Cher Néguev

© Stocklib / Pavel Bernshtam
© Stocklib / Pavel Bernshtam

Le Néguev, que l’on avait tendance à oublier, fait maintenant l’actualité. Pas seulement lorsque s’y tient un sommet des ministres des Affaires étrangères engagés dans les accords d’Abraham. Le développement des pratiques mafieuses, avec des agressions sur les routes, des trafics en tous genres, défraie la chronique.

L’attentat qui a fait quatre morts à Beer Sheva le 23 mars dernier montre une autre facette de cette dégradation : il a été commis un Bédouin, titulaire de la citoyenneté israélienne apparemment bien intégré (il était enseignant dans le secteur public) mais qui était resté proche de Daesh après une période d’emprisonnement.

Le Néguev cumule toutes les difficultés : des localités juives autrefois qualifiées de villes de développement mais qui en fait ne se sont jamais vraiment développées et restent parmi les plus pauvres du pays; des localités bédouines légales ou non marquées par une forte croissance démographique, des taux élevés d’analphabétisme et de polygamie (40 % des familles).

Les Bédouins passaient autrefois pour des citoyens fidèles (plus de la moitié des hommes accomplissaient un service militaire). Ils inquiètent désormais au plus haut point les autres habitants de la région et les autorités. Le gouvernement apporte deux types de réponses à cette perte de contrôle de la situation.

D’une part, une aide conséquente à la population bédouine : légalisation de trois localités, raccordement à l’électricité, budgets conséquents en faveur de l’éducation de l’emploi… Une grande partie des 30 milliards de shekels (8 milliards d’euros) du plan quinquennal obtenu par le parti Ra’am est destinée aux localités bédouines, là où ce parti trouve nombre de ses électeurs.

D’autre part, la création de nouvelles localités. Longtemps négligé au profit des implantations juives en Cisjordanie, le Néguev concentre désormais les grands projets d’aménagement du territoire. Après avoir décidé la création d’une ville ultraorthodoxe, Kassif, destinée à accueillir 100 000 habitants, le gouvernement vient d’approuver l’implantation de cinq nouvelles localités, une bédouine et quatre juives, près d’Arad, dans le Néguev oriental.

Cette décision a été contestée par la ministre de l’Environnement, Tamar Zandberg (Meretz, gauche), qui a fait remarquer que la consolidation des localités existantes serait sans doute plus efficace et coûterait cinq fois moins cher. Ce qui lui a valu l’accusation par le ministre de la Justice, Guideon Saar (Tikva Hadasha, droite), d’être hostile au développement des implantations juives.

Il est vrai que derrière toutes les justifications économiques et sociales avancées se cache le véritable projet du gouvernement : inverser la tendance démographique pour que dans le Néguev les Juifs ne soient pas submergés par les Bédouins.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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