Antisémitisme : « Monsieur le premier secrétaire, la gauche universaliste que le PS incarne doit se réveiller »

Des élus socialistes, constatant une ambiguïté dans une partie de la gauche, demandent à Olivier Faure, premier secrétaire du PS, d'agir contre l'antisémitisme. Ils suggèrent la mise en place d'une commission spéciale.
French Socialist Party (PS) First Secretary Olivier Faure, attends the election congress of the Party of European Socialists (PES) ahead of the upcoming 2024 European elections, on March 2, 2024 in Rome. (Photo by Andreas SOLARO / AFP)
French Socialist Party (PS) First Secretary Olivier Faure, attends the election congress of the Party of European Socialists (PES) ahead of the upcoming 2024 European elections, on March 2, 2024 in Rome. (Photo by Andreas SOLARO / AFP)

Monsieur le premier secrétaire du Parti socialiste,

Critique antisioniste masquant à peine un antijudaïsme déguisé, « complot juif », rhétorique de l’instrumentalisation, banalisation et minimisation de la Shoah… En plusieurs décennies, la question de l’antisémitisme dans notre société, comme au sein des différents partis politiques français, s’est parée d’une complexité et de formes nouvelles.

Ambiguïté de la gauche

Depuis les attaques terroristes du Hamas du 7 octobre 2023, la France et le monde connaissent un déferlement de haines antijuives. Or, le refus de certains élus de condamner les horreurs du 7 octobre et leur caractère antisémite contribue à alimenter la libération de la haine sur les réseaux sociaux et dans le quotidien des Français.

Le constat est alarmant : 1 676 actes antisémites ont été recensés en 2023. Pire, durant les 3 mois qui ont suivi l’attaque du 7 octobre, le nombre d’actes antisémites a égalé celui des 3 années précédentes cumulées. Face à ce regain de violences, les Français de confession juive se sentent seuls et abandonnés.

Aujourd’hui, la France universaliste à laquelle nous tenons est en danger. Le Parti socialiste, qui a toujours été à la pointe de la lutte contre les haines, doit être le moteur du sursaut républicain. Or, il est une évidence : l’alliance NUPES entretient un malaise, car elle fait cohabiter de fait des partis entretenant des rapports différents au regain d’antisémitisme que connaît la France aujourd’hui. Certains militants et sympathisants de la NUPES s’en sont même pris à plusieurs de nos camarades en raison de leur appartenance familiale ou religieuse. Nous ne pouvons pas accepter d’être associés à des personnalités ou structures qui n’auraient pas un discours irréprochable sur la question de l’antisémitisme. Si ce combat ne remet nullement en cause la liberté de critiquer et de condamner les politiques menées par l’État d’Israël et/ou son Premier ministre, il ne saurait être un prétexte à propager des préjugés antisémites.

Nous refusons la prétendue analyse électoraliste qui veut essentialiser les électeurs et laisse croire qu’il existerait « un vote juif », « un vote musulman », et que pour gagner des communes il faudrait sacrifier ses valeurs républicaines.

Pire, que pour séduire un prétendu électorat musulman, il faudrait porter l’antisémitisme dans ses programmes. C’est une insulte aux musulmans, c’est une insulte à notre vivre-ensemble.

Sensibiliser

La lutte contre l’antisémitisme comme toutes formes de discriminations a besoin d’engagements et non de déclarations. Sans détour, sans hésitation et avec force le Parti socialiste doit réaffirmer son engagement sans faille dans ce combat.

Aussi, Monsieur le premier secrétaire, nous appelons à la création d’une commission ad hoc de lutte contre l’antisémitisme au sein du Parti socialiste, commission qui aura vocation à élaborer des propositions claires et fortes pour le pays en matière de lutte contre l’antisémitisme, à sensibiliser et former tous les militants et toutes les militantes sur les nouvelles formes de l’antisémitisme contemporain, et à accompagner les camarades victimes de la haine au titre de leur appartenance. De premières propositions pourraient être portées dans le cadre des prochaines Assises organisées par le gouvernement le 6 mai prochain.

Beaucoup de socialistes français, à commencer par Jean Jaurès, furent engagés dans le soutien au capitaine Alfred Dreyfus victime d’une conjuration et de la haine antisémite. La résistance française fut elle aussi portée par de nombreux socialistes (Felix Gouin, Daniel Mayer, Suzanne Buisson, Robert Verdier…).

Forte de cette histoire, face à l’antisémitisme, la gauche ne peut pas aujourd’hui rester passive, la gauche universaliste que le PS incarne doit se lever pour refuser tout dévoiement, toute « corbynisation ». Nous vous proposons d’être de ceux-là.

Ne doutant pas de votre engagement dans ce combat, veuillez croire, Monsieur le Premier secrétaire, cher Olivier, en nos salutations socialistes.

Signataires :

Éléonore SLAMA, adjointe à la maire du XIIe de Paris

Michaël DELAFOSSE, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole

Mahor CHICHE, conseiller de Paris

Rachid TEMAL, sénateur du Val-d’Oise

Camille VIZIOZ-BRAMI, conseillère du IXe arrondissement de Paris

Tribune parue sur MARIANNE le 16/04/2024 . Avec l’aimable autorisation des auteurs.

à propos de l'auteur
Mahor Chiche est Avocat au Barreau de Paris et Conseiller de Paris (Elu de Paris19e), il s'est engagé pour les Droits humains et dans la lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les haines depuis ses 17 ans. Élu du Parti Socialiste, il a été en charge des questions de démocratie locale et budget participatif, et depuis 2014 des enjeux mémoriels.. Mahor Chiche a crée en 2014 le "Mois des Mémoires" une initiative intergénérationnelle qui fait réfléchir de manière croisée sur les questions de racisme, antisémitisme, shoah, esclavage, guerres décoloniales tout en favorisant la rencontre des habitants du 19ème arrondissement de Paris et en particulier les plus jeunes (collégiens et CM2 d'écoles publiques et privées). Les conférences, l'art, les projections débats, le stand up, l'écriture y sont autant de vecteurs utilisés. Il est l'auteur d'une thèse sur "Le rôle des référendums nationaux dans la construction européenne" (sous la direction du Professeur Gwenaele. Calves, Université de Cergy-Pontoise, 2008) et de nombreux articles :« Nous, socialistes, refusons l’amalgame « sioniste = fasciste », Le Point, 12 avril 2024 ; *Etat de droit en état d’urgence, "La Justice administrative face au confinement", Atlantico.fr, 9 mai 2020 ; « Birmanie, Nous refusons le silence face à l'Apartheid et au nettoyage ethnique », Le Monde, 26 juin 2013 ; « Les droits des pères sont-ils bafoués par la justice française », Libération, 18 février 2013 ; « L'avenir de la démocratie, le référendum rationalisé », Le Monde, 1 mars 2012 ; « Repenser la lutte antiterroriste », Le Figaro, 9 septembre 2005. Il intervient régulièrement dans des conférences.
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