Après : Les jours difficiles
Nous sommes en guerre depuis plus de deux mois, après une année de déchirement nos ennemis nous ont finalement unis. Notre société était au bord de l’implosion et la sauvagerie de l’agresseur nous a rendu solidaires les uns des autres. Nos dirigeants sont loin de faire l’unanimité mais telle que la poussière sous le tapis nous remettons à plus tard nos contentieux. Il y a consensus de terminer cette guerre avec les menaces sur le Sud et le Nord annihilées. Une fois ce but atteint les villages et villes de ces régions se repeupleront et nous connaitrons la paix.
Hélas, nous nous devons d’être conscient et de regarder la réalité en face, pas celle que nous aimerions qu’elle soit, mais celle qui pourrait s’imposer à nous. Nous vivons une situation de paradoxes où le succès entraine l’échec et vice versa. Si Israël ne parvient pas à juguler le Hamas et le Hezbollah alors le revers sera amer, les villages et villes évacués ne seront pas repeuplés, la confiance qui nous habite depuis la création de l’Etat d’Israël va s’effriter, nous rechercherons les coupables et nos divisions vont réapparaître ; jusqu’au prochain conflit…
Mais si au contraire, grâce à notre force intérieure et malgré les pressions énormes qui nous entourent nous réussissons à neutraliser nos ennemis, nous risquons d’être alors confrontés devant une situation bien plus préoccupante que tout ce que nous avons connu depuis 1948 : La Question Palestinienne. En effet le problème de la gestion de Gaza dans le contexte de l’après Hamas, soulèvera immanquablement le problème.
La question de qui va gérer l’enclave de Gaza va être très critique pour l’Etat d’Israël. Il n’est pas envisageable que Tsahal soit chargée de la vie quotidienne d’une population de 2.3 millions d’habitants, comme cela s’est fait par le passé, une grande majorité de l’opinion israélienne et mondiale s’y opposerait farouchement. Le mot ‘occupation’ avec toute sa connotation péjorative reviendrait à la surface. Par ailleurs, il est peu vraisemblable qu’une organisation internationale ou un pays tiers accepte cette responsabilité. La seule alternative visible, sera un retour de l’Autorité palestinienne sur ce territoire. Celle-ci se fera tirer l’oreille et sera alors en mesure de dicter ses conditions; à savoir lier la création d’un Etat palestinien à son acceptation de sa responsabilité civile sur l’enclave. Position qui sera probablement soutenue par pratiquement tous les pays au monde, les Etats-Unis en tête.
Il est vraisemblable qu’à ce stade il y ait eu de nouvelles élections en Israël et que le futur gouvernement soit de centre-droit et sera réticent à l’idée d’un Etat à ses frontières qui entourerait tous les centres vitaux et urbains du pays et qui pourrait être hostile. La problématique et les difficultés sont bien connues : principalement l’unité de Jérusalem ; continuité territoriale entre la bande de Gaza et la Cisjordanie ; absence d’armée palestinienne ; représentations diplomatiques ; on peut imaginer une ambassade iranienne à Jérusalem Est, étanchéité des frontières ; doubles-nationalités ; échanges de territoires ; accès à la mer ; démantèlement de certaines implantations et d’autres encore…
Les problèmes sont immenses. Israël se trouvera isolé comme il ne l’a jamais été. Le pire n’est cependant pas là, il viendra de notre fracture intérieure. Le seul fait que le gouvernement puisse songer à négocier sera intolérable à une minorité significative du pays qui pourrait refuser le jeu démocratique. A ce stade, la guerre civile est à nos portes. Guerre qui se ferait alors qu’Israël sera seul et isolé parmi les Nations.
Dans notre très longue histoire, nous nous sommes déjà trouvés dans des situations similaires. Parfois nous nous en sommes sortis, parfois nous y avons perdu notre identité. En 66 de notre ère la guerre contre les Romains mêlée d’une guerre civile, nous a menés à une destruction de notre société, il a fallu deux millénaires pour qu’on puisse s’en remettre. En 732 avant notre ère, le Royaume d’Israël disparaît, mais son frère le Royaume de Juda persistera encore presque deux siècles, malgré les puissances géantes hostiles qui l’entourent (les Chaldéens, les Mèdes les Assyriens) qui veulent sa destruction.
Ce Royaume de Juda était un mouchoir de poche centré sur Jérusalem, il a cependant survécu trois siècles et demi entouré d’ennemis bien plus puissants qu’il ne l’était. Il a été sur le point de succomber à plusieurs reprises, mais il a perduré longtemps contre tout pronostic.
Le paradoxe que l’élimination du Hamas entrainerait une confrontation existentielle à court terme, interne à Israël doit être pris avec sérieux. Nous devons nous y préparer et faire notre possible pour éviter une issue douloureuse. Nous ne sommes pas seuls et nous nous devons de dialoguer.
L’Idéal du « Grand Israël » n’est pas la valeur suprême du judaïsme, la sanctification de la Vie passe avant. Nous sommes déjà passés par des épreuves similaires ne l’oublions pas ; parfois nous avons trébuché, parfois nous sommes tombés. Souvenons-nous du passé et ne répétons pas les mêmes erreurs. Sans remonter à des milliers d’années, souvenons-nous seulement de l’état dans lequel la société israélienne a été plongée cette dernière année jusqu’au 7 octobre ! Depuis, nous sommes temporairement unis, restons-le quand bien même le vent de la discorde viendrait balayer nos cours.