Ascenseur émotionnel
Il ne faut pas avoir peur des sensations fortes si on veut vivre en Israël. Vivre en Israël a toujours impliqué de passer par des émotions extrêmement diverses et contraires et c’est encore plus vrai depuis le 7 octobre.
Depuis ce jour fatidique, nous nous levons le cœur lourd pour apprendre combien de soldats sont tombés au combat durant les dernières 24 heures. Dans les meilleurs jours, nous allons nous réjouir de la libération ou la délivrance d’otages, ou d’une roquette non interceptée par le Dôme de Fer qui n’aura miraculeusement fait aucune victime. Mais, dans la même journée, ces réjouissances seront de courte durée en raison d’une décision ou d’une réaction d’un de nos politiques, mais surtout en découvrant la couverture des événements du jours par les médias internationaux.
Et que dire des réseaux sociaux ? Voir et entendre un tel déferlement de haine et de mauvaise foi dans le monde est littéralement insupportable pour les binationaux. Certaines postures des haineux français, belges ou américains (entre autres) sont même une insulte à l’intelligence et au bon sens, néanmoins elles sont reprises par les idiots utiles de tous bords et nous abasourdissent par leur violence, nous démoralisent, et alimentent nos craintes les plus profondes et anciennes. Les Israéliens de souche ont, eux, la capacité et même l’habitude de ne pas s’en soucier, et je les envie presque pour ça.
J’entendais un commentateur à la radio, ce matin, qui disait que le pays entier était en post-trauma, puis il s’est corrigé et a précisé que nous étions toujours en plein traumatisme. Il parlait de tout le pays. Pas seulement des familles d’otages ou de victimes du 7 octobre, ni des personnes déplacées du Sud ou du Nord, ni des parents de soldats morts ou blessés, mais de nous tous. Il est vrai que dans ces moments difficiles, nous sommes tous unis dans les émotions, au-delà des clivages politiques ou sociaux. Nous pleurons en chœur et nous nous réjouissons ensemble. C’est beau, c’est fort, c’est émouvant.
En dépit de toutes ces émotions, une autre chose incroyable nous unit : c’est cette prodigieuse résilience de tout un peuple. A peine quelques jours après cette attaque monstrueuse, la vie a recommencé à suivre son cours. Les terrasses se sont à nouveau remplies, les plages se sont couvertes de jeunes à l’allure faussement insouciante, et les danses sur les places et plages ont repris.
Danser le cœur lourd n’est pas évident ; le plaisir n’est pas le même, on est triste, on se sent coupable, mais on doit danser pour rendre hommage aux victimes du festival Nova, qui ne voulaient que cela, et pour permettre à la vie de reprendre le dessus.
Après chaque guerre, chaque vague d’attentats, les Israéliens ont toujours dit qu’il fallait vivre pleinement, chanter et danser pour ne pas céder à la terreur, à la déprime, à l’inquiétude. Cela peut paraître insensible à ceux qui ne voient pas la solidarité dans la peine, mais, en définitive, ils ont bien raison. We are dancing again. Am Israël Hai.