Dans la tête du Président

Le 7 juillet 2021, date de son élection par une large majorité de la Knesset, on croyait que cet homme frêle à la voix éraillée se contenterait de présider avec brio les cérémonies officielles, à l’instar du chef de l’État de l’ex-puissance mandataire : le roi d’Angleterre. Grave erreur.
Le président Itzhak Herzog a très vite donné toute sa dimension à la fonction : incarner la Nation, son unité et ses principes. D’abord à l’extérieur, en multipliant les visites à l’étranger où son carnet d’adresses constitué pendant plus de trente ans de vie publique est d’une grande utilité. Pour renouer les fils avec la communauté juive américaine par exemple.
Il est aussi pour quelque chose dans la normalisation des relations entre Israël, nouvelle puissance énergétique, et une Turquie bien malade. Sur la scène intérieure ensuite, où son entregent pendant les négociations post-électorales ne l’a pas empêché de rappeler à l’ordre une députée arabe (Aida Touma-Sliman) qui avait fait une déclaration complaisante vis-à-vis du terrorisme. Car, on l’avait oublié un peu vite, le président Herzog est d’abord et avant tout un homme politique.
La politique, il est tombé dedans quand il était petit. Son père, Haïm Herzog, après avoir été ambassadeur et député, devint pendant dix ans président de l’État. Son grand-père Itzhak Halévi Herzog fut Grand rabbin d’Israël (un poste qui n’est pas sans accointance avec la politique).
Fidèle à la vocation familiale, Itzhak Herzog a été député et ministre à plusieurs reprises, avant de présider le Parti travailliste qu’il abandonna en 2018 pour devenir président de l’Agence juive. Un poste sur mesure pour ce diplomate-né qui aime le consensus et croit dur comme fer à l’indispensable unité du peuple juif.
Des convictions qui ne sont pas étrangères à sa tentative de réunir autour d’une table des représentants de la coalition et de l’opposition pour discuter d’un texte de réforme du pouvoir judiciaire qui mettrait fin à la grave crise actuelle. Peine perdue.
Le Président présentera son projet sans doute cette semaine, mais les conditions ne sont pas réunies pour une vraie négociation : la coalition continue de faire voter à marche forcée toutes les lois qu’elle veut, et l’opposition n’accepterait de négocier que si ce train d’enfer législatif cessait sa course folle.
Last but not least, le gouvernement Netanyahou et son très actif ministre de la Justice, Yariv Levin, n’entendent pas céder sur deux points-clés : une commission de nomination des juges où le pouvoir en place serait majoritaire ; une limitation stricte des compétences de la Cour suprême en matière de contrôle de constitutionnalité des lois.
On l’aura compris : le Président Itzhak Herzog a peu de chance de voir son initiative aboutir. Mais il se consolera vite de ses déboires en songeant, et d’autres avec lui, à son avenir. La politique est une drogue dure.