Antisémitisme: la question qui tue
Je viens de visionner le segment de Tout le monde en parle de dimanche dernier avec les trois survivants de l’holocauste.
Ça avait pourtant bien commencé…
On avait fait jouer Nuit et brouillard de Jean Ferrat, une chanson extrêmement émouvante sur l’horreur des camps.
L’entrevue roulait bon train, on donnait le temps aux survivants de raconter leur histoire, leur désespérance.
Puis est arrivé la question qui tue.
Guy A. Lepage leur a demandé ce qu’ils pensaient de la montée de l’islamophobie en Europe !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Il ne leur a pas demandé ce qu’ils ressentaient face à la montée de l’antisémitisme en Europe.
Il ne leur a pas parlé des quatre Juifs assassinés à l’Hyper Cacher de Paris le 9 janvier dernier PARCE QU’ILS ÉTAIENT JUIFS.
Pas un mot sur Mohamed Merah qui a tué des enfants et des parents dans une école juive de Toulouse PARCE QU’ILS ÉTAIENT JUIFS.
Pas un mot sur ce jeune français qui a été enlevé, séquestré et torturé pendant 24 jours, puis lâchement tué PARCE QU’IL ÉTAIT JUIF.
Je suis sidérée.
On demande à trois hommes qui ont perdu leur père, leur mère, leurs frères et sœurs, leurs oncles et tantes dans des camps de concentration nazis ce qu’ils pensent de la montée de l’islamophobie ?
Pas un mot sur les milliers de Français juifs qui quittent l’Hexagone pour s’installer en Israël pour fuir l’antisémitisme de l’Europe ?
Alors que c’est l’antisémitisme, la haine des juifs qui a fait des morts en Europe depuis des années ? Combien d’enfants musulmans ont été assassinés dans des écoles musulmanes en Europe, Guy A . ?
L’animateur leur a ensuite demandé s’il y avait de l’antisémitisme ici au Québec.
Mais pas un mot sur Mehdi Nemmouche, un Français d’origine algérienne qui, en mai 2014, est entré dans le Musée juif de Bruxelles et a tué quatre personnes ?
Dans sa chanson, Jean Ferrat disait ceci à propos des hommes et des femmes morts dans les camps :
On me dit à présent que ces mots n’ont plus cours,
Qu’il vaut mieux ne chanter que des chansons d’amour,
Que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire,
Et qu’il ne sert à rien de prendre une guitare.
Mais qui donc est de taille à pouvoir m’arrêter?
L’ombre s’est faite humaine, aujourd’hui c’est l’été,
Je twisterais les mots s’il fallait les twister,
Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez
Moi aussi, je voudrais que les enfants sachent qui vous étiez, vous, les victimes de l’antisémitisme au 21e siècle.
Vous êtes Yohav Hattab, Yohan Cohen, Philippe Braham et François-Michel Saada, victimes de la prise d’otages de l’Hyper Cacher le 9 janvier 2015.
Vous êtes Emanuel et Miriam Riva, Dominique Sabrier, Alexandre Strens, victimes de l’attentat au Musée juif de Bruxelles en mai 2014.
Vous êtes Jonathan Sandler 30 ans, Gabriel Sandler , 3 ans, Aryeh Sandler, 6 ans et Myriam Monsonégo 8 ans, victimes de l’attentat à l’école juive de Toulouse en mars 2012.
Vous êtes Ilan Jacques Halimi, victime d’une bande de barbares en janvier 2006. Et sur votre tombe, votre famille a fait inscrire ces mots : « Ilan Jacques Halimi, torturé et assassiné en France parce qu’il était juif, à l’âge de 23 ans. »
Je donne votre nom, pour éviter que se produise ce que craignait Ferrat : « que le sang sèche vite en entrant dans l’histoire ».
Publié initialement sur le Journal de Quebec