À qui profite la saga des municipales en Israël ?
Après de multiples reports, les municipales se dérouleront ce 27 février, sauf imprévu de dernière minute. La guerre en cours et les scandales qui touchent les élus locaux ne devraient pas inciter beaucoup d’électeurs à se rendre aux urnes.
Les élections municipales en Israël ont lieu tous les cinq ans. Initialement prévu pour le 31 octobre 2023, le prochain scrutin a été reporté une première fois au 30 janvier 2024 pour se tenir finalement ce 27 février. Tenir des élections en temps de guerre n’est pas l’idéal, mais le retour à une normalité démocratique semble l’exiger.
Le prix de la démocratie
Certes, de nombreuses voix s’élèvent dans le pays pour un nouveau report du scrutin. Il est vrai que la guerre n’a pas permis une campagne électorale normale : des dizaines d’Israéliens sont toujours les otages du Hamas, des candidats potentiels aux municipales servent comme réservistes dans Tsahal et les budgets électoraux ont déjà été dépensés.
Sans compter que de nombreuses villes du pays ont été vidés de leurs occupants, ce qui complique la tâche des commissions électorales ; dans 12 localités dont les habitants ont été déplacés, les municipales ont été repoussées au mois de novembre prochain.
En fait, la situation actuelle semble donner l’avantage aux maires sortants qui sont candidats à leur propre succession ; et cela au détriment des candidats nouveaux et des candidats indépendants qui ne sont pas soutenus par un parti politique et qui n’ont pas de grands moyens financiers.
Entretemps, la guerre a fait oublier aux 7 millions d’électeurs potentiels que les municipales en Israël s’accompagnent souvent de cas de violence, de corruption et extorsion de fonds, voire de règlements de compte sanglants.
Au cours de la dernière décennie, des dizaines de maires et anciens maires ont fini leur carrière locale dans les salles d’interrogatoire de la police (au mieux) ou dans une prison (au pire) ; le soupçon de corruption touche les partis politiques de tous les bords, droite et gauche, religieux et laïcs, juifs et arabes.
Pouvoir corrompu
C’est ainsi que, jusqu’au 7 octobre, la criminalité au sein de la société arabe d’Israël a touché de plein fouet la campagne électorale pour les municipales ; une trentaine des maires (sur les 85 localités arabes) ont été menacés ouvertement, certains y ont perdu la vie.
Alors que des organisations criminelles tentent de prendre le contrôle des municipalités arabes, des dizaines de candidats aux municipales ont été victimes de violence visant à les obliger à renoncer à leurs ambitions locales.
Dans les localités juives ou à la population mixte aussi, un parfum de corruption se dégage de la campagne pour les prochaines municipales ; de nombreux maires ou candidats à la mairie ont purgé des peines de prison, ce qui ne les empêche pas de se représenter à un poste électif dès leur retour à la vie civile.
Les candidats juifs ultraorthodoxes ne sont pas à l’abri du scandale. Dans la ville haredi Beitar Illit, des soupçons de financement illicite entachent la campagne du maire sortant ; à Safed, des candidats à la mairie sont l’objet d’une enquête policière pour corruption politique. Quant à l’actuel ministre de la Santé (Shass), il est candidat à la mairie de Bnei Brak alors qu’il réside à Petah-Tikva…
Les grandes villes du pays aussi ne sont pas épargnées par le scandale. A Bat-Yam et à Ramat-Hasharon, des ex-maires déjà condamnés pour fraude et abus de confiance, sont à nouveau candidats à la mairie. A Herzlia, un candidat de la droite a déjà purgé quatre peines de prison après avoir été reconnu coupable d’extorsion et de blanchiment d’argent.
Certes, le droit israélien n’empêche pas un délinquant condamné par la justice de se présenter à une élection et de briguer un mandat politique : il serait dommage de s’en priver…
La question est donc posée : le prix que la démocratie paie pour la tenue d’élections en temps de guerre est-il plus élevé que celui qu’elle aurait payé si les élections avaient été reportées à la fin du conflit, voire repoussées d’un an ? La réponse est encore incertaine…