Accords à Gaza : la terrible arnaque de Donald Trump

Einav Zangauker, mère de l'otage Matan Zangauker, s'exprime lors d'une conférence de presse sur la place des otages à Tel Aviv le 17 janvier 2025 (Crédit : Hostages Forum)
Einav Zangauker, mère de l'otage Matan Zangauker, s'exprime lors d'une conférence de presse sur la place des otages à Tel Aviv le 17 janvier 2025 (Crédit : Hostages Forum)

On se souvient qu’au cours d’une conférence de presse organisée le mardi 7 janvier depuis sa résidence de Mar-a-Lago en Floride, le président élu Donald Trump prévint que « l’enfer éclatera au Moyen-Orient » si les otages israéliens kidnappés par le Hamas depuis le 7 octobre 2023 n’étaient pas libérés avant son investiture prévue le 20 janvier.

Plein d’espoir, ceux qui comme nous en Israël attendent avec tant d’impatience le retour de nos otages se réjouissaient à l’idée que le président du pays le plus puissant de la planète fasse montre de courage et de détermination – à la différence de Joe Biden – afin de faire libérer les malheureux qui survivent enfermés chez les barbares du Hamas depuis plus d’un an.

Mais il y avait anguille sous roche, car point besoin d’une exégèse trop pointue pour remarquer que la menace était dirigée, non pas spécifiquement contre le Hamas, l’Iran ou le Qatar, mais contre le « Moyen-Orient » dans son ensemble, et qu’Israël en fait partie… Et même lorsque le président américain nouvellement élu ajouta enfin « et ce ne sera pas bon pour le Hamas », il continua sa phrase en disant « et ce ne sera franchement bon pour personne ».

En faisant une inférence, nous pouvons déduire ce qui n’a pas été dit par Donald Trump : le président américain nouvellement élu n’a pas prononcé une seule fois le mot « Israël » dans sa déclaration, et cela pouvait déjà constituer un indice quant au fait que l’ « enfer » s’abattrait sur tout le monde, et que l’État juif n’était pas exempt de cette menace…

En effet, il est plus simple pour Trump de faire pression sur Israël contre lequel il peut activer de nombreux leviers (économiques, sécuritaires, juridiques) que sur le Hamas, l’Iran et le Qatar (dont Trump a salué le leadership en septembre 2024) pour avoir son heure de gloire en prétendant avoir obtenu gain de cause (la libération des otages) avant son investiture.

L’arnaque résidait dans le fait que les clauses du contrat rédigées par le nouveau président américain stipulait la libération de plus de 1300 terroristes du Hamas et d’autres organisations de tueurs fanatisés en échange de seulement 33 otages, alors qu’il y en a 98 au total (quid des 65 restants ?). De plus, un cessez-le-feu sera décrété, qui avantagera évidemment le Hamas qui en profitera pour se réorganiser et se réarmer comme le dit justement l’avocate israélienne spécialiste de l’antiterrorisme Nitsana Darshan-Leitner.

Certes, Mike Waltz, le nouveau conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump expliqua lors d’une intervention sur Fox News qu’il comprenait les inquiétudes des Israéliens concernant la libération des terroristes en échange des otages, mais que l’Amérique soutiendra Israël si le Hamas recommence à devenir une menace. Ajoutant : « Les États-Unis ne toléreront pas que le Hamas continue d’être une entité armée ou qu’il puisse gouverner encore la bande de Gaza ».

Mais alors, pourquoi faire pression sur Israël qui a accepté un « deal » qu’il avait catégoriquement refusé jusqu’à présent ? Pourquoi faire prendre de nouveaux risques sécuritaires à l’État juif ? Si Trump est si sûr de lui concernant sa capacité à endiguer la volonté du Hamas de recouvrer ses forces, pourquoi ne pas tordre le cou à ce mouvement terroriste dès maintenant ? Pourquoi faire au Hamas ce cadeau ?

Benjamin Netanyahu avait refusé sous l’Administration Biden (qui a collaboré malgré tout à cet accord frauduleux mais sous l’impulsion de Trump) d’accepter un cessez-le-feu trop long (celui-ci devrait durer 42 jours) réduisant ainsi la capacité offensive de Tsahal d’en finir avec le Hamas (mais est-ce encore le but de guerre ?).

Certains envisagent – espérons à raison – qu’il y aurait un accord caché entre Trump et Netanyahu qui consisterait à en finir enfin avec ce fléau mondial – la cause de tous les malheurs d’Israël – c’est-à-dire l’Iran. Il serait plus que temps de liquider le régime des ayatollahs et des Pasdarans et surtout de détruire son programme nucléaire. Nous verrons…

Le problème réside donc dans la confiance qu’Israël peut avoir après ce coup de Jarnac dans la nouvelle administration Trump qui sur le papier présente des personnalités extrêmement pro-israéliennes pour lesquelles j’ai le plus grand respect.

Il n’empêche, Israël reste en guerre et n’a pas fini le travail, stoppé une fois de plus par des pressions internationales avant d’obtenir une victoire décisive.

Jérusalem oublie trop souvent aussi que la guerre est selon Clausewitz « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté », le stratège prussien ajoutant que la guerre n’est pas terminée « tant que la volonté de l’ennemi n’est pas également jugulée, c’est-à-dire tant que son gouvernement et ses alliés ne sont pas décidés à signer la paix ou son peuple à se soumettre » (De la guerre).

Nous le voyons bien, la guerre n’est pas terminée pour Israël.

 

à propos de l'auteur
​Frédéric Sroussi est journaliste et essayiste. Il a collaboré, entre autres, au Journal du Parlement français, à l'édition française du Jerusalem Post, à la revue de l'Instituto Centroamericano de Prospectiva e Investigación (ICAPI), à la revue France-Israël Information, à Front Populaire, Tribune Juive et Atlantico. Il est aussi l'auteur de trois essais dont un ouvrage collectif pour les éditions du Centre Pompidou de Paris.
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