Comment définir la culture israélienne ?
Question du jour.
Comment définir la culture Israélienne ? Y en a-t-il une ?
Quelqu’un m’a récemment demandé quel était le plat traditionnel israélien et là, bien que des tas de plats me soient venus à l’esprit, aucun n’avait originellement été inventé en Israël. La tchathouka, les falafels, le sabikh, le taboulé, et le gefilte fish (oui, j’ose) etc… viennent tous des pays environnants ou d’Europe de l’Est. Le « mitz tapou-gezer » (jus d’orange-carotte) et le « ice caffe » sont très populaires, mais probablement pas israéliens à l’origine… Cela veut-il dire que nous n’avons pas de culture culinaire ? Voire pas de culture du tout ?
Regardons d’abord la définition de culture
- Larousse : « Ensemble des phénomènes matériels et idéologiques qui caractérisent un groupe ethnique ou une nation, une civilisation, par opposition à un autre groupe ou à une autre nation. Exemple : la culture occidentale ».
- l’UNESCO : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».
Quels « traits distinctifs » communs y-a-t-il entre une drag queen de Tel Aviv et une étudiant en yeshiva, entre Pardess Hana et Mea Sharim, entre les crackés de la takhana merkazit et les millionnaires des tours You à Tel Aviv, entre les bombasses siliconées aux ongles interminables et les jeunes filles du Bne Akiva ? Sans même mentionner les multiples nationalités d’origines diverses, les langues et rites différents, ni les milieux socio-économiques hétérogènes, la population israélienne se distingue par sa variété, ses mélanges et ses extrêmes.
Cela étant, force est de constater que malgré cette apparence de disparité, nous sommes unis par de nombreux « traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs », tous milieux confondus.
Dans le passé, les kibboutzim et moshavim et leurs habitants étaient des symboles universellement reconnaissables de la vie israélienne. Bien qu’existant toujours, ils sont en perte de vitesse, et l’individualisme à outrance prôné par le capitalisme a atteint notre petit pays, et mis un point d’arrêt à leur développement, hélas.
S’il y a une chose dont nous avons hérité dans notre ADN, c’est la souffrance et le traumatisme de la persécution, qui nous rend plus agressifs mais aussi plus créatifs. La soif de vivre intensément et d’exceller est présente chez tous les Juifs mais elle est bien plus intense en Israël.
Le besoin d’être les meilleurs est malheureusement une nécessité dans un pays entouré d’ennemis. Cette pression perpétuelle nous épuise nerveusement et provoque la fameuse absence de patience que tout le monde nous reconnaît, de même que notre Hutspa légendaire. Nos innombrables épreuves nous rendent solidaires (au moins temporairement), et nous pleurons comme un seul homme nos morts et nos otages.
Nous tremblons en chœur pour nos soldats envoyés au front et nous prions (athées comme haredim) pour qu’ils reviennent en vie. Religieux ou pas, nous aimons nous réunir le Shabbat. Tous les parents de soldats conscrits se réjouissent de les voir rentrer à la maison sains et saufs.
Nous payons nos courses au supermarché à crédit, nous conduisons comme des sauvages, nous recherchons la fraîcheur de l’air conditionné en été, nous ne prenons plus l’ONU au sérieux…
Nous nous mêlons des affaires de nos voisins, ne connaissons pas le vouvoiement, et nous adressons à tous comme à un ami ou un frère.
Nous sommes chaleureux et colériques.
Nous sommes mal élevés, touristes redoutés voire même refusés pour notre comportement irrespectueux (oui, là, il faut vraiment nous éduquer). Un peuple plein de défauts pas toujours attendrissants mais compréhensibles.
Ce qui est fascinant, c’est de voir comment des personnes d’horizons si différents ont adopté en si peu de temps les mêmes comportements et les mêmes valeurs dans leur quotidien pour s’adapter à un nouvel environnement. Fascinant, mais pas étonnant puisque nous partagions ces valeurs même en diaspora. Déjà, nous étions habitués à partir et repartir de rien, mais en emportant nos valeurs, notre histoire, nos espoirs, avec nous.
C’est cette culture qui fait de nous un peuple, résilient qui plus est. Que ceux qui nous contestent le statut de peuple se le disent : le peuple juif existe et a traversé les siècles et le peuple d’Israël renaît de ses cendres, soudé par une culture mêlant traditions et innovations qui en interpelle plus d’un.
Certes, cette culture est loin d’être parfaite, mais c’est celle de la vie, du carpe diem puissance 10, qui donne une formidable énergie aux jeunes de ce pays et qui, j’espère, nous permettra de traverser l’Histoire encore longtemps.
NB : mes textes n’ont aucune prétention à être des analyses sociales ou politiques, mais des cris du cœur que je pousse de temps en temps quand j’ai trop mal à notre Histoire.