Ariel et Kfir, pardonnez-nous

Chers Ariel et Kfir,
Je vous écris ces mots que vous ne lirez jamais, mais que le monde entier devrait entendre. Des mots qui ne suffiront pas à apaiser la douleur, ni à rendre justice à vos vies volées. Pourtant, je vous les adresse, avec un cœur brisé et une colère que rien ne saurait éteindre.
Pardon.
Pardon pour la cruauté que vous avez subie. Pardon pour les monstres qui vous ont arrachés à la chaleur de votre foyer, pour ceux qui vous ont transformés en symboles d’un calvaire qui ne devrait jamais exister. Vous étiez l’innocence même, des enfants à la chevelure rousse et aux sourires lumineux, et c’est précisément cette innocence qu’ils ont voulu écraser. Parce que le mal ne supporte pas la pureté.
Pardon, parce que l’indignation du monde n’a pas été à la hauteur. Parce que des voix se sont élevées pour justifier l’injustifiable, pour minimiser l’horreur, pour détourner le regard pendant que vous étiez otages, pendant que vos vies s’éteignaient loin de ceux qui vous aimaient.
Pardon pour ces gouvernements qui se sont réfugiés derrière des phrases creuses au nom de la « retenue » pendant que votre destin s’effaçait dans l’ombre. Pardon pour l’Europe, qui fut jadis le théâtre du pire et qui aujourd’hui s’accommode de l’horreur, cherchant des justifications là où il n’y en a pas. Pardon pour ces foules qui ont battu le pavé, non pas pour vous réclamer en vie, mais pour glorifier ceux qui vous ont arrachés à vos parents.
Pardon pour ces journalistes qui ont mis des guillemets autour du mot « terroristes » et qui ont essayé d’expliquer l’inexplicable, comme si la barbarie pouvait s’excuser. Pardon pour ces intellectuels qui ont osé relativiser votre supplice, pour ces voix qui se sont élevées non pas pour pleurer votre sort, mais pour disserter sur un « contexte », comme si un bébé pouvait avoir une couleur politique, comme si un enfant de quatre ans pouvait être coupable de quoi que ce soit.
Chers Ariel et Kfir, vous n’auriez jamais dû être des symboles. Vous auriez dû être de simples enfants, courir sur la plage, vous chamailler pour un jouet, faire des câlins à votre maman. Mais le 7 octobre, des monstres ont décidé autrement. Et depuis, le monde a montré son vrai visage, celui d’une hypocrisie cruelle, d’une indignation sélective, d’un silence assourdissant.
Nous avons failli à notre devoir le plus sacré : protéger l’innocence. Et cela, l’histoire ne l’oubliera pas.
Puisse votre souvenir hanter ceux qui vous ont abandonnés. Puisse votre nom rester gravé dans nos cœurs, comme un rappel de ce qui ne doit plus jamais arriver.
Avec un amour infini et une tristesse sans fond,
Un cœur qui refuse l’oubli.
