400
Ça y est nous avons dépassé 400 jours. 400 jours de guerre, de souffrance pour les civils, les soldats, et 400 jours de cauchemar éveillé pour les otages qui demeurent prisonniers des terroristes à Gaza.
Je ne croyais pas que nous arriverions à un tel chiffre. Je ne croyais pas non plus aux 100 jours, ni à l’année. Je ne pensais pas que je serai encore à écrire sur notre impuissance et frustration. Je pensais qu’enfin je pourrai reparler de sujets plus légers et de ma vie de néo-Israélienne.
Mais il n’en est rien.
Cela fait plus de 400 jours que le simple citoyen a pris l’habitude de s’assurer que son abri est accessible, de localiser les différents abris publics lors de déplacements, de ne pas voyager trop loin de sa ville à moins de nécessité absolue, d’être alerte. Et puis de regarder le moins que possible les nouvelles à la télé.
Mais les nouvelles nous rattrapent malgré tout. Malgré nos efforts constants de s’en éloigner et de tenter désespérément de s’accrocher à une forme de vie normale.
Il suffit d’écouter la radio musicale en voiture pour être replongé dans notre quotidien avec les interruptions de la sécurité civile demandant aux habitants de villes attaquées de se mettre à l’abri. J’habite le centre du pays et ce sont les habitants du Nord qui sont rudement et quotidiennement attaqués par les missiles du Hezbollah ; les messages en plein milieu de chansons sont donc plus souvent pour les villes du Nord que pour ma ville.
Mais il m’est arrivé souvent (j’emploie le passé à dessein pour me donner espoir) de devoir laisser ma voiture en pleine circulation et de me jeter sur le sol ou de rentrer dans un immeuble se trouvant à proximité. Et puis ces messages nous replongent contre notre volonté dans un quotidien de guerre bien réelle. Une guerre qui emporte chaque jour la vie de jeunes et moins jeunes qui ont tout laissé derrière eux pour défendre leur pays. Des réservistes qui ont plus connu les affres de la guerre que leur lieu de travail au cours de ces derniers 400 jours.
Et puis les jeunes conscrits qui ne s’attendaient pas à être plongés dans une guerre si longue, si dure, mais qui ne désertent pas leur devoir. Des jeunes qui ont perdu leur innocence à tout jamais. Et qui regardent, incrédules, les jeunes de leur âge manifester sur les campus universitaires occidentaux au mépris de leurs propres valeurs de liberté et de tolérance.
Et puis un quotidien qui nous rappelle que les Juifs forment décidément un peuple, qu’ils soient israéliens ou non. Les diverses scènes de chasse au Juif, qu’elle soit contre des commerces, des écoles, des synagogues, centres communautaires ou encore physiquement comme à Amsterdam ou en Suède.
De doctes intellectuels autoproclamés progressistes mais défendant des organisations aux valeurs médiévales viennent nous dire que les Juifs ont volé des terres aux arabes et qu’ils devraient retourner en Europe. Mais qui ne voient pas de contradiction lorsqu’Israel est obligé d’envoyer des avions pour secourir des Juifs pris au piège des pogromistes en Europe.
Un quotidien lunaire. Auquel personne n’était prêt. Auquel personne ne devrait être confronté.
Pas même les habitants de Gaza qui maudissent désormais le Hamas après 400 jours de misère à avoir soutenu ce régime de Moloch qui engloutit ses propres enfants dans sa folie meurtrière.
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Je reprends ce texte après être interrompue par des alertes missiles. Il faut croire que mon vœu pieux de choix grammatical n’était qu’un simple souhait. Pour déjouer le sort. Le sport favori des Israéliens mais un sport usant car il devient de plus en plus difficile de se répéter la phrase culte « ça va aller ».
Pourtant cette petite formule classique est tellement illustrative de la mentalité locale. Même si rien ne permet de croire que cela va aller, tout ira bien car il n’y a pas d’autre choix.
Aujourd’hui l’antisémitisme, l’antisionisme, la haine des Juifs ou d’Israel, appelez ça comme vous voulez, est globalisée.
Aujourd’hui un simple match de foot est une occasion à pogrommer des Juifs / Israéliens dans les rues de capitales européennes. Les Israéliens, d’habitude friands de voyages à travers le monde, hésitent de plus en plus à prendre l’avion.
On nous dit que tout devrait changer avec l’élection de Trump. Il est vrai que c’est possible mais j’avoue être mal à l’aise avec cet espoir.
Sans entrer dans les questions de politique interne américaine car je ne suis pas citoyenne américaine et donc n’ai pas l’autorité à porter un jugement, la position de la première puissance mondiale au Moyen-Orient est un élément capital de stabilisation ou de désordres.
La politique d’Obama dans la région demeure à cet effet un traumatisme encore présent et aux conséquences encore visibles. Lorsque le président américain a reconnu prestement la victoire d’ Ahmadinejad aux élections de la République Islamique d’Iran tandis que son peuple était dans les rues criant au vol des urnes et demandant un changement de régime, Obama a sonné le glas de la résistance du peuple iranien. Et après des milliers d’exécutions d’opposants, de femmes, d’homosexuels, cette trahison est une plaie qui demeure vivace. Le régime des mollahs iraniens y avait en effet vu non seulement un adoubement mais une preuve de faiblesse, une condamnation à mort au Moyen-Orient.
Je ne me retrouve pas dans les positions de Trump en politique interne mais force est de reconnaître que son instabilité légendaire fait de lui un personnage craint dans la région, une personne dont il faut se méfier des réactions. Et cette attitude, malgré l’incompréhension des Occidentaux qui continuent de voir notre région à travers le prisme de leur propre culture, fait qu’une majorité d’Israéliens préférait le voir accéder à la présidence américaine.
Énième preuve de cette réaction, le sommet de la Ligue Arabe qui s’est tenu il y a quelques jours. Tandis que les sources de désaccord et de conflits violents sont nombreuses au sein même des membres de cette organisation, un accord de façade a été affiché pour rappeler qu’ils forment toujours une force conséquente avec laquelle la nouvelle administration américaine devra faire affaire.
Mais ce qui me met le plus mal à l’aise, c’est le fait de croire que le sort de la guerre va dépendre de cette super puissance. Alors que l’on revendique notre indépendance et notre souveraineté. Il est vrai aussi que nos soldats se battent non pas juste pour notre sécurité et le retour de nos otages, mais plus largement pour le sort du monde libre. Le monde qui ne veut pas subir le même sort que les Iraniens ou les Afghanes devenues invisibles et inaudibles.
Et lorsque l’on voit les rues des capitales occidentales aux prises avec des hordes de soutiens au Hamas et Hezbollah flanqués de leurs idiots inutiles se croyant vivre leur rêve de révolution, il y a de quoi s’inquiéter. Et se dire qu’Israël rend service au monde entier en faisant le sale boulot. Car ce ne sont pas ces révolutionnaires de pacotille, ces progressistes médiévaux qui seront en mesure de défendre leurs pays.
Peu nombreux sont ceux qui supporteraient le quotidien des Israéliens, quotidiennement attaqués par des pluies de missiles, déjouant des dizaines d’attentats, dont le cœur est déchiré à chaque annonce de décès de soldat, dont les enfants, les conjoints, parents ont du prendre l’uniforme et partir de la maison. Tout en vivant avec le traumatisme du 7 octobre et l’absence de 101 innocents dans les donjons des terroristes à Gaza.