Après le 7 octobre : l’importance du 8 octobre

Manifester contre sa cause à l’ère numérique est devenue une réalité courante, tant dans les rues que sur les campus, touchant une certaine frange de militants.
Les images racontent souvent des histoires, un mode de vie, une pensée, un art de vivre. Celles-ci peuvent encourager la glorification d’actes qui ont engendré souffrances et divisions, dont les Gazaouis sont malheureusement les premières victimes. Elles minimisent la douleur des victimes et des familles touchées, tout en véhiculant un message dangereux : celui que la violence est un moyen légitime d’expression ou de revendication.
Les manifestations qui célèbrent un événement violent peuvent créer un sentiment d’appartenance à un groupe ou un sentiment de revanche légitime, renforçant ainsi des attitudes belliqueuses envers « l’autre ». Ce phénomène est bien documenté en psychologie sociale : lorsque les individus se sentent soutenus par un groupe, ils peuvent être plus enclins à adopter des comportements asociaux et à déstabiliser l’ordre social.
De plus, l’effet de groupe joue un rôle majeur dans la manière dont ces images influencent les comportements et l’interprétation du public non directement concerné par les événements. Les représentations qui célèbrent la violence peuvent provoquer une réaction contraire, c’est-à-dire encourager une antipathie vis-à-vis de la cause défendue et entraîner la perte du soutien de l’opinion publique.
Toute glorification de la violence appelle à une profonde réflexion éthique et philosophique, de part et d’autre. Dans son ouvrage Critique de la raison pure, Kant souligne le devoir moral de respecter la dignité humaine. L’être humain doit ainsi prendre conscience de sa propre dignité et de sa valeur. En reconnaissant sa propre valeur, on peut aussi reconnaître celle des autres.
Les images qui glorifient la violence vont à l’encontre de cette notion fondamentale, car elles réduisent les victimes à de simples symboles dans un récit exaltant la souffrance et la vengeance. En agissant ainsi, les manifestants méconnaissent non seulement leur propre humanité, mais aussi le droit à la dignité de leurs adversaires.
Nous avons tous une responsabilité collective face à ce qui se déroule sous nos yeux, que ce soit dans les rues de Rabat, Montréal ou Paris.
Les actes violents sont rarement isolés ou le fruit d’une initiative individuelle. Ils sont le produit d’un climat social et culturel, souvent nourri par des représentations déformées et un battage médiatique incessant. Par conséquent, toute manifestation qui pourrait contribuer à scléroser les fondements du vivre-ensemble ou à banaliser le discours extrémiste, rend le mal plus acceptable, et par conséquent plus dangereux.
En Occident, nous luttons jour et nuit contre la montée de l’extrême droite et de son discours xénophobe, réducteur et déshumanisant. Serait-il logique d’adopter le même paradigme pour défendre nos causes ?
Tout en protégeant la liberté d’expression et le droit de manifester, il est impératif de ne pas laisser ces représentations se normaliser. Les autorités et les médias doivent jouer leur rôle de sensibilisation et de contre-offensive afin de contrecarrer le sentiment d’insécurité et de désinformation.
En nous opposant à ces manifestations et représentations glorifiant ou sympathisant avec la violence du 7 octobre, nous affirmons notre engagement en faveur d’un processus de paix et favorisons une meilleure compréhension de la cause palestinienne, cette noble cause qui mérite d’être défendue intelligemment. Le 7 octobre, cette date cauchemardesque, devrait résonner comme un appel à une réflexion collective. Elle a révélé le meilleur comme le pire en nous.
Dans le Coran, Allah rappelle que « celui qui tue une âme, sauf pour une âme ou pour corruption commise sur terre, c’est comme s’il avait tué l’humanité entière » (Coran 5:32).
Dans le judaïsme, le concept de Pikuach Nefesh (la sauvegarde de la vie) enseigne que la préservation de la vie humaine surpasse presque tous les autres commandements religieux. La célébration de la violence s’oppose radicalement à cette valeur fondamentale.
Dans le contexte de la guerre à Gaza, la Charte de Médine illustre un moment historique où l’Islam reconnaissait la diversité et la coexistence pacifique entre différentes communautés. Lors de la fondation de l’État islamique après l’Hégire du Prophète Muhammad de La Mecque à Médine, les Mouhajiroun (migrants) et les Ansar (sympathisants) cohabitaient avec les communautés juives de Médine. Ces différentes communautés jouissaient des mêmes droits et obligations.
La Charte de Médine, considérée comme l’un des premiers documents constitutionnels, déclarait que les Juifs et les Musulmans avaient leurs propres allocations tout en s’engageant à défendre ensemble la ville contre tout ennemi commun. Cet exemple souligne que, malgré les tensions actuelles dans la région, il existe des précédents historiques de cohabitation et de solidarité entre communautés religieuses.
La charte de Médine peut être jumelée au concept de Tikkun Olam (réparation du monde) qui est important dans la culture juive. Il s’agit de l’engagement à contribuer à l’amélioration de la société, à renforcer la paix et la justice, et à respecter la dignité humaine
Il y a donc un terrain commun à cultiver.