Clientélisme

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au début de la réunion du cabinet destinée à approuver le budget de l'État pour 2025, le 31 octobre 2024. (Crédit : GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu au début de la réunion du cabinet destinée à approuver le budget de l'État pour 2025, le 31 octobre 2024. (Crédit : GPO)

La Knesset a adopté la loi de finances 2025 sans difficulté. Les 68 députés qui soutiennent le sixième gouvernement Netanyahu savent s’accorder sur une priorité : servir leurs clientèles respectives. Ce budget est le plus important de l’histoire du pays avec 620 milliards de shekels de crédits dont 110 pour la défense, auxquels il faudrait ajouter d’autres dépenses liées à la guerre comme les avantages à donner aux réservistes lors de leur retour à la vie civile.

On sait qu’il y a de fortes contestations de la stratégie militaire, mais depuis le 7 octobre, nul doute que le budget de la défense doit être augmenté. Le problème n’est pas là. Il est dans la reconduction et l’augmentation des dépenses dites de « l’accord de coalition ». C’est une tradition en Israël.

Lors des négociations sur la formation du gouvernement, chaque parti obtient des engagements budgétaires visant à satisfaire son électorat. Les sommes en question sont en général de l’ordre d’un milliard de shekels. Dans le budget 2025, elles atteignent 5 milliards de shekels qui, pour l’essentiel, visent à accroître les avantages de la population ultra-orthodoxe (bourses pour les élèves de yeshiva etc…).

Les objectifs de la colonisation en Cisjordanie ne sont pas oubliés : raccordement à l’électricité des implantations illégales, construction de routes de contournement…

Last but not least, pas moins de huit ministères se voient confier des fonds pour développer l’ « identité juive ». Cette noble tâche consiste le plus souvent en des interventions dans les écoles et autres institutions pour défendre la politique gouvernementale. Les domaines sensibles comme les relations avec les Arabes ou la pratique de la religion sont privilégiés.

Pour financer tout cela, le contribuable se voit imposer une TVA passant de 17% à 18%, une augmentation des cotisations sociales et un gel du barème de l’impôt sur le revenu.

Et comme cela ne suffit pas, la plupart des budgets font l’objet de restrictions, y compris ceux de l’éducation et de la santé. Les crédits prévus pour la reconstruction des localités du Nord et du Sud touchées par la guerre sont également diminués.

L’opposition a souligné combien ce budget portait atteinte à ceux qui travaillent, payent des impôts et servent à l’armée.

De façon plus sévère encore, la fondation Kohelet – le très à droite think tank (boîte à idées) qui inspire souvent le gouvernement israélien – s’est livrée à une attaque en règle des orientations budgétaires. Ces économistes ultra-conservateurs soulignent que cette gestion des finances publiques n’encourage en rien la croissance mais favorise l’oisiveté, la non-participation au marché du travail.

Quant à l’agence de notation Moody’s, elle a laissé entendre qu’elle pourrait à nouveau abaisser la note de crédit d’Israël. Une prédiction qui ne semble pas troubler outre mesure le gouvernement.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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