Azerbaïdjan et Arménie

Carte de l'Azerbaïdjan avec le Haut-Karabakh - CC BY-SA 3.0
Carte de l'Azerbaïdjan avec le Haut-Karabakh - CC BY-SA 3.0

I-ORIGINE DU CONFLIT

En 1922, l’URSS avait d’abord réuni les républiques de Géorgie, d’Arménie et d’Azerbaïdjan au sein de la République de Transcaucasie, puis y avait pratiqué un découpage ethnique entre Arméniens et Azéris par lequel le Haut Karabakh dont la population était à 95% arménienne devait faire partie de l’Arménie. Les Azéris avaient réclamé et obtenu ce territoire pour des raisons géographiques mais surtout parce qu’un soulèvement antisoviétique s’était produit à Erevan, la capitale de l’Arménie.

I-NAKHITCHEVAN

Il s’agit d’une exclave de l’Azerbaïdjan enclavée entre l’Iran et l’Arménie et qui souffre d’une isolation comparable à celle de du Haut Karabakh. En fait la frontière avec l’Iran est avec l’Azerbaïdjan occidental intégré à l’Iran. L’intégrité du Nakhitchevan bénéficierait d’une dangereuse garantie de la Turquie qui ne partage pourtant avec lui que 9 km de frontière.

Les langues turque et azéri sont intelligibles entre elles et la Turquie était dans le passé un Etat laïc comme l’Azerbaïdjan. La Turquie ayant basculé dans le camp du fanatisme Islamiste le soutien de la Turquie à l’Azerbaïdjan ne peut avoir que des conséquences délétères pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan. La Turquie pourrait être tentée d’attiser le conflit avec l’Arménie en tant qu’état chrétien et d’encourager un renouement des azéris avec l’Islam.

La distance entre le Nakhitchevan et l’Azerbaïdjan est au plus de l’ordre de 50 km et l’idée d’un mince corridor au sud de l’Arménie suivant la frontière iranienne stabiliserait la région sous réserve que l’Azerbaïdjan accepte un corridor similaire entre l’Arménie et le Haut Karabakh.

Un tel accord serait avantageux pour l’Azerbaïdjan car si les superficies se valent, la population Azérie du Nakhitchevan est approximativement trois plus importante que la population arménienne du Haut Karabakh.

Nakhitchevan Haut Karabakh
Superficie km2 5 500 4 388
Population habitants 500 000 150 000

 

II-HAUT KARABAKH

Ce territoire est naturellement arménien avec une population à 95% arménienne. L’Arménie est entrée en conflit avec l’Azerbaïdjan de 1988 à 1994 et les combats se sont intensifiés de 1992 à 1994 à la suite  de la dislocation de l’URSS. L’Arménie a été alors trop largement victorieuse en prenant le contrôle du Haut Karabakh et du large corridor de Latchin qui la soude au Haut Karabach et en faisant une légère avancée à l’Est en territoire Azéri.

Les arméniens ont conquis environ  8% du territoire azéri soit   7 000 km2 en plus de celui du Haut Karabakh dont la superficie de 4 400km2 représente 5% du territoire Azéri.

Ainsi les territoires du Haut Karabakh de 4 400 km2, celui du corridor de Latchin et l’avancée arménienne à l’Est représente 11 400 km2 et l’ensemble s’est autoproclamé République Artsakh. Le conflit a donné lieu à des déplacements ethniques  (400 000 arméniens et 800 000 azéris). En  septembre 2020 le conflit a repris l’Azerbaïdjan désirant regagner le territoire conquis par l’Arménie.

III-ACTION DELETERE DE LA TURQUIE ISLAMISTE

La Russie entretient des relations avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan et est favorable à une solution négociée contrairement à la Turquie islamiste.

La Turquie est devenue comme l’Iran une entité déstabilisatrice au Moyen-Orient et qui n’a logiquement plus sa place au sein de l’OTAN. Les Etats Unis possèdent deux bases militaires en Turquie dont celle d’Incirlik où sont stockées environ cinquante bombes nucléaires gravitaires B61 qu’il faudrait déplacer pour des questions de sécurité internationale. Les disparitions de l’URSS et du territoire de L’Etat Islamiste devraient permettre la délocalisation des bases américaines dans des pays plus surement liés à l’OTAN.

La Turquie dont la population atteint 83 millions d’habitants possède une armée avec un effectif pléthorique de 560 000 soldats,       mais ses  équipements sont désuets ou seraient des reproductions locales d’équipements étrangers désuets et produits par une industrie militaire très importante mais peu sophistiquée.

Les meilleurs avions turcs sont des F16  (conçus dans les années 70) et en partie produits sur place sous le contrôle de Lockheed Martin. Le risque que représente la Turquie ne lui permet pas de bénéficier de la livraison des plus récents avions américains F35.  Les F35 bénéficient d’une certaine furtivité mais n’équipent que les alliés les plus proches des Etats Unis dont Israël. Le rayon d’action du F35 est plus court que celui du F16 mais cela est largement compensé par son efficacité augmentée. Par ailleurs les turcs ont eu récemment un geste clairement hostile à l’égard de l’OTAN en acquérant des équipements antiaériens russes.

Traditionnellement le rôle de l’Armée turque était de garantir le respect des principes de laïcité Kémalistes que l’AKP islamiste d’Erdogan ne pouvait plus accepter. L’AKP a donc purgé l’Armée turque de ses élites et a réduit plus encore son efficacité. L’Armée turque malgré ses effectifs n’a plus qu’une importance régionale et ne peut jouer qu’un rôle limité aux théâtres d’opérations locaux en évitant de faire face aux Grandes Puissances.

Le PIB de la Turquie en parité de pouvoir d’achat serait de 2 300 milliards de dollars en 2018 avec une forte dépendance d’investissements extérieurs sensibles à sa stabilité : 13e rang global et 55e rang par habitant (26450 dollars par personne en parité de pouvoir d’achat). La dépendance de la Turquie à l’égard de l’Etranger pour des produits stratégiques rend significatifs les chiffres en valeur nominale établis selon le taux de change effectif.

Le PIB de la Turquie se classe alors au 19e rang avec un PIB de 766 milliards de dollars en 2018 (3.6 fois inférieur à celui de la France) et au 73e rang par habitant soit  9340 dollars ce qui est en valeur similaire à celui du Liban. La Turquie n’a donc pas militairement et économiquement la taille qui justifierait l’arrogance de son président  et se contente d’attiser les conflits régionaux et communautaires.

IV-CONTEXTE HISTORIQUE, GEOGRAPHIQUE, POLITIQUE ET ECONOMIQUE : ARMENIE-AZERBAIDJAN

Les deux belligérants occupent des territoires dont des parties sont enclavées et qui ne représentent qu’une portion de leurs territoires d’origine. 

ARMENIE :

L’Arménie se composait initialement de L’Arménie occidentale et de l’Arménie orientale qui formaient la Grande Arménie. Dès 1894 des massacres de populations arméniennes par les turcs commencèrent visant à les pousser hors de l’Arménie occidentale. Finalement en 1915 et 1916 les turcs exterminèrent  1.2 millions d’arméniens, ce qui a constitué le « Génocide Arménien » et ont en déporté d’autres afin de contrôler seuls l’Arménie occidentale. L’Arménie est donc réduite à l’Arménie orientale. L’histoire du peuple arménien motive son attachement à ce qui reste de leur territoire et à protéger les arméniens du haut Karabakh.

L’Arménie est un pays montagneux sans accès à la mer entouré par la Géorgie, la Turquie, l’Iran, et l’Azerbaïdjan. L’Arménie est réduite  aujourd’hui à une superficie de 30 000 km2 avec une population de 3 millions d’habitants. Le PIB de l’Arménie de 2017 en parité de pouvoir d’achat était de l’ordre de 28 milliards de dollars ou 9 300 dollars par habitants. Par un accord d’aout 2010 ses frontières sont protégées par la Russie qui peut jouer un rôle clef dans les négociations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

AZEBAIDJAN

L’Azerbaïdjan actuel a une superficie de 86 000 km2 et une population de 10 millions d’habitants. Une partie plus grande de l’Azerbaïdjan (100 000 km2) est intégrée à l’Iran sous le nom d’Azerbaïdjan iranien et comprend l’Azerbaïdjan oriental, occidental et l’Ardabil. La population azérie d’Iran serait supérieure à 15 millions d’habitants soit au moins 18% de la population iranienne.

L’Azerbaïdjan  a des frontières communes avec la Russie (Daghestan), la Géorgie, l’Arménie, et l’Iran. L’enclave azérie du Nakhitchevan partage une frontière de 9 km avec la Turquie. L’Azerbaïdjan a 700km de côte sur la mer Caspienne qui ne lui donne pas d’accès à d’autres mers mais à d’importants gisements pétroliers.

L’Azerbaïdjan a été intégré à l’URSS en 1922 et est devenu une République soviétique en 1937. Un violent affrontement a eu lieu entre les Azéris et l’armée Soviétique et en 1990. L’Azerbaïdjan a déclaré son indépendance le 30 aout 1991 à la suite de l’effondrement de l’URSS.

L’Azerbaïdjan était en 2018 le 23e producteur et le 19e exportateur de pétrole dans le monde. Le PIB de l’Azerbaïdjan en parité de pouvoir d’achat s’élevait en 2017 à environ 172 milliards de dollars soit 17 000 dollars par habitant.  L’Azerbaïdjan est donc une puissance beaucoup plus importante que l’Arménie compte tenu de sa population et de son PIB 6 fois plus grand que celui de l’Arménie.

La résilience de l’Arménie est due à la détermination de ses habitants et à ses soutiens extérieurs et en particulier à celui de sa diaspora et de la Russie.  Les forces azéries paraissent à présent dominer sur le terrain mais une victoire militaire ne serait  pas satisfaisante in fine pour les deux belligérants. L’Arménie comme l’Azerbaïdjan peuvent estimer n’avoir hérité  que d’une partie limitée de leurs territoires nationaux et cela les rend peu enclins à céder du terrain.

V-UNE SOLUTION POSSIBLE :

LE DESENCLAVEMENT SIMULTANE  DU NAKHITCHEVAN ET  DU HAUT-KARABAKH

Un mince corridor au sud de l’Arménie permettrait de désenclaver le Nakhitchevan et de rendre inutile le soutien très risqué de la Turquie pour garantir les frontières du Nakhitchevan. Un mince corridor entre l’Arménie et le Haut Karabakh pourrait passer joindre les deux points les plus proches de l’ordre de 30 km  entre Arménie et Haut Karabakh ou en étant en continuation de « l’éventuel » corridor entre Nakhitchevan et Azerbaïdjan ou en tout  autre endroit qui conviendrait aux deux pays.

Ce double désenclavement serait une victoire pour les deux camps et pourrait permettre l’arrêt du conflit. La reconquête de l’Artsakh par l’Azerbaïdjan ne serait pas une victoire si le Nakhitchevan restait  enclavé avec ses 500 000 habitants.

VI-RELATION ENTRE ISRAEL ET L’AZERBAIDJAN

Bien qu’Israël soit  l’allié privilégié des Etats Unis, ses relations restent proches avec la Russie et un certain nombre d’anciennes Républiques soviétiques. Une partie importante de la population israélienne  vient de Russie et de ces Républiques.  Après l’hébreu et l’anglais, la langue russe est présente un peu partout en Israël : radios, journaux, télévisions, cinémas, magasins et un parti politique laïc a été fondé avec le soutien des  russophones israéliens. L’Azerbaïdjan est un pays laïc ou le russe est très pratiqué après l’Azéri et c’est cette laïcité qui a rendu possible le développement des relations avec Israël.

Israël est devenu un fournisseur, un investisseur et un client important de l’Azerbaïdjan dans le domaine des télécommunications, de l’énergie et des équipements militaires.

Israël est le premier fournisseur d’armes de l’Azerbaïdjan et importait 40% de ses besoins en gaz en 2018.

En contrepartie de ces échanges l’aviation militaire israélienne peut s’entrainer dans l’espace aérien azéri à proximité de l’Iran. L’Azerbaïdjan partage une longue frontière avec l’Iran (en fait l’Azerbaïdjan iranien) et Bakou ne se trouve qu’à 780 km de Téhéran. Israël peut ainsi exercer ainsi une pression de grande proximité sur l’Iran qui profite à l’ensemble des pays vivant sous sa menace.  Les relations entre la Turquie et Israël sont de fait arrêtées mais l’isolement de la Turquie par les pays de l’OTAN serait favorable à l’Arménie et à la Grèce qui soutient l’Arménie et dont une partie des eaux nationales sont menacées par la Turquie pour des questions de gisements pétroliers.

Par ailleurs rien ne justifie sur le plan moral les hésitations d’Israël à reconnaître le génocide subi par les arméniens et qui ne remet pas en cause le caractère unique de la Shoah.

à propos de l'auteur
Didier a une formation universitaire franco-américaine et une longue expérience des affaires internationales, il est passionné d'Histoire et en particulier de l'Histoire du judaïsme et l'antisémitisme. Il a une connaissance approfondie d'Israël et du Moyen Orient.
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