Ce que révèle l’absence d’empathie de l’Occident pour les otages israéliens

Je ne prétends pas à l’objective neutralité dans la question israélo-palestinienne. Je n’y aspire certainement pas, engagé résolument dans un camp. J’y suis moins, beaucoup moins engagé par je ne sais quel atavisme communautaire que par la conviction d’être du côté de l’infiniment petit contre le nombre infini. Mais on peut être subjectif et voir clair, tandis qu’un autre qui se croit objectif peut être aveuglé malgré lui par des biais idéologiques qui lui brouillent le regard. Je veux affirmer ici que quoi que l’on pense de la question d’Orient, la plus élémentaire humanité aurait dû commander que dès le 7 octobre 2023, la question des otages aurait dû obséder. Or, il n’en a rien été. Le simple fait de capturer des bébés aurait dû révolter. J’affirme n’avoir rien lu de tel dans la majeure partie de la presse progressiste.
Même dans la dernière période, nul parmi ceux qui, indulgents envers le Hamas autant qu’ils sont critiques envers Israël au regard des pertes quantitatives, clamaient haut et fort qu’ « une vie valait une vie » ne s’est étonné de la terrible péréquation de la restitution d’un civil innocent contre trente-deux terroristes. Bien peu se sont révoltés contre la restitution sadique des otages violentés au compte-goutte sans qu’il soit précisé si ces Juifs étaient morts ou vifs.
On peut toujours tenter d’en expliquer les raisons, même, et surtout, les moins raisonnables. L’habitude en est une : on s’habitue à tout et le Hamas en a fait une de ses marques de fabrique. Le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahu l’a encouragé à recommencer en acceptant d’échanger le soldat Shalit contre mille terroristes… Et Donald Trump en faisant pression sur lui pour se donner le beau rôle avant son investiture, aura tenu lui aussi davantage de Matamore que du vrai dur.
L’avocat qui signe peut également se faire celui du diable : après tout, les Israéliens s’en prennent bien aussi à des enfants. Mais l’avocat ici n’a pas suffisamment de talent ou de mauvaise foi diabolique pour soutenir longtemps un si piètre argument. Car si l’on peut plaider que l’État d’Israël, pour vaincre les terroristes pogromistes planqués cyniquement derrière des boucliers de chair, a accepté de sacrifier, la mort dans l’âme, et sa réputation et surtout la vie de malheureux enfants, il ne l’aura jamais recherché délibérément.
Mais comme toujours en cette matière rien moins que rationnelle, pour comprendre l’apathie et l’absence d’empathie, je suis bien obligé, une fois encore, de recourir à mon explication habituelle. L’indulgence pathologique de la société occidentale pour l’Autre, fût-il méchant, l’acceptation de ses excès même les plus violents. Et derrière cette dilection pour l’altérité, le racisme anti-blancs.
Voilà pourquoi les femmes violées et assassinées dans les kibboutz n’ont pas ému les féministes enragées. Non parce qu’elles étaient juives mais parce qu’elles étaient blanches. Et que surtout leurs violeurs ne l’étaient pas. Et que dans l’inconscient tourmenté de ces féministes wokistes, ils ne pouvaient être tout à fait coupables et détestables, et, qui sait, ils étaient même un peu victimes… Et voilà donc pourquoi Kfir, le bébé otage roux, ne pouvait pas émouvoir les journalistes militants ou les humanitaires déshumanisés dont le cœur est atrophié et le cerveau raboté depuis des décennies par l’idéologie.
À ce stade de mes explications, je ne saurais où ranger l’absence d’empathie d’Emmanuel Macron lors de sa dernière et maladroite déclaration présidentielle qui semblait considérer que seule la population gazaouie, et non les otages, vivait un calvaire.
Après quinze mois de calvaire injustifiable, soulagement immense pour les Gazaouis, espoir pour les otages et leurs familles. Ce soir, mes pensées vont à Ofer et Ohad.
L'accord doit être respecté. Les otages, libérés. Les Gazaouis, secourus. Une solution politique doit advenir.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) January 15, 2025
Est-ce là le réflexe idéologique d’un homme jeune de son temps ou bien l’esprit pusillanime de celui qui n’a pas voulu marcher contre l’antisémitisme pour ne pas offusquer les banlieues islamisées ? Encore que les deux explications ne sont pas, loin s’en faut, incompatibles.
C’est cette même pusillanimité qui empêche de protéger nos frontières ou de crier plus fort pour que soit libéré un écrivain des geôles d’une dictature devant laquelle on s’est trop longtemps prosterné, à cause de cette même dilection pour l’altérité et de la critique symétrique de ce qui est Français. Dois-je, pour conclure, éviter tout pathos ? Je ne sais.
Je confesse dans cette chronique d’humeur affligée avoir pour ma part tenté d’y échapper. Lorsque j’étais en Israël, je refusais de regarder les visages de ces malheureux que tous les murs du pays montrent dès le premier pas posé dans l’aéroport. J’aurais tenté jusqu’au bout d’éviter d’être otage du chantage. Puissent ceux-ci rentrer enfin dans leur pays. En vie.
Article paru sur LE FIGARO le 21/01/25. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.