Au centre du débat

Le député LFI Sébastien Delogu brandissant un drapeau palestinien, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 28 mai 2024. (Crédit : Miguel Medina/AFP)
Le député LFI Sébastien Delogu brandissant un drapeau palestinien, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 28 mai 2024. (Crédit : Miguel Medina/AFP)

Le monde est devenu un village global dont le centre névralgique est Israël.

Un bruissement d’ailes dans ce minuscule bout de terrain entraîne des tsunamis populaires en Occident. Désormais, même (surtout) celui qui ne sait pas distinguer le Jourdain de l’Euphrate sur une carte, qui manque cruellement de culture historique, peut néanmoins faire état doctement de son ignorance et crier à la censure si d’aventure on le contredit.

Si les guerres en Afrique, ou même désormais en Ukraine, n’émeuvent pas le jeune fringuant révolutionnaire, la guerre déclenchée par le Hamas en Israël et à Gaza occupe tous les débats. Ad nauseam. Les universités, jadis centres de savoir, sont devenus les avant-postes de la propagation de la propagande du Hamas. Le sionisme, mouvement d’émancipation d’un peuple, le peuple juif, sur sa terre ancestrale, est devenu synonyme de racisme, de colonisation. Un peuple indigène accusé de coloniser sa propre terre…

Et tous les Juifs sont coupables. Décidément, le Juif demeure une valeur sûre lorsqu’on cherche un exutoire aux sociétés en perte de souffle. Alors, sans craindre la contradiction, on pourchasse le Juif en dehors d’Israël, tout en demandant aux israéliens de retourner en Europe. Après 9 mois de ce cirque, il semble clair que la contradiction n’est qu’apparente car le seul lieu en Europe où les Juifs sont invités à retourner est en fait Auschwitz.

Mais cela ne s’arrête pas aux agitateurs lobotomisés. Des chefs de partis, de gouvernements, d’États, se jettent eux aussi dans cette danse suicidaire, pensant s’assurer la pérennité de leur siège, en sacrifiant l’intérêt de leur pays.

En France, la surprenante dissolution de l’Assemblée nationale a entraîné une campagne dont l’enjeu n’a pas été la situation des Français, l’éducation, ou l’économie. Non, la question de Gaza a été centrale, et le leader du parti curieusement intitulé La France Insoumise (à quoi, cela reste un mystère) a d’ailleurs dédicacé sa victoire au peuple palestinien, « peuple martyre », selon ses propres termes. Les retraités, qui avaient initié un mouvement social réclamant une certaine dignité de vie, en seront ravis, j’en suis sûre. Leur situation va sans doute s’améliorer. Ou pas.

Car finalement, à force de se mêler des affaires d’un pays souverain qui se défend contre une organisation terroriste, l’on en oublie ses propres problèmes. Ou plutôt on les sublime. On les romantise. Le rêve de « Grand Soir » est tenace, et rallie toujours de nombreux adeptes.

L’Occident a tenté de nombreux modèles et semble essoufflé, épuisé de ses contradictions, et réticent à faire la paix avec son propre passé sans tomber dans le déni ou la repentance excessive. Et puis la démocratie est sa propre ennemie, car elle permet l’entrée de ses pires détracteurs, ceux dont le but avoué est la destruction des valeurs libérales occidentales.

Mais dire cela est passible d’anathème dans ces pays. La dernière victime est une humoriste, comédienne, chroniqueuse française d’origine marocaine, et musulmane, qui vient de se faire traiter d’islamophobe par une Française d’origine humoriste. Bien blanche. Mais pas gênée de son attitude néo-colonialiste et paternaliste. Et antisémite. Mais il semblerait que cela soit drôle.

Désormais rappeler le fait que des hommes, des femmes, des enfants, des vieillards sont retenus dans les geôles du Hamas gardées par des Gazaouis est inaudible.

J’ai vécu dans plusieurs pays, et j’ai toujours considéré qu’il ne m’appartenait plus de voter dans un pays dans lequel je ne vis plus car je ne vivrai pas les conséquences de mon vote.

Mais cela c’était avant.

Avant que le village global qu’est devenu le monde se permette de donner des leçons à mon armée. De me couper les moyens de me défendre. De décider de poursuivre judiciairement le chef de mon armée ou le premier ministre ou encore des citoyens. Alors que nous avons prouvé à l’envi que notre système judiciaire est non seulement robuste, mais que sa défense plongerait le pays dans une guerre intestine sans merci.

Désormais le village global s’ingère dans nos affaires, et nous admoneste.

Comme à l’époque où l’on disait aux Juifs où habiter, quelle profession pratiquer, quel habit porter.

Mais nous ne souffrons pas de l’amnésie qui frappe en Occident la jeune génération et les cyniques.

Ce temps est révolu. Israël existe et vit.

Et l’ingérence a un prix.

Pour la première fois depuis 20 ans j’ai voté aux élections françaises. Je ne les laisserai pas parler en mon nom. Pour mon pays.

Je me suis invitée au débat.

Et je ne compte pas me taire.

à propos de l'auteur
Née à Paris, ancienne avocate au Barreau de Bruxelles, Myriam a quitté l’Europe en 2005 pour s’installer à Montréal, où elle est devenue une travailleuse communautaire au FNJ-KKL puis directrice des relations communautaires et universitaires pour CIJA, porte parole officiel de la communauté juive, avant de faire son alyah. Après un passage au Keren Hayessod, une activité de consultante en relations publiques pour des clients canadiens, européens et israéliens, elle est désormais DIrectrice des missions en Israel pour CIJA.
Comments