Benyamin Netanyahou joue la montre

Un silence inhabituel a envahi ces jours-ci la résidence du Premier ministre israélien à Jérusalem ; son épouse Sarah fait du shopping à Londres et leurs deux garçons se sont expatriés outremer.
Pour autant, il n’est pas sûr que Benyamin Netanyahou ait profité de cet isolement familial ; les tensions au sein de la coalition gouvernementale ne lui ont pas laissé de répit.
La semaine dernière, la nomination des membres de la Knesset à la commission chargée de nommer les juges du pays a tourné au fiasco ; si la candidate de l’opposition parlementaire a réussi à se faire élire, la candidate de la majorité n’a pas réuni suffisamment de voix pour être élue.
Les commentateurs politiques restent divisés : s’agit-il d’un échec de Benyamin Netanyahou qui n’a pas réussi à convaincre ses partenaires de la coalition ou, au contraire, est-ce le résultat d’une décision bien réfléchie dont l’objectif reste à établir ?
Pragmatisme politique
Une chose semble sûre : Netanyahou n’est plus le maître de la situation. Ses décisions sont de plus en plus contestées au sein du Likoud comme par les partis de sa coalition gouvernementale.
Le vote à la Knesset de la semaine dernière ne semble pas une erreur tactique ; il s’agit bien d’une stratégie que Netanyahou a mis au point au cours des 15 années passées à la tête du pays.
Désormais, ce n’est plus l’intérêt du pays qui guide les décisions de Netanyahou ; s’il n’hésite pas à faire preuve de pragmatisme, ses intérêts personnels l’emportent largement sur ses convictions idéologiques, voire sur l’intérêt national.
Le Premier ministre Netanyahou est devenu maître dans l’art de ne pas décider ; il fait jouer le temps en sa faveur en attendant des jours meilleurs, tout en laissant planer le flou sur ses intentions réelles.
Le « Bibisme » contre Netanyahou
Durant les quinze années passées à la tête des gouvernements israéliens, Netanyahou s’était forgé une idéologie nouvelle, le « bibisme », mélange de populisme, de nationalisme et de pragmatisme.
Rapidement, le bibisme deviendra synonyme de promesses non tenues, stratégie assortie d’une absence d’initiative sur des questions stratégiques.
A y voir de plus près, les grands dossiers politiques, économiques et diplomatiques du pays sont en attente depuis deux décennies : le conflit palestinien, la place de la religion dans l’Etat, l’indépendance de la justice, le service militaire des harédim, l’affectation de crédits budgétaires aux partis de la coalition, etc.
Sur tous ces dossiers, Netanyahou a mis au point une stratégie bien rodée : il a toujours évité de prendre des décisions qui pourraient contrarier ses partenaires de la coalition gouvernementale.
L’actuelle coalition d’extrême-droite a fini par retourner le bibisme contre son fondateur ; d’autant plus que, sous le coup d’une triple accusation pour corruption, abus de pouvoir et prise illégale d’intérêts, Benyamin Netanyahou est résolu de rester au pouvoir à tout prix.
La stratégie de l’horloge
En 2023, Netanyahou n’est plus un leader incontesté qui vante son savoir-faire politique et économique, en Israël comme sur la scène internationale: son pouvoir très personnel, associé à un culte de la personnalité, est remis en cause à l’intérieur même de sa propre famille politique.
Concrètement, Netanyahou « modèle 2023 » accumule les échecs et les erreurs d’appréciation : il a été dépassé par la révolte populaire contre la réforme judiciaire, il ne parvient pas à se faire inviter par le président américain à Washington il a été pris de court par la chute du shekel et la poussée de l’inflation, il n’a plus son mot à dire sur le nucléaire iranien, etc.
Les règles du jeu politique ont donc changé ; en formant une coalition d’extrême-droite, Netanyahou a perdu son autorité et son leadership. De plus en plus de membres du Likoud n’acceptent plus son pouvoir très personnel et son culte aigu de la personnalité.
En juin 2023, Benyamin Netanyahou joue la montre pour survivre ; il est même le maître des horloges qui laisse planer le suspense sur ses intentions véritables en politique intérieure, sur le calendrier parlementaire et sur son avenir judiciaire.