Avec la gauche, il y a la bonne et la mauvaise censure
Au fil de mes chroniques, j’abreuve régulièrement mon lecteur sur l’injustice chromatique du temps présent. Je lui parle du privilège rouge et du racisme anti-blanc principalement. Jamais plus qu’en ce moment ces injustices ne sont apparues aussi vertement. Petit inventaire non exhaustif à la Prévert : il y a la liberté à sens inique. La gauche extrême depuis toujours fait un usage immodéré de ce mot sacré. Mais elle en a une conception très unilatérale. Il en est ainsi de la liberté d’expression dont elle fait commerce sans modération. Et pourtant 80 libraires viennent de décider qu’ils ne vendraient plus d’ouvrages venus de la maison Bolloré. Voilà qui rappelle davantage les temps maudits de la Sainte Inquisition que de l’interdiction de l’interdiction.
Dernièrement, c’est la maison X d’Elon Musk qui fait l’objet d’un décret d’excommunication. Au prétexte qu’elle serait un lieu de désinformation. Les Torquemada les plus sentencieux se recrutent principalement sur les médias publics gauchisants ou privés très gauchistes. Il m’arrive de les désigner comme autorités d’occultation. Ou de prophètes du Saint Déni. C’est ainsi qu’ils auront nié avec effronterie les progrès de l’immigration ou la réalité de l’insécurité. Le racisme anti-blanc, l’antisémitisme musulman, l’islamogauchisme ou le wokisme n’étaient que fantasmes obscènes d’une extrême-droite pornographique. Depuis le 7 octobre 2023, l’audiovisuel public aura fait un usage sans modération des bilans victimaires du Hamas tenus comme source fiable.
Les ONG liées à l’organisation précitée comme des témoins de moralité. S’agissant de médias privés, le quotidien Libération aura pu en première page inventer des pogroms anti-maghrébins dans les villes françaises au lendemain de la rencontre du match France-Maroc sans inspirer d’ostracisme particulier. Les réseaux sociaux charrient par essence le meilleur comme le pire. Ce que je nomme la fâcheuse sphère (il n’y a évidemment dans le champ lexical médiatique autorisé ni bolchosphère ou d’islamosphère) empêche aujourd’hui les autorités d’occultation de dissimuler les informations qui les dérangent, notamment concernant les conséquences de l’immigration. Enfin on s’étonnera que seul le réseau américain Twitter soit sur la sellette des apôtres du politiquement correct alors que le chinois TikTok n’est pas avare de contenus islamistes ne se caractérisant pas par une extrême modération. Ou plutôt, on ne s’en étonnera pas.
Dans le même registre médiatique à sens inique, par un hasard cosmique, seule la chaîne C8 située sur le côté droit du planisphère aura fait l’objet d’une sanction unique, malgré ou plutôt en raison de son succès populaire. La chaîne CNews, dont je suis un intervenant régulier, vient de faire l’objet d’une sanction financière de l’Arcom pour le seul motif que lors de l’une de ses émissions à teneur spirituelle, l’un des intervenants tenait l’avortement comme la perte d’une vie. Allons-nous interdire l’expression de la pensée chrétienne en France ? En revanche aucun danger de voir amender la pensée wokiste sur les chaînes publiques non pluralistes. Il y a aussi la justice à sens inique. La justice internationale, d’abord. Où l’on voit les dirigeants d’un petit pays démocratique menacé de mort et agressé dans des conditions inimaginables et non imaginées, désigné à la vindicte mondiale. Pour avoir réagi militairement brutalement contre la brutalité de brutes terroristes se protégeant cyniquement derrière des boucliers humains.
On comprend que le petit pays dont il s’agit n’ait jamais reconnu la compétence de la Cour pénale internationale, avatar d’une Organisation des Nations unies le condamnant rituellement cent fois plus que tous les États-voyous réunis. Dans le même temps, l’observateur allergique à la justice internationale à sens inique observera que ni les responsables des massacres du Congo (cinq millions de morts) ni un certain dictateur en Syrie (plus de 600.000 morts) n’ont été inquiétés par la CPI. L’on pourrait m’objecter que dans un souci de justice symétrique, un responsable du Hamas est également visé par un mandat d’arrêt international.
Le problème… c’est qu’il est mort, raison pourquoi, à raison, l’organisation terroriste est la première à se réjouir de la décision à sens unique de l’aréopage judiciaire international. Il y a enfin et pour terminer cette courte incursion dans le monde de la morale à sens inique, la justice nationale. Ne revenons pas sur notre chronique de la semaine passée, consacrée à l’utilisation exceptionnelle par le parquet de la République d’une demande d’application de l’exécution provisoire d’une décision d’inéligibilité par une juridiction du premier degré. Décision d’exception qui pourrait dans ce cas priver pour la première fois le peuple français de la liberté de pouvoir voter pour une candidate à la magistrature suprême.
C’est dans la même affaire, également la première fois que l’avocat qui signe cette chronique de l’inique a pu lire qu’un procureur représentant l’État de droit requérir la condamnation d’un prévenu à l’encontre duquel il reconnaissait n’avoir aucun élément probatoire à charge, au prétexte que sa relaxe «lui ferait trop de mal». Assez unique dans l’inique. Je pourrais évidemment gloser longtemps sur cet antiracisme à sens inique en matière judiciaire qui ne condamne jamais le racisme anti-blanc, mais je voudrais pour terminer donner un exemple de justice administrative à sens unique. La semaine dernière, le tribunal administratif de Paris a cru devoir annuler l’interdiction par la direction de Sciences Po d’une conférence de Rima Hassan prévue le 22 novembre. La direction a interjeté appel de cette décision. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici les états de service de Rima Hassan, poursuivie pour intelligences avec organisations classées terroristes et pour apologie du terrorisme.
Au passage, on apprenait samedi que le parti insoumis, qui a une conception assez unique et inique de la justice, avait déposé une proposition pour voir les dispositions légales concernant le délit d’apologie, abrogées. Cynique mais pratique. Il n’est pas nécessaire non plus de rappeler la progression exponentielle d’un antisémitisme violent dans le cadre d’un conflit où, précisément, un parti jette délibérément de l’huile gauchiste sur le feu islamiste. Néanmoins, celui qui signe et qui a un attachement peut-être excessif à la liberté de manifestation et de réunion renâcle devant l’interdiction. Mais à la seule condition que ces libertés ne soient pas à sens unique. Or notre esprit chagrin constate qu’alors que la justice administrative a été douce pour Riman Hassan, elle ne le fut ni pour Éric Zemmour, ni pour Marine Le Pen. La morale hémiplégique à sens inique est d’une immoralité unique.
Article publié sur LE FIGARO le 25/11/2024. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.