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Des personnes se rassemblent près d’une horloge comptant les jours écoulés depuis la prise d'otages par le Hamas, à Tel Aviv, le 1er janvier 2025. (Crédit : Matias Delacroix/AP)
Des personnes se rassemblent près d’une horloge comptant les jours écoulés depuis la prise d'otages par le Hamas, à Tel Aviv, le 1er janvier 2025. (Crédit : Matias Delacroix/AP)

« Si vous êtes pris par l’ennemi, partout où vous serez, on ira vous chercher ». Ainsi s’exprimait le président Ezer Weizman en s’adressant à de jeunes recrues de Tsahal. L’ancien commandant de l’armée de l’air savait de quoi il parlait.

C’était à la fin du siècle dernier, un temps où les soldat(e)s, et les Israélien(ne)s dans leur ensemble étaient convaincus que leur pays ne les abandonnerait jamais. Les choses ont bien changé.

Le 7 octobre 2023, l’État a abandonné une première fois les habitants vivant près de la frontière avec Gaza en ne maintenant sur place que des troupes squelettiques et du matériel nettement insuffisant. On a déjà décrit ici comment le gouvernement avait préféré mobiliser l’armée en Cisjordanie afin de protéger des colons plus ou moins agressifs.

Dans les localités et les bases militaires en proie à toutes les violences de terroristes déchaînés, il fallut attendre de longues heures l’intervention de forces de sécurité qui ne devaient pas démériter.

Comme si cela ne suffisait pas, 15 mois après ce maudit Samedi noir où 251 jeunes et moins jeunes furent enlevés, il reste encore 100 otages vivants ou morts dans les geôles de Gaza. En novembre 2023, 105 d’entre eux avaient pu être libérés et des opérations militaires aboutirent à en sauver d’autres.

Depuis, à intervalles réguliers, on parle d’une nouvelle vague de retour des otages au terme de négociations indirectes entre le Hamas et Israël. Chaque fois, ces espoirs sont déçus.

Les exigences d’un Hamas sûr de lui y sont pour quelque chose. Mais dans la dernière période, l’organisation terroriste, le dos au mur, a été obligée de renoncer à certaines d’entre elles, dont l’arrêt définitif des combats et l’évacuation immédiate de toutes les troupes de Tsahal.

Du côté israélien, les déclarations du gouvernement ne sont plus crédibles aux yeux de l’immense majorité des citoyens. Car tous les prétextes sont bons pour différer un accord : après la nécessité de conserver le contrôle de telle ou telle zone, désormais, c’est la véracité des listes nominatives de captifs qui est mise en cause.

Ces arguments sont admissibles, car dans tout mensonge il y a toujours une page de vérité. Celle-ci devient chaque jour un peu plus évidente : le gouvernement de Benjamin Netanyahu pourrait être mis en difficulté par des membres de la coalition qui font de l’intransigeance leur marque de fabrique. Il faut bien préparer un argumentaire en vue des prochaines élections, surtout si leur date prévue (octobre 2026) était avancée.

D’ici là, les dizaines d’otages encore vivants souffrent le martyre, leurs familles se désespèrent et les citoyens aussi. Avec le sentiment que le pays abandonne une deuxième fois les siens.

à propos de l'auteur
Philippe Velilla est né en 1955 à Paris. Docteur en droit, fonctionnaire à la Ville de Paris, puis au ministère français de l’Economie de 1975 à 2015, il a été détaché de 1990 à 1994 auprès de l’Union européenne à Bruxelles. Il a aussi enseigné l’économie d’Israël à l’Université Hébraïque de Jérusalem de 1997 à 2001, et le droit européen à La Sorbonne de 2005 à 2015. Il est de retour en Israël depuis cette date. Habitant à Yafo, il consacre son temps à l’enseignement et à l’écriture. Il est l’auteur de "Les Juifs et la droite" (Pascal, 2010), "La République et les tribus" (Buchet-Chastel, 2014), "Génération SOS Racisme" (avec Taly Jaoui, Le Bord de l’Eau, 2015), "Israël et ses conflits" (Le Bord de l’Eau, 2017), "La gauche a changé" (L'Harmattan, 2023). Il est régulièrement invité sur I24News, et collabore à plusieurs revues.
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