Arrangements avec la Justice

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'un débat "40 signatures", dans la salle plénière de la Knesset, le parlement israélien, le 29 mai 2023. Photo de Yonatan Sindel/Flash90
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d'un débat "40 signatures", dans la salle plénière de la Knesset, le parlement israélien, le 29 mai 2023. Photo de Yonatan Sindel/Flash90

Ce ne sera pas encore pour cette fois-ci. La Conseillère juridique du gouvernement, Gali Barav-Myara a fait savoir aux avocats de Binyamin Netanyahou qu’elle n’était pas favorable à un arrangement tel que celui envisagé : une reconnaissance partielle de culpabilité contre un allègement de peine.

Le Premier ministre mis en examen refuse de reconnaître une « turpitude morale » (calon) qui emporterait l’impossibilité de postuler à une fonction publique pendant sept ans, autrement dit un renoncement à sa carrière politique.

C’est aussi sur ce point qu’un accord avait achoppé il y a deux ans avec le précédent Conseiller juridique du gouvernement, Avichaï Mendelblit. La question pour le Premier ministre n’est pas tellement celle de son avenir politique. Plusieurs signes montrent qu’il aurait bien envie d’arrêter là.

Il y a un an, lorsqu’il était chef de l’opposition, il a écrit ses mémoires, et laissé filtrer dans la presse que son ami Larry Ellison, le PDG d’Oracle, lui avait proposé un poste payé plusieurs centaines de milliers de dollars par an. Mais Binyamin Netanyahou refuse de reconnaître les faits pour lesquels il est accusé de corruption dans le dossier 4000.

Selon l’acte d’accusation, il aurait négocié une couverture favorable de ses activités par le site d’information Walla contre des avantages octroyées à son propriétaire, l’opérateur historique des télécommunications Bezeq : « des centaines de demandes, parfois quotidiennes, parfois exprimées à des heures irrégulières, pour une couverture ou l’abstention d’une couverture … en échange d’un certain nombre de décisions réglementaires et commerciales clés qui ont bénéficié à [Bezeq] à hauteur de 1,8 milliard de shekels », soit environ 450 millions d’euros.

Dans les deux autres dossiers, 1000 et 3000, les accusations – fraude et abus de confiance – sont moins graves et Binyamin Netanyahou serait sans doute prêt à accepter un accord, qui se traduirait par une peine symbolique, sous forme d’un travail d’intérêt général par exemple.

En tout état de cause, le fait que l’on reparle d’un accord aujourd’hui ne doit rien au hasard. Binyamin Netanyahou aimerait bien que son procès s’arrête avant que la procédure atteigne le stade qu’il craint le plus : le moment où il devra répondre aux questions des juges. Le problème ne serait donc plus celui d’une question de principe – un accord avec la justice – que des modalités et du moment où celui-ci interviendrait.

D’autant que, soucieux de sa place dans l’Histoire, Binyamin Netanyahou voudrait quitter la scène politique sur un grand succès : une victoire militaire contre l’Iran ou une normalisation des relations avec l’Arabie saoudite, par exemple.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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