Chaos

Dans une célèbre chanson, Mylène Farmer décrivait un monde étrange :
Nager dans les eaux troubles [… ]
Tout est chaos, à côté, tous les idéaux, les mots abimés.
On pourrait en dire autant de la politique israélienne. En vrac :
- un gouvernement qui débat du sort des otages et du cessez-le-feu, alors que désormais ces questions sont directement traitées par l’administration américaine ;
- ce même gouvernement qui trompe sa faim en voulant limoger le responsable du Shin Bet, Ron Bar, et engage une procédure pour destituer la Conseillère juridique du gouvernement, Gali Barav-Myara, tous deux coupables d’être trop indépendants ;
- un parti d’extrême droite, celui d’Itamar Ben Gvir, quittant le gouvernement mais pas la coalition dans l’espoir d’une reprise de la guerre ;
- un parti ultra-orthodoxe, Yahadout HaTorah (Judaïsme de la Thora), qui voterait le budget, à l’exception de son chef, le rabbin Itzhak Goldknopf, mécontent d’un projet de loi inexistant sur la non-conscription des élèves de yeshivot.
Et on en oublie. Du côté de l’opposition, ce n’est pas non plus la clarté qui domine :
- son chef en titre, Yaïr Lapid, voit son parti Yesh Atid (Il y a un avenir) dévisser dans les sondages ;
- son concurrent Benny Gantz est ouvertement contesté dans le sien, Ha Mahané ha Mamlakhti (Le Camp de l’État), ses supporters plaçant désormais leurs espoirs dans un troisième homme, le populaire Gadi Eizenkot, qui unifierait les deux formations centristes.
Les choses se jouent peut-être ailleurs, chez les outsiders. Chez Avigdor Liberman, dont le parti Israel Beitenou (Israël, notre maison), en contournant le gouvernement sur sa droite, s’envole vers les sommets. Chez Naftali Bennett, qui, discrètement mais sûrement, tisse sa toile, rencontre des responsables associatifs, politiques, communicants, chefs d’entreprises, et tente le grand écart entre une vision très droitière et un rassemblement hétéroclite.
Ce climat délétère encourage les comportements toxiques : un ancien chef du Shin Bet, Nadav Argaman, menace le Premier ministre de révéler des informations confidentielles si cela s’avérait nécessaire pour défendre la démocratie. Ce qui lui vaut une plainte déposée auprès de la police pour ce que Benjamin Netanyahu qualifie de « chantage de style mafieux ». Ambiance !
Pendant ce temps, les Israéliens vaquent à leurs occupations. Les Musulmans entament la troisième semaine de Ramadan. Les Juifs fêtent Pourim dans la grande tradition des déguisements, des défilés, des fêtes jusqu’à pas d’heure.
Ils n’oublient pas pour autant les otages. Un récent sondage confirme que pour une large majorité de la population (68%), la priorité doit être donnée à leur retour. Une manifestation de bon sens dans une période de chaos. Un refus de « nager dans les eaux troubles ».