont la définition la plus adéquate est sans doute celle de crimes à visée génocidaire.

Le Hamas et ses affidés ont voulu, en filmant leurs exactions, faire une opération de communication, mais ils ont également voulu exterminer des Juifs et s’approprier des portions de territoires.

Le but était bien d’annihiler toute trace de vie, toute trace d’Israéliens, et d’obtenir une victoire ne serait-ce que symbolique.

L’effet de sidération s’estompe, mais les Israéliens restent dans le tunnel de l’horreur et de l’incompréhension ; les pacifistes du Sud vivent encore plus douloureusement l’attaque et la complicité de certains de leurs voisins palestiniens, la fin de leurs rêves de paix. L’idée qu’il faille une séparation « étanche » avec les Palestiniens devient majoritaire.

Hommage de citoyens place Dizengoff. Crédit : Mahor Chiche.

De la dévastation des Kibboutz à la mobilisation pour la libération des otages, la résilience des israéliens est incroyable : chaque magasin, chaque mur, chaque poteau, chaque rencontre met en avant le sort des otages avec ce leitmotiv : « bring them back » (littéralement traduit par « ramenons-les »).

Nous avons vu au Kibboutz Kfar Aza et sur le lieu du festival Nova les décombres de l’horreur, nous avons entendu les témoignages de proches de captifs. Nous avons vu un Kibboutz « musée », où nombre d’habitants ne sont pas encore revenus.

Zohar, désormais le plus âgé du Kibboutz, nous conte l’attaque et insiste : il y a eu des choix cornéliens : dois-je rester caché ou tenter d’aller sauver mon enfant ? 63 enfants décédés, 19 adultes kidnappés, dont cinq sont encore retenus en otages.

Nous avons surtout senti la mort, la dévastation et la tristesse permanente ; malgré les sourires, les cœurs sont brisés.

Hommage aux victime du festival Nova. Crédit : Mahor Chiche.

De bouleversants, ces moments précieux ont montré les failles de l’Etat d’Israël qui n’a pas su protéger ses citoyens de la barbarie -promesse fondatrice du contrat social et de l’idéal sioniste- ; l’immense tristesse qui draine la société israélienne et ses interrogations sur le nouveau monde qui va devoir se construire sur des bases politico-militaires réinventées.

Le modèle social a lui aussi été en difficulté, mais à contrario, un formidable élan citoyen a permis de pallier les carences ; notre rencontre avec le dynamique Consul général Matthieu Clouvel Gervaiseau a aussi montré la mobilisation de la France pour la libération des otages et l’accompagnement des familles françaises dans leurs deuils et démarches.

Assurément, il conviendrait que les actes de décès des victimes françaises mentionnent symboliquement qu’ils sont morts du terrorisme et que les démarches pour le fond d’indemnisation soient encore simplifiées.

A Sdérot et ses environs, nous avons entendu le bruit des armes et pensons aux malheurs des populations civiles. La guerre à Gaza, est dévastatrice, mais pour la très grande majorité des israéliens, défaire le Hamas est incontournable.

A Tel Aviv, nous avons rencontré sur « la place des otages », des groupes venant d’un peu partout pour apporter leurs soutiens aux familles d’otages ; l’énergie de la résilience et de la combativité pour libérer les otages est prégnante. Et pourtant cette ville de fêtes est en ce moment bien vide et silencieuse.

Nous avons été reçus par le Bâtonnier d´Israël Amit Becher, pourfendeur de la réforme constitutionnelle qui voulait restreindre les droits de la Cour suprême, et le Bâtonnier du Sud Elad Danoch qui défend les victimes du 7 octobre, confirmant que les Avocats sont en Israël ou en France à la pointe de la défense de l’Etat de droit.

Concernant l’aide humanitaire pour Gaza, les dévastations subies et le risque de famine, il convient de rappeler qu’en situation de crise, la question de l’accès à l’éducation est aussi primordiale et que cet aspect n’est pas traité suffisamment à ce jour. La France et l’Union européenne ont une responsabilité pour veiller à ce que les nouvelles générations ne soient plus élevées dans la haine, l’embrigadement, et la déshumanisation.

La mobilisation citoyenne en soutien à Israël dans sa lutte contre le terrorisme montre que face au retour de la barbarie et de relations internationales tendues en particulier avec l’Iran, les humanistes partisans de la paix acceptent de dénoncer les massacres du 7 octobre et ses viols et exigent sans équivoque, sans contrepartie, la libération de tous les otages, et que les auteurs soient jugés.

Reconstitution d’un tunnel places des otages. Crédit : Mahor Chiche.

Les otages sont dans les tunnels ; les Israéliens restent dans le tunnel du ressassement de l’horreur. Seule la liberté des otages survivants permettra aux israéliens de reprendre le cours de leur de vie et d’espérer la paix.

Bring Them Home, Ramenons Les Otages.

 

 

à propos de l'auteur
Mahor Chiche est Avocat au Barreau de Paris et Conseiller de Paris (Elu de Paris19e), il s'est engagé pour les Droits humains et dans la lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les haines depuis ses 17 ans. Élu du Parti Socialiste, il a été en charge des questions de démocratie locale et budget participatif, et depuis 2014 des enjeux mémoriels.. Mahor Chiche a crée en 2014 le "Mois des Mémoires" une initiative intergénérationnelle qui fait réfléchir de manière croisée sur les questions de racisme, antisémitisme, shoah, esclavage, guerres décoloniales tout en favorisant la rencontre des habitants du 19ème arrondissement de Paris et en particulier les plus jeunes (collégiens et CM2 d'écoles publiques et privées). Les conférences, l'art, les projections débats, le stand up, l'écriture y sont autant de vecteurs utilisés. Il est l'auteur d'une thèse sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne" (sous la direction du Professeur Gwenaele. Calves, Université de Cergy-Pontoise, 2008) et de nombreux articles :« Nous, socialistes, refusons l’amalgame « sioniste = fasciste », Le Point, 12 avril 2024 ; *Etat de droit en état d’urgence, "La Justice administrative face au confinement", Atlantico.fr, 9 mai 2020 ; « Birmanie, Nous refusons le silence face à l'Apartheid et au nettoyage ethnique », Le Monde, 26 juin 2013 ; « Les droits des pères sont-ils bafoués par la justice française », Libération, 18 février 2013 ; « L'avenir de la démocratie, le référendum rationalisé », Le Monde, 1 mars 2012 ; « Repenser la lutte antiterroriste », Le Figaro, 9 septembre 2005. Il intervient régulièrement dans des conférences.
Comments