Assis dans l’avion à côté d’une brave dame française
Je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie privée en public. Mais cette rencontre faite dans un avion me semble révélatrice d’un certain état de l’opinion publique française et donc digne d’intérêt.
J’étais récemment en transit à l’aéroport d’Istanbul et embarquais sur un vol vers la France. Il est toujours intéressant de découvrir à côté de qui l’on va être assis pendant quelques heures – parfois une bonne surprise, parfois un calvaire.
J’ai donc trouvé ma place à côté d’une dame originaire de Marseille, 71 ans, qui avait l’air plutôt sympathique.
Appelons-là Christine pour préserver son anonymat. En recevant notre repas nous avons commencé à échanger quelques mots.
Christine revenait d’un voyage en Iran. Enchantée.
D’emblée je lui ai révélé que j’étais israélien. Après un petit temps de silence, nous avons poursuivi la conversation.
Dynamique, ouverte aux autres cultures, Christine profite de sa retraite pour voyager dans le monde. Elle m’a raconté en détail certaines de ses aventures en Afrique. Elle a surtout insisté sur cette dernière visite magique en Iran : la gentillesse de la population locale, la diversité de ses paysages, la riche culture antique perse… C’était d’ailleurs la deuxième fois qu’elle se rendait dans ce beau pays. Certes, elle m’a dit regretter le régime islamiste du pays qui fait souffrir sa population, mais rappelait toujours que le peuple perse ne se laissait pas faire ni ne partageait le fanatisme de ses dirigeants.
Et puis, au détour de notre dialogue sur les pays dans le monde, je lui ai demandé si elle était déjà allée en Israël.
Elle m’a rétorqué alors : – Ah ça non ! Jamais je n’irai dans ce pays.
Je lui ai demandé, interloqué : – Ah bon, et pourquoi donc Madame ? Pourquoi pas Israël ?
– Parce que je ne vais pas dans un pays avec lequel je ne suis pas d’accord, dit-elle, un pays qui occupe son voisin… Hors de question !
Voilà, c’est à ce moment précis que la « romance » avec la brave dame s’est brusquement arrêtée. Quel dommage, elle m’était pourtant sympathique, Christine.
Je suis resté poli mais je lui ai dit sans ménagement ce que je pensais :
– Je crois Madame que vous avez un système de valeur tordu, complètement perverti. Vous venez de voyager dans une dictature tenue par une secte islamiste qui – vous l’avez dit vous-même – opprime son propre peuple, pend les homosexuels, lapide les femmes adultères, mate les manifestations dans le sang, finance le terrorisme dans le monde et surtout menace officiellement de détruire ses voisins tout en se dotant de l’arme nucléaire. Et pourtant, c’est Israël qui est une démocratie – critiquable certes, mais une démocratie tout de même – que vous boycottez et diabolisez.
Il faut préciser que Christine ne possédait pas une grande culture, de son aveu elle ne lisait pas de livres ni de journaux, elle s’informait principalement en regardant la télévision.
Elle m’a répondu – Oui mais quand même, j’ai vu ce que « l’Israël » a fait ! Ils ont même tiré sur des pauvres gens qui voulaient rentrer chez eux.
J’ai passé du temps à tenter de lui expliquer le contexte historique et géopolitique. Je lui ai rappelé ce qu’était le Hamas. Je lui ai parlé des différents courants politiques en Israël, du refus arabe d’accepter toute entité juive dans la région depuis un siècle et du plan de partage préconisé par l’ONU en 1947 accepté par les juifs et refusé par les arabes, la guerre d’Indépendance qui en a suivi, le drame des réfugiés juifs des pays arabes et palestiniens, l’exploitation de ce drame par les dictatures arabes, etc.
Mais comment convaincre quelqu’un qui croit avoir « vu » la réalité du terrain – dans un pays où il (ou elle) n’a jamais mis les pieds ?
On avait l’impression de revivre les guerres israélo-arabes à travers notre discussion dans l’avion. Certains passagers d’origine maghrébine se retournaient pour m’envoyer des regards inamicaux…
Elle n’avait jamais entendu parler des faits que je lui présentais : il y a eu plus de palestiniens tués par des arabes que par des israéliens, oui Madame, principalement dans les guerres inter-arabes en Syrie, au Liban, en Jordanie, ou entre le Fatah, le Jihad islamique et le Hamas.
Je lui rappelais que lorsqu’il s’agissait de l’Iran, elle savait très bien faire la distinction entre le peuple et ses gouvernants, alors pourquoi pas dès que cela concernait Israël ?
En fait elle pardonnait tout au régime des Mollah. Elle pensait qu’ils n’étaient pas sérieux lorsqu’ils menaçaient Israël de destruction. Des paroles enfantines, me dit-elle, il ne faut pas en faire tout un plat. Elle pensait que la faute était plutôt du côté de Trump qui jetait de l’huile sur le feu alors qu’Obama avait obtenu un « accord de paix ».
Las, que faut-il penser d’un tel aveuglement ? La logique même glissait sur elle sans la toucher. Elle était pourtant bien gentille Christine, pleine de bons sentiments. On arrive donc à de telles conclusions biaisées lorsqu’on s’informe par les médias français ?
Je lui ai dit qu’elle ne pensait pas juste, ou plutôt à l’envers, qu’elle était en pleine confusion.
Si elle avait fait le choix de ne pas voyager dans un pays dont la politique lui semblait injuste et dangereuse – alors pourquoi voyager en Iran ?
Ou bien si, d’un autre côté, elle se montrait capable de faire un distinguo entre les peuples et la politique suivie par leur gouvernement – alors pourquoi ne pas voyager en Israël ?
Des amis israéliens qui lisent ce texte vont peut-être me demander le numéro de Christine pour l’inviter à un pot à Tel-Aviv et une visite de Jérusalem. Peine perdue, elle ne viendra pas, car elle sait, elle a vu que nous sommes des monstres.
Christine est un pseudo mais on aurait pu en trouver d’autres… Emmanuel Macron ou Edouard Philippe, par exemple, deux pseudos qui rappellent (de façon tout à fait fortuite) un président et un Premier ministre qui ont annulé leurs voyages en Israël…